LE PRINTEMPS DES JOURNALISTES-ECRIVAINS
Il faut certainement remonter très longtemps pour voir des journalistes sénégalais aussi prolifiques sur le plan littéraire

Il faut certainement remonter très longtemps pour voir des journalistes sénégalais aussi prolifiques sur le plan littéraire. ‘’Billets de Salon’’ de Mame Ngor Ngom, ‘’Idrissa Seck, l’ombre du passé‘’ de Mor talla gaye ou encore ‘’la vie est un temps de parole‘’ de Alassane Samba Diop. la production littéraire des journalistes semble prendre un souffle nouveau ces derniers mois voire ces dernières années.
C’est un livre qui risque de faire couler beaucoup d’encre et de salive. D’ailleurs sur les réseaux sociaux, les impressions se multiplient tout en ayant le mérite d’être aussi riches que diversifiées. Même si force est de constater que parfois les discussions sont passionnées et houleuses.
L’auteur même est conscient que cette nouvelle publication ne fera pas que des heureux, surtout du côté des affidés de l’ancien puissant Premier ministre du président Abdoulaye Wade. ‘’Dans le cas de la tentative d’assassinat du défunt écrivain égyptien « Naguib Mahfouz », le juge a demandé à l’homme qui a poignardé Naguib Mahfouz : Pourquoi l’avez-vous poignardé ? Le terroriste a déclaré : À cause de son roman « Les enfants de notre quartier ». Le juge lui a demandé : Avez-vous lu ce roman ? Le criminel a dit : Non. On parle de l’ignorance. Elle est la pire chose qui puisse arriver à une communauté, à une société. Allez lire le livre : « Idrissa Seck, l’ombre du passé » et revenez avec des arguments…pas des insultes’’, a fait savoir le journaliste sur sa page Facebook pour anticiper sur la polémique qu’engendrera sans aucun doute cette publication.
En effet, Mor Talla Gaye a manifestement tapé fort cette fois-ci en prenant le risque de disséquer sans langue de bois la carrière politique d’un homme d’Etat aussi clivant que l’actuel président du CESE, Idrissa Seck. Connu et reconnu dans la presse pour ses talents journalistiques surtout en portrait, genre où il est passé maître, Mor Talla Gaye vient de sortir ‘’Idrissa Seck, l’ombre du passé‘’. Toutefois, avoir raison quand on est journaliste demande un peu d’habilité. Avoir raison, quand on est écrivain, ça n’existe pas. Mais il a eu le mérite et le courage de franchir cette frontière poreuse qui existe entre le journaliste et l’écrivain. Et il n’est pas le seul. Cette année, il y a eu pas mal de journalistes qui sont venus étoffer les librairies.
Ancien rédacteur en chef du journal la Tribune, Mame Ngor Ngom est de ceux-là. En effet, par le biais de ‘’Billets de Salon’’, son nouveau livre qui est un condensé de chroniques, l’ancien rédacteur en chef du journal Le Matin analyse et commente les faits relatifs aux événements de février-mars 2021, avec les accusations de viols contre l’opposant Ousmane Sonko. Préfacé par le chevronné et brillant journaliste Ibrahima Bakhoum, il met en exergue les maux qui assaillent le pays, surtout dans un contexte de pandémie. Sans langue de bois, le billettiste soutient en substance : ‘’Notre société peut être si intelligente, si mesurée, si raisonnable. Il lui arrive aussi d’être si bête, si pernicieuse, si violente... Elle fait souvent peur et fait penser au pire. Soyons optimistes : le côté positif domine.’’
Ainsi ces deux publications qui ont été certainement les plus illustratives ces derniers mois montrent à quel point les journalistes investissent de plus en plus le monde des livres. Et à celles-là viennent se greffer en outre d’autres livres comme ‘’La Vie est un Temps de parole’’ d’Alassane Samba Diop, sans oublier ‘’Le Sénégal et Mandela : Le Grand Secret’’, sorti en fin 2020 par son ‘’binôme‘’ de toujours Mamadou Ibrahima Kane. D’ailleurs le présentateur de JDD sur Iradio n’est pas un novice dans ce domaine. Il avait déjà coécrit un essai sur l’économiste Mamadou Touré et publié ‘’Habib Thiam, l’homme d’Etat’’. Dans le même ordre d’idées, il est important de citer aussi ‘’Chambre 7’’ de la journaliste de la TFM Faty Dieng ou encore ‘’Pluie de vies, pluies d’histoires’’ de sa consœur Merry Bèye Diouf, tous édités ces deux dernières années. Arraché à l’affection des Sénégalais, l’ancien formateur au CESTI Jean Meissa Diop a aussi laissé un bel héritage avec son ouvrage ‘’Le cybersalon des épouses qui ont mal au lit’’ et qui met en exergue la faillite de la société et des familles qui généralement jouaient le rôle de conseillers conjugaux.
L’animateur de l’émission Faram Facce, Pape Ngagne Ndiaye, fait partie aussi de cette lignée des journalistes-écrivains. Mame Less Camara, Djib Diédhieu, Sada Kane, Mamadou Koumé, Diatou Cissé, Ibrahima Bakhoum … Ces grands ‘’mémoires’’ attendus ¨Par ailleurs, il faut souligner que ce goût pour l’écriture avait connu une léthargie ces dernières années.
Dans les années 2000, des journalistes comme Abdou Latif Coulibaly ou encore le défunt PDG du groupe Walfadri avaient publié plusieurs ouvrages pour vilipender les tares de la gouvernance du président Abdoulaye Wade. Dans ‘’Un Arabisant en Pouvoir et Presse’’, le journaliste Sidy Lamine Niasse était revenu aussi sur son parcours atypique. Des livres de ce genre, la presse en a besoin visiblement. Les riches parcours de certains journalistes qui ont marqué cette profession mériteraient des Mémoires. De Djibril Diédhiou dit ‘’Djib’’ à Mame Less Camara en passant par Sada Kane, Mamadou Koumé, Diatou Cissé, Ibrahima Bakhoum, Thierno Talla, Babacar Justin Ndiaye, leurs riches parcours et expériences dans la profession seraient des balises utiles pour la jeune génération de journalistes. Un monument comme Babacar Touré aurait dû certainement écrire ses mémoires. Il a tiré sa révérence sans laisser un ‘’guide‘’ aux jeunes journalistes. Un livre sur ses relations avec les hommes de pouvoir auraient certainement servi aux journalises politiques.
Toutefois, peut-être, les autres feront prochainement partie du printemps des journalistes-écrivains. Peut-être aussi, ils pensent comme Marguerite Duras qu’écrire, c’est aussi de ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit.