LES RUINES DU CENTRE UNIVERSITAIRE DE KOLDA
Sur un terrain de mille hectares, les bâtiments à moitié construits se détériorent, envahis par la végétation sauvage. Les étudiants, victimes collatérales de cette négligence, étudient dans des conditions précaires à l'ex-École normale ou à la Maison de

Dans l’enseignement supérieur, il y a le mouvement d’humeur du Saes qui réclame l’application de son indemnité de retraite. Mais, il y a surtout le problème des infrastructures qui enrage les étudiants et le personnel enseignant qui réclament leurs livraisons. Depuis 10 ans, le débat se poursuit, mais la réalité est la même dans toutes les universités publiques. C’est la même situation aussi bien dans les nouvelles universités que les anciennes qui fonctionnent dans des conditions exécrables, avec des années universitaires qui se chevauchent comme si de rien n’était. Une anormalité devenue la règle.
Dans la capitale du Fouladou, les travaux de construction du Centre universitaire de Kolda ne sont toujours pas achevés. Cela fait dix ans aujourd’hui que les bâtiments connaissent un état de délabrement avancé. Les campus sont un champ de patates parsemé d’herbes, lieux de refuge de différents animaux sauvages. Les travaux de construction avancent à pas de caméléon sur cet espace de plusieurs hectares offert par deux collectivités territoriales. A cause de la non-disponibilité des amphithéâtres, les cours se font dans des centres délocalisés comme l’ex-Ecole normale supérieure, le Crfpe, la Maison de l’outil. Et les étudiants sont contraints de loger dans des chambres louées en ville.
C’est un espoir anéanti par une longue attente. Dans le Fouladou, les populations sont dans l’attente qui se prolonge. Démarrés depuis 2015 sur un espace de mille hectares, les travaux de construction du Centre universitaire de Kolda avancent toujours à pas de caméléon. L’espace qui abrite les travaux a été offert par deux communes rurales : celle de Dioulacolon pour 600 hectares et la commune de Bagadadji 400 hectares. Sur les lieux, différents bâtiments sont sortis de terre avec une exécution des travaux très avancée. Malgré tout, les travaux ne finissent pas et les populations du Fouladou sont impatientes de la fin totale des constructions. Différents segments de la vie socioprofessionnelle sont toujours montés au créneau pour exiger des autorités la fin des travaux. Des revendications et réclamations qui n’ont rien donné malgré les fortes pressions des populations à travers de hauts responsables locaux. Les différentes entreprises qui se sont succédé dans l’exécution des travaux n’ont jamais mis le pied au plancher.
Plusieurs arrêts des travaux ont été dénombrés, sauf quand on apprend l’arrivée du ministre de tutelle pour voir des ouvriers s’activer comme des orpailleurs sur une mine d’or. La lenteur des travaux repose sur des questions de financements : tantôt c’est l’entreprise en charge des constructions qui ne respecte pas ses engagements, tantôt ce sont les ouvriers qui boycottent le chantier faute de paiement. Des fois, c’est le matériel de construction qui est en rupture. Au même moment, on y voit des tas de sable blanc, de béton, des barres de fer en quantité industrielle, des réservoirs d’eau pleins. Finalement, les véritables raisons de l’arrêt des travaux sont un mystère difficile à élucider.
Négligence ou sabotage dans l’exécution des travaux
Nombreux sont ceux qui perçoivent la lenteur des travaux comme une négligence de la part des entreprises chargées d’exécuter les travaux de construction. Mais l’Etat du Sénégal est au banc des accusés en ce sens que c’est un chantier de l’Etat. Dans tous les cas, la première entreprise qui a démarré les travaux a fini par quitter les lieux pour non-respect des clauses du contrat. Selon les populations, il est inacceptable de constater ces lenteurs pour un Etat soucieux de l’équité dans le fonctionnement de l’enseignement supérieur. «C’est un manque de volonté politique», regrette Fabouly Gaye, responsable politique et ancien président du Conseil régional de Kolda. Il a toujours élevé la voix pour réclamer la fin des travaux au profit des enfants du pays, particulièrement ceux du Fouladou dont les échecs sont nombreux dans les autres universités du pays à cause du dépaysement et du manque de tuteurs. Autant de conditions difficiles pour la plupart des filles et fils de Kolda qui suivent leurs études supérieures hors de la région.
Une autre figure politique au Fouladou parle de sabotage par l’Etat dans l’octroi du marché de construction de cette université. L’homme s’interroge sur l’appel d’offres et les conditions de dépouillement qui ont fait gagner le marché à ces entreprises qui, selon lui, se sucrent sur le dos de l’Etat et refusent impunément d’exécuter correctement les travaux. Les chantiers non achevés de l’Etat au Fouladou, il y en a beaucoup ; c’est du sabotage, a-t-on l’habitude d’entendre en langue locale.
Sur le site qui abrite les locaux du Centre universitaire de Kolda, les travaux avancent et les populations ne cessent de réclamer leur fin. Du campus pédagogique au campus social, les travaux avancent à pas de caméléon dans cet espace parsemé d’arbres, d’arbustes et d’herbes sauvages, refuge des animaux sauvages.
Les salles de l’ex-Ecole normale servent d’amphis aux étudiants
Malgré la non-disponibilité des locaux du Centre universitaire de Kolda, plus de trois cents étudiants sont orientés dans ce temple du savoir. L’année universitaire 2024/2025 a démarré pour ces nombreux étudiants qui, pour le moment, font leurs cours dans les salles de classe de l’école de formation des instituteurs, plus connue sous le nom de l’ex-Ecole normale, située au quartier Saré Kémo, dans la commune de Kolda. Dans ces salles, les étudiants apprennent par cohorte, généralement de 8h à 12h et de 15h à19h tous les jours, avec des professeurs qui viennent de l’Université de Ziguinchor. La plupart de ces étudiants, qui n’ont pas codifié, louent des chambres loin du campus social qui est à quelques mètres du restaurant universitaire. Face à cette situation, ils dénoncent souvent les conditions d’hébergement à cause du surpeuplement au campus social et la qualité des repas. Quant aux conditions d’études, ils partagent la même enceinte avec les élèves-maîtres et le personnel du Centre régional de formation du personnel de l’éducation (Crfpe).
La Maison de l’outil, un bâtiment situé le long de la nationale au quartier Saré Kémo, est aussi un site dans lequel les étudiants font toujours cours. Il faut signaler que cette université est située en pleine brousse sur la Rn6, à plus de cinq kilomètres du centre-ville de Kolda. D’ailleurs, les étudiants déjà enrôlés dans cette université déplorent leurs conditions d’études dans les sites provisoires. L’étroitesse des locaux, l’insuffisance des salles de cours, l’absence de matériel pédagogique adéquat sont les principales difficultés que rencontrent les pensionnaires du centre universitaire délocalisé de l’université Assane Seck de Ziguinchor à Kolda.
Il s’y ajoute la qualité des repas et les conditions de vie au campus social. Pour réclamer de meilleures conditions d’études, de restauration et d’hébergement, ces étudiants ont pour la première fois observé, le 6 janvier 2025, une grève de 48 heures dans le sens de se faire entendre par les autorités.