SALAIRES, FRAIS DE CARBURANT, PRIMES, AVANTAGES...
Ce que gagne un député sénégalais
En ce moment d'agitation dans les différentes chapelles politiques, il serait bon de savoir ce qui fait courir les politiciens pour être investis sur les listes à la députation.
Être député au Sénégal, c’est bien un métier. La députation est devenue un job comme un autre où les qualités essentielles sont savoir applaudir ses camarades de parti, voter les projets de loi de l’Exécutif les yeux fermés et exceller dans l’insulte et la raillerie caustique à l’endroit des opposants. Ainsi l’Assemblée nationale sénégalaise est une institution inutile qui coûte très cher aux contribuables et sert simplement de source d’enrichissement pour des hommes et des femmes pour la plupart sans qualification professionnelle.
Le seul credo des députés : se servir et non servir
Si pendant les investitures ou les renouvellements du bureau de l’Assemblée nationale, les gens se battent pour se retrouver en bonne position dans les listes ou intégrer le cercle restreint des heureux élus du bureau, c’est dû aux traitements pécuniaires que l’on y gagne. Il ne faut pas se voiler la face. Les avantages financiers et matériels que gagne un député valent bien les insultes, les pugilats, les invectives auxquels l’on assiste pendant les investitures. Si l’on se crêpe les chignons lors des investitures, ce n’est pas dans la volonté de servir le Sénégal mais de se servir puisque cela rapporte gros.
Depuis le règne du président Wade, le traitement indemnitaire des élus (députés, maires, présidents conseils ruraux ou régionaux) s’est accru d’une façon supersonique. De 600 000 francs Cfa en 2000, le salaire du député simple est monté à 1 300 000 francs Cfa. Pourtant ce sont ces élus nourris et entretenus aux frais de la République qui la desservent le plus. Ils ne sont pas donc les députés du peuple mais les caisses de résonance de sa Majesté le bienfaiteur.
N’eussent été leurs mentors respectifs, la plupart n’auraient jamais siégé à la place Soweto au point de toucher, au bout d’une législature, plus d’une centaine de millions avec les autres bakchichs afférents. Ils roulent carrosse, perçoivent les meilleurs traitements pécuniaires de la République et pourtant ils demeurent les moins productifs pour ne pas dire qu’ils sont des «bons à rien». Ils ne rendent jamais service à la République mais au Prince. Ils sont d’éternels applaudisseurs, d’invétérés dormeurs ou d’indécrottables absentéistes et voilà qu’ils font partie de la race des ploutocrates de la République.
4 milliards 166 millions pour l’achat des voitures
Les traitements des députés sont tributaires d’une certaine pyramide indemnitaire. En une législature, ils coûtent chers aux contribuables sénégalais. Actuellement, l’Assemblée est composée de 150 députés dont le président, les 8 vice-présidents, deux questeurs et six secrétaires élus composant le bureau. Ils bénéficient des mêmes avantages salariaux que les ministres de la République. Les présidents des groupes parlementaires ont le même traitement salarial que les membres du bureau de l’Assemblée.
A ceux-là s’ajoutent les présidents des 11 commissions. Ainsi chaque membre du bureau de même que chaque président de groupe parlementaire perçoit 3 millions à la fin du mois plus un 4x4 et un C5 pour une durée de cinq ans. En sus, ils ont une dotation mensuelle de carburant 1000 litres plus les 500 000 francs Cfa de crédit de téléphone. Par conséquent, les 4x4 Toyota Fortuner (26 millions l’unité) des députés reviennent à 3 milliards 900 millions de francs Cfa et les 19 C5 (14 millions l’unité) qu’on donne en supplément aux 17 membres du bureau (y compris le président de l’Assemblée nationale) et aux deux présidents de groupe parlementaire reviennent à 266 millions. Ainsi pour le confort transport de nos grands dormeurs et applaudisseurs, l’Etat débloque 4 milliards 166 millions.
Pourtant en France, l’Assemblée ne dispose d’un parc que d’une vingtaine de voitures avec chauffeur que les députés peuvent utiliser, dans la mesure de leur disponibilité, pour leurs déplacements liés à leur mandat parlementaire et effectués à partir du Palais-Bourbon dans Paris ou à destination des aéroports. Ces véhicules sont également employés pour les déplacements des délégations officielles et les déplacements imposés par les travaux législatifs.
En outre, l’Assemblée nationale française fait appel aux taxis parisiens lorsque le parc n’est pas en mesure de répondre à toutes les demandes des députés. Les frais afférents aux déplacements en taxis effectués par les députés dans Paris ou à destination des aéroports parisiens et directement nécessités par l’exercice de leur mandat parlementaire sont remboursés dans la limite d’un plafond annuel, sur présentation des justificatifs de dépenses.
16 milliards 636 millions de francs Cfa de salaire pour cinq ans
Les 120 députés «simples» perçoivent globalement par mois 156 millions de francs Cfa, ce qui fait un total annuel de 1 milliard 872 millions et 9 milliards 360 millions pour la durée de la législature. Les 16 députés membres du bureau alignés sur les salaires des ministres et les deux présidents de groupe parlementaire reçoivent mensuellement 54 millions, donc annuellement 648 millions et 3 milliards 240 millions pour les cinq ans. Les 11 présidents de commissions (dont le salaire est de 1,6 million de francs Cfa) perçoivent eux tous 17 millions 600 mille par mois, donc annuellement 211 millions 200 mille et 1 milliard 56 millions les cinq ans.
Last but not least, le président de l’Assemblée reçoit mensuellement 8 millions de francs Cfa. Ainsi il perçoit 96 millions de salaire annuel et 480 millions pour le quinquennat. Et cerise sur le gâteau, il bénéficie d’une caisse noire de 500 millions par an ; ce qui fait 2 milliards 500 millions les cinq ans.
Ainsi les salaires mensuels des 150 députés toutes catégories confondues plus les fonds politiques du président de l’Assemblée s’élèvent annuellement à 3 327 200 000 de francs Cfa. Ce qui fait 16 milliards 636 millions pour les cinq ans.
4 milliards 500 mille de carburant et 570 millions de crédits téléphone pour 5 ans
Concernant les dotations en carburant, la facture mensuelle est très salée. Le président de l’institution reçoit 10 000 litres ; ce qui fait respectivement 120 000 litres par an et 600 000 litres les cinq ans. Soit 533 millions 400 mille francs Cfa si l’on se fie au prix du litre d’essence super qui est actuellement de 889 francs. Les 120 députés «simples» reçoivent globalement 36 000 litres d’essence par mois. Par an, ils reçoivent 432 000 litres et 2 millions 160 mille au bout de cinq. Ce qui revient à 1 920 240 000 francs Cfa.
Les membres du bureau (hormis le président de l’Assemblée), les deux présidents de groupe parlementaire et les présidents des commissions consomment 29 000 litres par mois, 348 000 annuellement et 1 740 000 litres les cinq ans. Ce qui revient à 1 546 860 000 francs Cfa. Ainsi la facture carburant des députés pour les cinq ans se chiffre à 4 milliards 500 mille francs Cfa.
Le crédit téléphonique des 19 membres du bureau (hormis le président de l’Assemblée nationale) s’élève à 9,5 millions par mois donc 114 millions pour les 12 mois et 570 millions pour la législature.
Une législature : 25 milliards de francs Cfa de salaires, téléphone, voitures et carburant
Ainsi pour les salaires, crédits téléphone d’une poignée de députés, voitures et carburant d’une législature, l’Etat débloque 25 372 500 000 francs Cfa. Cette somme peut atteindre ou même dépasser les 26 milliards si on y augmente les logements de fonctions de certains députés à la charge de l’institution, les frais de voyage des députés, les perdiems afférents, la formation payante de certains députés apéristes, les dessous de table, les bakchichs, les «soukarou koor» et les aides-Tabaski. En cinq ans, un député sénégalais aura coûté en moyenne 169 millions 150 mille francs Cfa au contribuable sénégalais.
A quand la rupture ?
Aujourd’hui, on parle de rupture avec la nouvelle Assemblée. Mais cette rupture aurait bien un sens si on avait commencé par réduire les avantages pécuniaires des députés qui, en réalité, ne sont pas d’une grande utilité pour le peuple qui les a élus. Depuis qu’on crie sous les toits rupture, jamais on n’a fait allusion à la réduction du train de vie dispendieux des députés. Et pourtant une réforme des textes allant dans ce sens, transformerait positivement l’institution parlementaire et améliorerait, un tantinet, les finances publiques.
En France, un groupe de députés de la majorité, sur amendement du parlementaire Ump Lionnel Luca, s’est levé pour demander lors de la précédente législature la réduction 10% de leurs indemnités de frais de mandat (Irfm) aux fins de participer à l’effort de rigueur imposé aux travailleurs français. Malgré la bronca que cela a suscitée chez les députés qui, majoritairement, n’approuvaient pas une telle proposition jugée démagogique, la baisse a été effective le 25 septembre 2013, sous le magistère des Socialistes.
Cet amendement devrait entraîner des économies de 180 millions d'euro (environ 117 milliards de francs Cfa) sur toute la durée de la législature (2012-2017). En mai dernier, les populations kenyanes avaient manifesté devant leur parlement pour exiger et obtenir la baisse de 40% des indemnités de députés jugées mirobolantes (7500 euros, près de 5 millions de francs Cfa). Des exemples citoyens à méditer par nos parlementaires qui sont insensibles à la gêne pécuniaire et la misère ambiante que traversent douloureusement les Sénégalais.
Les députés sénégalais ne sont pas les moins payés en Afrique contrairement à une certaine idée erronée répandue sciemment par certains d’entre eux. En Guinée-Bissau, un député touche environ 590 000 francs Cfa par mois. Un pays comme la Côte d'Ivoire donne environ 2,3 millions par mois au député. Au Congo-Brazzaville, la rémunération est de 2 millions. Le député burkinabé perçoit 720 000 francs Cfa. Au Burundi et en Tunisie, il touche environ 1,1 million.