LA SENELEC SOUS TENSIONS AU CONGO
À peine remportée la gestion du réseau électrique de Brazzaville, l'entreprise sénégalaise voit son contrat contesté par les employés locaux qui doutent de son expertise. Le Premier ministre Anatole Collinet Makosso menace désormais de tout annuler
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(SenePlus) - Un contrat d'affermage récemment conclu entre la Société nationale d'électricité du Sénégal (Senelec) et les autorités congolaises suscite de vives tensions au Congo-Brazzaville. Cette convention, qui confie à l'entreprise sénégalaise la gestion du secteur électrique congolais, pourrait être remise en question face à l'opposition locale, selon les informations rapportées par Jeune Afrique.
Le Premier ministre congolais, Anatole Collinet Makosso, a laissé entendre que l'accord pourrait être annulé. Lors d'une séance parlementaire le 21 février, il a déclaré que "le gouvernement va retirer les contrats d'affermage avec la Société nationale d'électricité du Sénégal, si cela ne trouve pas l'assentiment de la population", selon les propos rapportés par l'Agence congolaise d'information (AGI) et relayés par JA.
Cette position gouvernementale fait suite à de fortes protestations de la part du syndicat d'Énergie électrique du Congo (E2C), l'actuel distributeur d'électricité dans le pays. Le 21 février, une manifestation a été organisée devant les locaux de l'entreprise pour contester "la politique de concession énergétique menée par le gouvernement", jugée "inacceptable" par les employés.
Le syndicat va jusqu'à remettre en cause l'expertise de la Senelec, invitant "impérativement le gouvernement à reconsidérer la démarche de céder le système électrique national à des tiers dont l'expérience en la matière est douteuse", rapporte Jeune Afrique.
Cependant, selon une source de l'Agence de régulation du secteur de l'électricité (Arsel) contactée par le magazine pafricain, il y aurait une incompréhension des termes du contrat : "Au sein de la société E2C, les responsables ne se sont pas bien imprégnés des contours du contrat d'affermage." La même source précise que la Senelec n'a pas été choisie dans le cadre d'un simple accord bilatéral, mais à l'issue d'un "avis international après plusieurs mois de négociations".
Le processus de sélection avait attiré six entreprises étrangères : "le chinois Inhemeter, spécialiste des compteurs électriques, l'israelien PowerCom, le suisse Hydro Operation International, spécialisé dans la transformation hydroélectrique en Afrique, le libanais Mrad Company for Trade, Industry and Contracting, un groupe dénommé Nexus Global LLC et la Senelec", détaille Jeune Afrique.
Confronté à "une crise énergétique, exacerbée par les difficultés financières et les infrastructures vieillissantes", le Congo a choisi la Senelec pour administrer son secteur électrique. L'accord prévoit la création d'une nouvelle entité, la Société nationale d'électricité du Congo, qui gérera pendant dix ans "la commercialisation de l'électricité, la gestion du réseau de distribution, l'entretien des infrastructures ainsi que la mise en place des briques technologiques d'une gestion moderne de réseau", indique le média.
Le gouvernement congolais conserve néanmoins "en exclusivité, la prérogative de définition des tarifs", précise Jeune Afrique. Quant aux employés actuels d'E2C, ils devraient rejoindre la nouvelle structure "après audit", tout en conservant "les droits et avantages ainsi que l'ancienneté acquis antérieurement", selon les promesses du ministère de l'Énergie et de l'Hydraulique.
Malgré les déclarations du Premier ministre, la Senelec "n'a pas été notifiée d'une quelconque intention du gouvernement congolais de rompre le contrat", souligne JA. Selon une source au sein de l'Arsel citée par le journal, "l'entreprise apportera son expertise sans rien financer, tandis que l'État apporte les financements".
Le projet bénéficie d'ailleurs d'un soutien financier important : "un accord de prêt de 100 millions de dollars de la Banque mondiale a été validé pour financer la distribution et le transport d'électricité au Congo", révèle Jeune Afrique.
Le contrat prévoit que la Senelec sera rémunérée par "une redevance d'exploitation, laquelle sera prélevée sur les revenus tarifaires qu'il perçoit sur les ventes à ses clients". L'avis de préqualification international précise que "l'opérateur devra attribuer la valeur de la différence entre les revenus tarifaires perçus et la redevance d'exploitation au paiement, selon un ordre des priorités et une procédure à définir par le gouvernement".
L'avenir de ce partenariat stratégique entre la Senelec et le Congo-Brazzaville reste donc incertain, pris entre les enjeux techniques de modernisation du réseau électrique et les tensions sociales et politiques locales.