AIR SÉNÉGAL À LA CONQUÊTE DU CIEL SAHÉLIEN
L'éviction d'Air France des pays de l'AES a créé une opportunité que les compagnies africaines s'empressent de saisir. Le transporteur national revient ainsi à Niamey après cinq ans d'absence et double ses fréquences vers Bamako

(SenePlus) - Selon les informations rapportées par Jeune Afrique, Air Sénégal s'apprête à faire son retour dans la capitale nigérienne après une longue absence. "Le 27 mai 2025, un Airbus A319 d'Air Sénégal se posera à Niamey pour la première fois depuis cinq ans. La liaison, brièvement opérée par le pavillon sénégalais en 2019 et 2020, n'avait en effet jamais été relancée après le Covid", précise le magazine panafricain.
Ce retour s'inscrit dans une stratégie plus large de consolidation régionale pour la compagnie sénégalaise qui, comme l'indique JA, "a opéré en 2024 une vaste réorganisation de son programme de vol, éliminant toutes les destinations non rentables (dont l'Afrique centrale et les États-Unis)". Le transporteur national adopte une approche prudente en "couplant ses trois vols hebdomadaires vers Niamey avec une escale à Bamako", autre capitale de l'Alliance des États du Sahel (AES) désormais inaccessible au pavillon français.
L'offensive sahélienne d'Air Sénégal se manifeste également par un renforcement significatif de ses fréquences vers Bamako, qui passeront "de 6 vols hebdomadaires actuellement à 11, à partir du 27 mai", rapporte Jeune Afrique. Quant à Ouagadougou, troisième capitale de l'AES, elle verra ses dessertes augmenter considérablement puisqu'Air Sénégal "la proposera quotidiennement à compter de mi-mai, contre trois fois par semaine actuellement".
Interrogé par l'hebdomadaire, Ibra Wane, professionnel de l'aviation basé à Dakar, estime que cette réorganisation des vols d'Air Sénégal ne constitue pas véritablement une tentative de remplacer Air France, mais s'inscrit plutôt dans la continuité de sa nouvelle stratégie commerciale. "Dans sa stratégie de rationalisation de son programme, la compagnie s'est repliée sur la zone qu'elle maîtrise le mieux, et qui a son propre marché très dynamique. Si l'absence d'Air France lui permet d'engranger du trafic additionnel vers ces trois villes, c'est tant mieux, mais je ne pense pas que ce soit son but premier", explique-t-il.
Air Sénégal n'est pas seule à vouloir capter la clientèle délaissée par Air France. Jeune Afrique rapporte qu'"Air Côte d'Ivoire a prévu d'augmenter ses fréquences vers Niamey et Ouagadougou". Concrètement, les vols vers ces deux capitales "passeront de 10 par semaine actuellement pour chacune des deux capitales à 11 au 1er mai, puis à 14 au 1er juin".
Cette montée en puissance revêt un caractère particulièrement stratégique pour la compagnie ivoirienne qui, comme le souligne le magazine panafricain, "n'attend plus que la livraison (annoncée comme imminente) de son A330neo pour lancer ses propres vols entre Abidjan et Paris". Cette nouvelle étape lui permettrait de "maîtriser l'ensemble du trajet auquel Air France a été contraint de renoncer".
Plus intéressant encore, Jeune Afrique révèle qu'Air Côte d'Ivoire "pourrait même endosser le rôle de remplaçant 'naturel' d'Air France sur la seconde partie du trajet, un accord de partage de code étant en cours de discussion entre le pavillon ivoirien et son actionnaire minoritaire (qui détient 11% de son capital)".
Si Air Sénégal et Air Côte d'Ivoire se positionnent avantageusement pour récupérer une partie de la clientèle d'Air France, la concurrence reste vive. Comme l'explique John Grant, analyste en chef du spécialiste des données aériennes OAG, : "Lorsqu'une compagnie est bannie d'un État, le marché ne disparaît pas. Les gens qui doivent voyager choisissent d'autres itinéraires et d'autres compagnies aériennes pour leur voyage".
Toujours selon Jeune Afrique, si "Corsair est ainsi la seule compagnie à proposer des vols directs entre Paris et l'une des capitales de l'AES (Bamako), les propositions de vols avec escale sont légion, d'Ethiopian Airlines à Royal Air Maroc en passant par Turkish Airlines". Ces compagnies "restent compétitives malgré l'allongement conséquent du temps de vol qu'implique un détour par Istanbul" ou d'autres hubs.