OUMAR SALL CONTE LE DESESPOIR DE NDINGLER
Le petit village de Ndingler a inscrit son nom dans la postérité. En voulant y ériger une exploitation agricole, le patron de la Sedima ne pensait sans doute pas faire face à une telle résistance.
Par le conte, les chants et les danses, des jeunes élèves du village de Ndingler se sont réappropriés l’histoire récente de ce conflit ayant opposé leurs parents à l’homme d’affaires Babacar Ngom de la Sedima. Dans un court métrage de 23 minutes, «La patience des baobabs», Oumar Sall raconte son expérience de médiation dans ce village traumatisé.
Le petit village de Ndingler a inscrit son nom dans la postérité. En voulant y ériger une exploitation agricole, le patron de la Sedima ne pensait sans doute pas faire face à une telle résistance. Les villageois, dirigés par le vieux Abdoulaye Dione «Gaal Goor», ont refusé de céder leurs terres à l’agro-industriel. Ce conflit qui a agité le pays a installé le petit hameau du Dieguem dans une ambiance de résistance que le photographe Touré Mandemory a su immortaliser. Interpellé par cette situation, Oumar Sall, médiateur culturel, s’est rendu dans le village où il a passé du temps. La patience des baobabs, un court métrage de 23 minutes, raconte cette expérience.
L’auteur a présenté son œuvre ce mercredi devant des journalistes réunis au sein de l’espace Art at home (Atome) à Castor. Ayant observé le village et son rythme de vie pendant longtemps, Oumar Sall a pu noter que les femmes «y vivent une grosse solitude parce que les hommes ne sont pas souvent là». L’école du village est le seul lieu de vie ou garçons et filles partagent un même espace, ce qui n’est pas le cas dans les cellules familiales. C’est donc tout naturellement que le projet Artu Aaru a été mené dans cette école puisque, selon M. Sall, femmes et enfants ont été mis à l’écart du conflit et n’ont reçu des informations que par le biais de la presse. Les jeunes élèves ont participé à un atelier au cours duquel ils ont écrit un conte. Ce récit qui retrace les péripéties de ce bras de fer qui a profondément ébranlé la vie paisible du village a été interprété par les élèves eux-mêmes. «Nous avons voulu filmer des êtres humains qui ont dit non», explique Oumar Sall.
Le médiateur culturel estime d’ailleurs qu’il ne faut pas percevoir cette affaire comme une opposition entre les deux parties. «Quand on entend cette histoire, c’est un drame parce que c’est une population qui risque d’être dépossédée d’une terre où elle habite depuis 1902. Nous avons un citoyen sénégalais, M. Ngom, qui possède des terres par une signature, mais nous avons aussi le drame d’une population qui risque de perdre ses terres à cause d’une signature. Ce n’est pas un conflit entre M. Ngom et la population de Ndingler. Le problème, c’est une signature qui est là et qui est venue créer le flou dans la quiétude de ces villageois», soutient M. Sall.
Conscient du rôle de la danse et du chant dans ces contrées, Oumar Sall a misé dessus ainsi que sur le conte pour à la fois faire une œuvre de pédagogie auprès des enfants, mais aussi transmettre un vœu, un souhait et un appel à la paix. Dans le conte raconté dans La patience des baobabs, l’homme d’affaires y est quelque peu caricaturé puisqu’il porte le nom de «M. Khaliss» (Monsieur argent).
Et dans le conte, l’histoire finit bien puisque «M. Khaliss» retrouve la raison après les médiations et décide de redonner aux villageois leurs terres. «C’est un souhait artistique, une prière parce que nous souhaitons que ça finisse comme ça», dit M. Sall dont l’œuvre permet aux enfants du village de prendre la parole et surtout de rejouer cette histoire traumatisante. Malgré l’arrestation de plusieurs villageois qui a été vécue par ces derniers comme un affront, le patriarche Gaal Goor reste dans sa logique de refus. «Jamais nous n’abandonnerons ces terres», dit-il. Mais l’action de médiation entreprise par Oumar Sall rappelle, si besoin en est, que la société sénégalaise repose sur de solides ressorts quand il s’agit de résoudre des différends.