CES MYSTÈRES DU VILLAGE DE NIANING
Les mystères qui entourent « Thiamassas, la rivière de la grâce » et le « sacré baobab-cimetière », suscitent la curiosité de nombreux hôtes venus de partout pour contempler et communier avec les merveilles du Royaume de « Roog », le dieu sérère
Au cœur de la grande forêt des baobabs du petit village de Nianing, sur la «Côte aux coquillages», à 8 km de Mbour, trône un arbre aussi impressionnant que mythique. Un lieu où plane l’âme de plusieurs générations de griots sérères comme des archives invisibles de l’oralité. Toujours à Nianing, sur la route de Pointe Sarène, se trouve Thiamassas, la rivière de la grâce rendue célèbre par une histoire de «djinn» et de «pangool».
Le petit village côtier de Nianing au passé chargé d’histoire, sur la Petite Côte, est aujourd’hui devenu un site touristique qui figure sur la carte des voyages. Les mystères qui entourent « Thiamassas, la rivière de la grâce » et le « sacré baobab-cimetière », suscitent la curiosité de nombreux hôtes venus de partout pour contempler et communier avec les merveilles du Royaume de « Roog », le dieu sérère
Le baobab sacré où reposent des générations de griots sérères
Fascinant de part son volume hors norme, le baobab sacré du village de Nianing se singularise davantage par son statut d’ancien cimetière des griots sérères. L’intérieur est accessible à partir de son tronc qui dispose d’une ouverture semblable à une porte d’entrée d’une caverne. Des sages du village racontent que « le baobab sacré de Nianing, témoin oculaire de cette douce et paisible cité sérère, a servi de cimetière exclusivement réservé aux griots, considérés comme des êtres de la basse classe. La tradition sérère n’admettant pas que le griot soit enterré, histoire de ne pas « polluer » leurs terres, le lieu a été choisi comme isoloir pour ces morts ». « Enveloppé d’un linceul blanc, le défunt était introduit dans l’espace creux du tronc de l’arbre. Les femmes à l’entrée, les hommes au fond et les enfants dans une sorte d’antichambre à l’intérieur. Ils ont pu convaincre les siens de leur accrocher leurs instruments de musique sur les lieux. Cette croyance et ce sort réservés aux griots, faisaient de ce site, un espace banni où personne ne devait traîner…» explique notre interlocuteur. Aujourd’hui, l’arbre mythique est vénéré et considéré comme un lieu sacré depuis que les populations ont arrêté d’en faire le cimetière des griots. Ceci, suite à un véto du président Léopold Sédar Senghor. L’ancien chef de l’Etat leur aurait fait comprendre que les griots ne méritaient pas un tel sort, mais aussi que cette pratique était dangereuse pour eux car les cadavres décomposés pouvaient entrainer des épidémies. Après quelques années de confrontation, le président poète, de la même ethnie, finit par convaincre les siens à l’aube des indépendances. Au fil du temps, l’arbre devient un endroit prisé et reçoit des hôtes qui viennent d’ici et d’ailleurs pour des raisons diverses.
Un lieu d’attraction et de croyance mystique
Captivant à la simple vue avec ses 32 mètres de diamètre, ce baobab sacré, vieux de 18 siècles, protégé par les habitants de la localité, force respect et admiration à travers son passé chargé d’histoire. Jadis banni, l’arbre est de nos jours, un lieu d’attraction. Un vrai temple aux fortunes diverses. Symbole fascinant, les touristes viennent de partout pour contempler et communier avec ce géant de la nature. L’émotion est souvent forte sur les lieux où plane toujours l’âme de ces griots. Le baobab sacré est aussi fréquenté par des populations locales pour ces supposées vertus mystiques et miraculeuses. En respectant un certain nombre de rituels et bains mystiques, le croyant peut voir ses soucis de santé, de fertilité se résoudre…
Thiamassas, la rivière de la grâce : une histoire de «djinn» et de «pangool»
Thiamassas, une rivière qui se jetait à la mer, à la limite entre le Sine et le Djigème sur la Petite Côte sénégalaise, se trouve précisément à Nianing sur la route de Pointe Sarène. D’après les anciens, le lieu abritait un esprit, un djinn. Ils racontent également que « Thiamassas vient de l’appellation sérère ‘’Thièm a saass’’, les vaguelettes salées. L’endroit est aussi dénommée ‘’A mbel ala na muc ala’’, la ‘’rivière de la grâce’’ ». Une dénomination qui fait également référence aux « Sund ke Jegem », les guerriers de Djigème qui s’y réfugiaient pour se préparer au combat. À cette époque, Nianing, Mbour, Sandiara et Thiadiaye faisaient partie du royaume du Djigème. D’après les récits des anciens, il ne fallait pas rester à la même place dans ce lieu car la terre se mouvait, mais quiconque le traversait était sauvé. Il serait difficile de parler de la très controversée datation de Thiamassas. Elle est estimée à la période du néolithique par certains chercheurs, tandis que d’autres la date de la période du paléolithique supérieur. Des armes en silex datant d’environ 100 000 ans y auraient été découvertes. Plus récemment, des fouilles archéologiques ont été effectuées par des étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad), mais les autorités compétentes ne disposent toujours pas d’éléments suffisants. Les fouilles auraient été ainsi arrêtées faute de moyens. Toutefois, note un sage du village, le seul fait de les évoquer peut attirer l’attention sur l’importance du site et l’intérêt de le revaloriser pour le tourisme.
Des créatures surnaturelles qui se mettaient en colère quand les habitants dérogeaient aux règles
Une histoire loin du regard scientifique, racontée à partir des récits des anciens du village, stipule que le site de Thiamassas abritait un ‘’djinn’’ ainsi qu’un ‘’fangool’’, singulier de ‘’pangool’’. Les « djinns » sont des créatures surnaturelles vivant dans la brousse ou à proximité des hommes et en général dans des arbres symboliques comme les grands baobabs et les grands tamariniers. Généralement, ils sont invisibles, mais peuvent se rendre visibles en prenant différentes formes humaines, animales ou végétales. Quant aux « pangool », ils sont considérés dans la croyance des sérères comme les saints et les esprits des ancêtres. Ils jouent le rôle d’intermédiaires entre le monde des vivants et « Roog », le dieu sérère. Comme chez les hommes, il y a des gentils et des méchants dans le monde des djinns et des pangool, remarquent les anciens du village de Nianing, qui considèrent ces êtres surnaturels (le djinn et le fangool de Thiamassas) comme « gentils », mais pouvant toutefois « se mettre en colère quand les habitants dérogeaient aux règles ». Leur rôle, confient ces sages, était de « veiller sur le village de Nianing afin qu’il soit prospère. Les récoltes étaient souvent abondantes, les femmes remplissaient des bassines entières de poissons et de fruits de mer qu’elles faisaient sécher pour les vendre. Les troupeaux de vaches étaient nombreux, les hôtels étaient remplis de touristes, les arrivées se succédaient. Bref, agriculteurs, pêcheurs, éleveurs, hôteliers, jeunes actifs, visiteurs... tout le monde trouvait son compte ».
Yal Saahlé», l’esprit du village de Nianing aimait beaucoup les étrangers
Il se raconte que quand un étranger débarquait à Nianing, il ne fallait pas qu’il indique la date de son départ, car il ne repartira pas ce jour-là. « Yal Saahlé », l’esprit du village, le retenait, car il aimait les étrangers à tel point qu’il les faisait rester plus longtemps que prévu. Ainsi, certains ne sont jamais repartis et ont élu domicile à Nianing. Il se raconte toujours que « le commun des mortels ne peut pas voir ces esprits, seuls les ‘’Yal Khohe’’, les personnes ayant des pouvoirs, peuvent les voir. Mais il arrivait qu’une simple personne les voit ‘’accidentellement’’. Et dans ce cas, la personne devenait alors folle et perdait complètement la tête. Et il fallait vite agir par un rituel bien précis fait par des guérisseurs pour la débarrasser de ses visions. D’après les témoignages des anciens, les baobabs dudit site scintillaient de mille feux quand certains esprits se déplaçaient pour cuisiner pour d’autres. Ce n’était donc pas étonnant d’être au milieu de la brousse et de sentir l’odeur de la cuisine alors qu’il n’y a aucune maison aux alentours. Il n’était pas étonnant non plus de passer devant un baobab et d’entendre des battements de tamtam et des applaudissements. Des témoins révèlent que « le djinn de Thiamassas pouvait s’introduire dans la cuisine d’hôtel de la place et mettait la vaisselle sens dessus dessous quand il était en colère. Des femmes ont raconté avoir été possédées par ces esprits. Ainsi, elles tombaient en transe pendant les offices religieux dès que quelqu’un prononçait l’esprit de Thiamassas et s’en suivaient des séances d’exorcisme. « Ça crie, ça cogne la tête, ça se tortille par terre, la possédée parle d’une voix méconnaissable, bref il faut le voir pour y croire », témoigne un ancien. Toujours selon les témoins, ce phénomène a tellement pris de l’ampleur que les religieux ont sollicité le départ des esprits. Certains disent aujourd’hui qu’« ils sont partis, emportant avec eux la prospérité de Nianing ». Et selon les anciens, sans l’accord de ‘’Yal Saahlé’’, l’esprit du village, toute tentative de réouverture des hôtels échouera.