QUAND LES CHERCHEUSES AFRICAINES FORCENT LE DESTIN
En Afrique, seules une chercheuse sur trois est une femme. Malgré leur excellence, les scientifiques africaines font face à de nombreux obstacles sur leur parcours
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Les femmes restent sous-représentées dans la recherche scientifique en Afrique, comme le révèle une enquête réalisée par Le Monde dans le cadre d'un partenariat avec la Fondation L'Oréal. Selon les chiffres de l'Unesco, un tiers seulement des scientifiques sur le continent sont des femmes, même si la parité progresse lentement. Les chercheuses témoignent d'un "parcours du combattant" pour embrasser une carrière scientifique en Afrique.
Le Forum économique mondial estime qu'il faudrait un siècle au rythme actuel pour atteindre la parité homme-femme chez les scientifiques africains. Si le Maghreb et l'Afrique du Sud progressent, le nombre de chercheuses stagne dans le reste de l'Afrique subsaharienne à environ un tiers. Cette région ne compte que 96 chercheurs tous genres confondus par million d'habitants, contre plus de 770 en Afrique du Nord et près de 5.000 en France.
Pourtant, les scientifiques africaines sont en pointe sur de nombreux défis comme les maladies, l'accès à l'eau, le changement climatique ou les énergies renouvelables. Elles représentent même désormais 35% des doctorants en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STEM).
Pour accélérer les progrès, l'Unesco et la Fondation L'Oréal ont décidé d'élargir leur Prix Femmes et Sciences en Afrique subsaharienne, récompensant désormais 30 lauréates contre 20 auparavant. "L'avenir est à la science et la science est aux femmes", commente Alexandra Palt, directrice de la Fondation L'Oréal.
Cependant, les chercheuses africaines font face à de nombreux obstacles. "Nous avons cumulé tant d'obstacles pour y arriver. Le parcours du combattant continue après le doctorat, alors que nous devrions nous sentir arrivées", témoigne Awa Bousso Dramé, doctorante sénégalaise. Outre les stéréotypes, elles doivent composer avec les pesanteurs sociales qui les assignent avant tout au foyer. Le harcèlement sexuel peut également mettre en péril leur carrière.
Depuis 2018, l'Unesco et la Fondation L'Oréal proposent donc aux lauréates une formation d'une semaine pour mieux les armer, qu'il s'agisse de leadership, négociation, communication ou lutte contre le harcèlement. "C'est vraiment un moment libérateur", souligne Alexandra Palt. Pour Awa Bousso Dramé, la partie sur la négociation a été "très importante" pour préserver son indépendance dans sa recherche.
Les scientifiques interrogées sont convaincues que plus les femmes seront incluses dans la recherche, plus vite les problèmes de l'Afrique pourront être résolus. En devenant des modèles, certaines poursuivent aussi une œuvre de sensibilisation auprès des jeunes pour susciter des vocations. Tel est le cas de Francine Ntoumi, pionnière de la recherche sur le paludisme en RDC, pour qui "le regard des filles et des garçons montre qu'avoir réussi leur donne le courage d'y aller".