UN DEVOIR DE MEMOIRE FACE A DES ARCHIVES LACUNAIRES
Dans le cadre de la commémoration des massacres de Thiaroye, le Musée des Civilisations Noires( MCN) de Dakar a organisé, samedi dernier, un panel réunissant divers acteurs et spécialistes.
Dans le cadre de la commémoration des massacres de Thiaroye, le Musée des Civilisations Noires( MCN) de Dakar a organisé, samedi dernier, un panel réunissant divers acteurs et spécialistes. Parmi les participants figuraient des archivistes, des documentalistes, des historiens, bibliothécaires et des élèves. Cette rencontre a également accueilli, en ligne, via le net, les directeurs des archives nationales du Bénin, Mali, Congo Brazzaville, RDC Congo et Cameroun. Cet événement dont le thème était « la problématique des sources documentaires » visait à mettre en lumière les enjeux de la documentation autour de cet épisode tragique de l’histoire sénégalaise et mondiale, au cours duquel, le 4 décembre 1944, plus d’une centaine de tirailleurs sénégalais furent abattus à Thiaroye.
Les discussions ont mis en évidence les nombreuses difficultés d’accès aux sources historiques. L'Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN), bien qu’étant une référence en matière de conservation patrimoniale, peine à fournir des éléments substantiels sur les événements de Thiaroye. Selon Mme Diop, responsable de la documentation à l’IFAN, le dépôt légal institué en 1946 a permis d’amasser un large corpus, mais les documents relatifs à la période de 1944 restent rares et souvent lacunaires. Les archives nationales, quant à elles, ne disposent que de quelques pièces fragmentaires, notamment des articles de presse et des rapports militaires partiels qui n’offrent qu’une vision incomplète de la tragédie..
Le Directeur du patrimoine culturel, Oumar Badiane, dans son intervention, a souligné la complexité liée à l’accès aux archives coloniales. Il a rappelé que ces documents, souvent conservés en France, sont soumis à des restrictions d’accès. Toutefois, des progrès notables ont été enregistrés, notamment avec la décision de l’ancien président français François Hollande de restituer certaines archives militaires aux autorités sénégalaises a révélé le directeur des archives nationales M. Makhone Touré. Ces fonds pourraient offrir de nouvelles perspectives sur les événements et aider à combler les vides documentaires.
Le panel a également exploré le rôle des universités et des bibliothèques dans la reconstitution historique. Selon Pierre Notambi, président de la sous-commission chargée de la cartographie des sources, moins de quarante documents académiques ont été identifiés à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), dont quelques mémoires et thèses. La faiblesse de cette production scientifique sur Thiaroye contraste avec l’ampleur des événements et révèle un manque d’investissements dans la recherche mémorielle au Sénégal et en Afrique.
UNE MÉMOIRE À RECONSTRUIRE
Le manque de sources fiables a entraîné de nombreuses polémiques sur la responsabilité et la portée exacte des massacres de Thiaroye. Les participants au panel ont appelé à une coopération renforcée entre les institutions nationales et internationales pour explorer les fonds d’archives encore inaccessibles et encourager de nouvelles recherches. Cet élan permettra non seulement de restituer une vérité historique, mais aussi de rendre justice à la mémoire des victimes.
Malgré les obstacles, les initiatives à l’image de cette commémoration montrent une volonté collective de dépasser les entraves pour éclairer un pan sombre de l’histoire sénégalaise. La vérité, bien que tardive, reste une priorité pour l’avenir mémoriel et historique du pays.