LA FISCALISATION DES INDEMNITÉS SUR LES SALAIRES INQUIÈTE LES ENSEIGNANTS
Le G5 et le SADEF chargent l'Etat et sonnent la mobilisation

Alors qu’ils attendent la fin du mois en cours pour entrer en possession de leurs fonds, suite à une correction du régime indemnitaire qu’ils réclament depuis des années, les enseignants ne sont pas au bout de leurs peines. Pour cause, l’Etat, à travers son ministère des Finances et du Budget, a publié un communiqué annonçant des impositions sur leurs indemnités. Une imposition qui, selon les syndicats d’enseignants, violerait les accords signés pour mettre fin à leur longue grève de près de trois mois.
Défiscalisation ou fiscalisation? En tous cas, c’est encore le flou total sur le net à percevoir à la fin du mois en cours par les enseignants puisque c’est à cette échéance que doit être effective l’augmentation des indemnités sur leurs salaires. Une augmentation indemnitaire acquise à la suite d’une longue grève déclenchée par le Saemss (Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal) et le Cusemss (Cadre unitaire des syndicats du moyen et secondaire du Sénégal). Deux organisations rejointes plus tard par d’autres syndicats du G7 (Groupe des 7 syndicats les plus représentatifs du secteur de l’Education) à savoir le Siens, l’Uden, le Sels, le Sels Authentique et le Snelas FC. De longues perturbations en milieu scolaire qui avaient abouti à la signature d’un protocole d’accord le 26 février dernier dans lequel le gouvernement avait donné l’assurance que l’accord allait prendre effet à compter du 1er mai 2022. Et que, donc, les enseignants allaient entrer dans leurs fonds en fin mai. Mais à quelques jours de la fin du mois en cours, et alors qu’ils attendent impatiemment cette augmentation tant attendue, l’Etat vient de publier un communiqué dont le paragraphe 3 a semé l’inquiétude dans les rangs des « soldats du savoir ».
La fiscalisation qui installe l’inquiétude
Dans ledit document, le gouvernement annonce une fiscalisation des augmentations sur les salaires des enseignants hormis l’indemnité de logement. « Le ministère des Finances et du Budget fait connaître que les engagements financiers conclus avec les syndicats d’enseignants le 26 février 2022 sont prévus dans le projet de loi de finances rectificatives pour l’année 2022 adopté le mercredi 11 mai dernier et soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale. Par conséquent, les dispositions ont été prises pour qu’à compter du 1er mai 2022, le relèvement de la rémunération des personnels de l’Education et de la Formation et la revalorisation du régime indemnitaire des fonctions dirigeantes et administratives, soient effectifs. Conformément aux dispositions légales et réglementaires, toutes les revalorisations d’indemnités sont fiscalisées exceptées l’indemnité de logement » peut-on lire dans le document signé par les services du ministre M. Abdoulaye Daouda Diallo. demandent aux enseignants de s’adresser à la Solde pour des correctifs nécessaires en cas de dysfonctionnements, et dans les meilleurs délais. Selon les syndicats d’enseignants, cette fiscalisation va à l’encontre de ce qui a été convenu avec eux lors de la signature du protocole d’accord. Pour rappel, dans le but d’améliorer le niveau de rémunération des enseignants et d’apaiser les tensions sociales dans le secteur de l’Education, l’Etat avait décidé de débloquer 69 milliards pour la révision de leur régime indemnitaire. Une première proposition rejetée par les enseignants et qui avait finalement été portée à 90 milliards.
Les enseignants parlent d’une violation du protocole d’accord
Dans l’entendement des enseignants, ces augmentations ne devaient pas être fiscalisées. En décidant de les soumettre à l’impôt, le gouvernement aurait donc « violé » le protocole d’accord signé avec eux en février dernier. Le constat est amer et est ressenti chez presque tous les leaders syndicaux du G5 (Siens, Uden, Sels, Sels Authentique et Snelas Fc) qui ont tenu hier une conférence de presse pour mettre le gouvernement en garde contre toutes conséquences qui pourraient découler de cette « forfaiture ». De l’avis du Secrétaire général national du Sels (Syndicat des enseignants libres du Sénégal), Hamidou Diédhiou, « c’est une surprise totale sur le sens d’une telle précision. En tant que syndicat, nous n’avons pas été officiellement saisis même par élégance pour information. Par conséquent, nous le prenons comme rumeur. Mais si c’est avéré, nous ferons face», a-t-il prévenu avant d’ajouter que l’attitude du gouvernement, deux mois après la signature du protocole d’accord, suscite quelques inquiétudes quant à sa réelle volonté de respecter les termes de l’accord. Le G5 fustige aussi le fait que le comité de suivi de cet accord n’ait toujours pas été mis en place deux mois après la signature de l’accord portant revalorisation des indemnités des enseignants. Dans tous les cas, indiquent les leaders de ce groupe, « de sérieuses indiscrétions demeurent et laissent penser que la question de la fiscalité impactera négativement les gains nets annoncés par le gouvernement.
Selon des sources concordantes, le gouvernement tente par une réorganisation du bulletin de solde et la suppression de la ligne Impôt sur le revenu (Isr) de masquer le coup ». En conséquence de quoi, il dénonce le «manque de sérieux et la mauvaise volonté» du gouvernement de respecter ses engagements qui s’expriment «de manière évidente et particulière» par la non mise en place du comité de suivi. C’est ce qu’a expliqué le secrétaire général du Syndicat des Inspecteurs de l’Education de la Formation du Sénégal (Siens), El Kantara Sarr, sur ce comité visant à sécuriser les points auxquels les deux parties s’étaient accordées. « Ce comité de suivi, nous y avons fondé un grand espoir, mais depuis lors, il n’a pas été mis en place par la Fonction publique qui est le ministre employeur et qui était au pilotage. Ce n’est qu’un manque de volonté de la part du gouvernement pour une mise en œuvre de ces accords. Nous avons eu des remontées avec des échos très défavorables. C’est la réelle volonté du gouvernement de mettre en œuvre, de manière stricte, ce consensus qui avait été dégagé avec les syndicats », a-t-il dit. Il a cependant tenu à faire une précision sous forme d’une invite à l’opinion publique pour qu’elle ne fasse pas d’amalgame. Selon lui, les enseignants ne réclament pas la non-imposition de leurs revenus. Au contraire, dit-il, « nous avons abouti avec le gouvernement sur des montants nets après impositions. Des seuils minimum et maximum ont été déterminés pour chaque corps, et les enseignants s’attendent à être dans ces gains nets. Malheureusement et d’après les échos, le gouvernement a tendance, cette fois-ci encore, à donner d’une main et à reprendre d’une autre main ».
Cette fâcheuse habitude adoptée par l’Etat, les enseignants entendent y mettre un terme. « Nous ne l’accepterons pas. Parce que nous avions reçu la ferme assurance qu’il n’y a que la ligne indemnité de logement qui ne sera pas fiscalisée, mais que tout le revenu global, en tant que bon citoyen, nous acceptons que cela soit imposé. Mais après imposition, des montants nets avaient été avancés, et les enseignants attendent à entrer dans ces montants nets », a-t-il prévenu. C’est également la posture adoptée par le Secrétaire général du Syndicat autonome pour le développement de l’Education et de la Formation (Sadef), Mbaye Sarr. Il conteste la décision de l’Etat d’imposer les indemnités sur leurs salaires dont la revalorisation, en principe, démarre à la fin de ce mois de mai. « (…) il avait été conclu une défiscalisation des montants retenus.
Le gouvernement vient encore une fois bafouer les normes et renonce du coup à un engagement pris devant l’opinion publique nationale et internationale », a-t-il dénoncé. M. Sarr demande à tous les enseignants, de tous les cycles allant du préscolaire au secondaire, de se mobiliser contre cette « éventuelle forfaiture » et tient le gouvernement comme étant l’unique et seul responsable des futures perturbations qui pourraient intervenir dans l’espace scolaire. Une fin d’année scolaire qui risque d’être «compliquée» car les syndicalistes n’écartent pas la rétention des notes des dernières compositions et le boycott des examens de fin d’année si le gouvernement « fiscalise » leurs indemnités...