MOBILISATION POUR LA REPRISE DES COURS
La Coupe d’Afrique des Nations (Can) 2021 est derrière nous, mais le «match» qui oppose le gouvernement aux syndicats d’enseignants depuis plus de trois mois «continue» sans la moindre mi-temps

Alors que le gouvernement a renvoyé à une date ultérieure sa deuxième rencontre avec les syndicats d’enseignants, initialement prévue ce jour, l’Union nationale des Associations des Parents d’élèves du Sénégal (Unapes) appelle à une grande mobilisation samedi prochain pour la reprise des cours à l’école. Les enseignants approuvent mais entendent poursuivre leur combat jusqu’à une satisfaction totale de leurs revendications.
La Coupe d’Afrique des Nations (Can) 2021 est derrière nous, mais le «match» qui oppose le gouvernement aux syndicats d’enseignants depuis plus de trois mois «continue» sans la moindre mi-temps. Et on ne sait pas encore pour combien de temps elle va encore se jouer avant la fin de la «récréation» à l’école où les élèves demandent leur droit à l’éducation. Les enseignants sont plus que déterminés dans leur combat pour la matérialisation des accords signés avec le gouvernement en 2014 et en 2018. Ils sont clairs dans leur position, fermes dans leur engagement et très radicaux dans leur combat, et entendent maintenir la pression jusqu’à la satisfaction «totale» de leurs revendications notamment sur les points relatifs au traitement salarial et à la création du corps des administrateurs scolaires. En fait, ils disent surtout lutter pour la revalorisation de la profession enseignante vu que, chaque année, ils remportent plus qu’une coupe d’Afrique avec leurs élèves ou étudiants qui se distinguent à travers les examens ou concours.
Droits dans leurs bottes...
«Nous sommes aussi des Lions et un lion ne lâche pas facilement sa proie. Que personne ne vienne donc faire le link avec l’avantage obtenu par qui que ce soit, encore moins les cadeaux offerts aux Lions. Nous réclamons un meilleur traitement et une plus grande considération parce que nul n’est plus patriote que l’enseignant dans ce pays». C’est la chanson du moment chez les professionnels de la craie qui, depuis les premiers jours de la rentrée scolaire, ont engagé une lutte contre « l’injustice » qu’ils disent subir dans la Fonction publique. A les en croire, ils ne réclament rien d’autre que le respect de l’engagement pris par le président de la République en avril 2018 dans le cadre des correctifs par rapport à leur traitement salarial. Dans un message ressemblant à un discours anthologique, le secrétaire général du Syndicat autonome des Enseignants du Moyen et Secondaire du Sénégal (Saemss) revient sur cet engagement de l’autorité suprême pris en 2018 pour un meilleur traitement salarial chez les enseignants. «Monsieur le président, après les Lions, nous sommes à votre écoute non pas pour une quelconque revendication mais pour le respect de l’engagement que vous aviez pris fermement devant les enseignants du Sénégal en Avril 2018 dans le cadre des correctifs urgents à apporter dans le traitement salarial des enseignants que nous sommes». Cet extrait est tiré du message dans lequel Saourou Sène s’adresse à la fois au président de la République, aux enseignants, aux élèves et à leurs parents. Un texte dans lequel M. Sène demande au Président le respect de la parole donnée: «le respect de l’engagement que vous (Ndlr; M. le président) aviez pris». Profitant de l’apothéose suscitée par la victoire de nos Lions, M. Sène lance une invite à l’endroit du gouvernement pour lui dire que «autant nos Lions sont des héros de la République, autant les braves enseignants du Sénégal, ces soldats du savoir, ces cultivateurs de la citoyenneté au patriotisme jamais égalé» méritent la reconnaissance de la République.
... les enseignants refusent d’être les derniers de la hiérarchie sociale
Dans son texte, il dénonce surtout les indemnités octroyées de façon ciblée à une catégorie d’agents de l’Etat en lésant d’autres corps de même hiérarchie par des arrêtés interministériels. «Faudrait-il le cacher encore ? Nous sommes découragés, démoralisés puisque victimes d’un système de rémunération frappé d’iniquité et d’injustice».
Et Saourou Sène de revenir largement sur la valeur de l’enseignant sous forme d’un rappel utile et mobilisateur pour corriger l’injustice et l’iniquité dans ils disent êtres les seules victimes parmi les agents de l’Etat. L’Etat qui, depuis des jours, célèbre la victoire méritée des Lions du football, champions d’Afrique. Comme pour dire qu’ils ne se laisseront pas emporter par cette fête, le syndicaliste du Saemss demande aux troupes de rester concentrées et droit dans leurs bottes, et surtout de refuser d’être les «derniers de la hiérarchie sociale». «Chers frères et soeurs, chers collègues, en ces moments de joie et d’euphorie, pour nous et avec nos Lions, faudra-il le rappeler, nous sommes en lutte, un combat pour la survie de notre chère école avec le malaise enseignant qui, quoi qu’on puisse dire, est la triste réalité aujourd’hui. Nous avons choisi ce métier aussi noble qu’indispensable pour le développement de notre pays. Nous avons besoin et nous disposons de médecins professionnels, d’ingénieurs qualifiés, d’avocats et de magistrats responsables... Eux tous, sans exception, portent l’encre et le verbe de l’enseignant sénégalais. Et alors, devrions-nous accepter d’être les derniers de la hiérarchie sociale? Non non et non camarades. C’est la raison pour laquelle qu’on se le tienne pour dit : ce combat est pour l’équité et la justice. Oui, il nous faut exiger la revalorisation de notre profession pour une école de la République, une école de la réussite de tous et pour tous», a encore dit Saourou Sène à l’adresse de ses collègues comme pour leur rappeler que c’est le moment d’affûter les armes en respectant les mots d’ordre de grève. Les syndicalistes sont aujourd’hui à leur huitième plan d’action avec une marche nationale prévue le 17 février prochain à Ziguinchor.
En outre, Saourou Sène indique que les enseignants n’ont «aucune autre alternative si ce n’est le combat, la lutte syndicale pour que l’école sénégalaise se maintienne, pour que cessent les départs massifs vers d’autres professions moins importantes que l’enseignement mais plus rémunérées aujourd’hui. Si à l’issue de ce combat, dit-il, l’équité et la justice dans le traitement salarial sont consacrées, « nous allons nous atteler à une Ecole de la réussite de tous et pour tous portant nos valeurs culturelles et religieuses faites de Jom, de Kersa et de respect à l’aîné, à l’étranger, à l’humain tout court. Une école qui restera surtout ouverte aux apports féconds de la mondialisation et de la modernité et qui pourra s’approprier des outils techniques, technologiques et numériques ; une école du Sénégal pour le Sénégal, l’Afrique et le monde entier». Tel est le message clé livré par le patron du Saemss à ses collègues enseignants.
L’UNAPES se mobilise samedi prochain
Avec cette longue grève, les soldats du savoir disent vouloir «une bonne fois pour toutes» sauver l’école sénégalaise de la tyrannie des grèves cycliques pour des enseignements-apprentissages de qualité dans notre pays. De leur côté, les élèves et leurs parents n’entendent guère rester les mains croisées face à cette longue grève des enseignants. L’Union nationale des Associations de parents d’élèves du Sénégal (Unapes) organise une grande mobilisation samedi prochain pour exiger la reprise des cours et la fin de la grève des enseignants. Le secrétaire général adjoint du Saemss se dit «de tout coeur avec ces parents d’élèves qui se battent pour le droit à l’éducation de leurs enfants. Nous sommes aussi des parents d’élèves. S’ils sollicitent notre soutien et notre participation à leur manifestation, nous participerons à cette marche. Personne n’est plus parent d’élève que nous. Nous fustigeons même le fait que l’Etat ait failli à ce droit à l’éducation des enfants du fait du non respect de la parole donnée. Nous souhaitons que l’Etat puisse entendre leurs préoccupations car récemment, en France, les parents d’élèves avaient fini par retenir leurs enfants à la maison, et c’est le président Emmanuel Macron qui est monté au créneau pour les supplier de les laisser retourner en classe. Peut-être que cette mobilisation des parents d’élèves va amener le président Macky Sall à siffler la fin de la récréation qui n’a que trop duré», estime El Hadj Malick Youm pour qui «le gouvernement est resté dans sa logique de dilatoire et d’usure». Le gouvernement qui, d’après lui, veut attendre que les choses dégénèrent pour venir «colmater les brèches» en disant : «sauvons l’année scolaire».
La rencontre avec les syndicalistes renvoyée à une date ultérieure
Le gouvernement annonce le report à une date ultérieure de la rencontre prévue ce jeudi avec la partie syndicale dans le cadre de la restitution des travaux de la commission scientifique d’experts sur le traitement salarial des enseignants.