SUR 1971 CAS REPERTORIES ENTRE 2010 ET 2014, LES 16-17 ANS REPRESENTENT 45%
ETAT DES GROSSESSES PRECOCES A L'ECOLE

Au Sénégal, beaucoup d'apprenantes ne terminent pas leur cursus scolaire. Cette situation s'explique par beaucoup de facteurs, dont les mariages précoces et la pauvreté, mais surtout les grossesses précoces qui entravent la réussite des élèves filles à l'école.
Les grossesses précoces sont devenues un véritable fléau au sein de la société sénégalaise. Nombreuses sont, en effet, les jeunes filles qui quittent les salles de classe à cause d’un tel fait. Ainsi, en plus des mariages précoces et de la pauvreté, le phénomène des grossesses précoces entravent la réussite des élèves filles à l'école.
En effet, 1971 grossesses ont été recensées au cours de ces trois dernières années scolaires (2010-2011, 2012-2013, 2013-2014). Il s’agit de grossesses qui concernent l’intervalle d’âge entre 13 ans et 19 ans. La région de Sédhiou est la localité où l’on enregistre la plus grande proportion de grossesses précoces (30%). Les régions de Ziguinchor (19%), Kolda (9%), Matam (6%), Thiès (6%), Kédougou (5%), Saint-Louis (5 %) et Fatick (5%) suivent. Au niveau des régions de Kaffrine, Dakar, Diourbel, Louga, Kaolack, le taux se situe entre 4% et 2% par rapport aux données issues de l’enquête 6 de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd).
Cette situation a un impact réel sur l'avenir des élèves filles qui, le plus souvent des cas, abandonnent leurs études, si elles sortent intactes des grossesses. Car la mort peut survenir dans certains cas où des infections, à défaut d'une bonne prise en charge. Cela nous a poussés à nous intéresser sur l'importance de l'insertion de la santé de la reproduction à l'école pour qu'à défaut de l'abstinence, les élèves puissent se protéger d'une grossesse non désirée.
Car la moitié des grossesses recensées concerne des filles qui fréquentent les classes entre la 6e et la 3e, soit 71,9%. Aussi, 28,1% des grossesses concernent des élèves qui sont entre la 2nde et la Terminale. Les enquêtes menées au niveau des écoles révèlent que c’est à partir de la classe de 4e que le nombre de grossesses d’élèves apparaît le plus important.
31% des grossesses concernent la tranche d'âge 13-15 ans
En tenant compte de l’âge, 45% des grossesses concernent la classe d’âge située entre 16 ans et 17 ans. La classe d’âge située entre 13 ans et 15 ans vient en seconde position avec 31%. 24% des grossesses concernent les filles entre 18 ans et 19 ans. La majorité des filles-mères est constituée de célibataires soit un pourcentage de 60,8% contre 39,2% de filles mariées au moment de la grossesse. La répartition du statut matrimonial, selon la localité, révèle des disparités.
Ainsi, dans les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Tambacounda, 60,75% des grossesses concernent des célibataires. Par contre, dans les régions de Kaffrine, Thiès, Louga et Diourbel, les filles mères sont constituées en général de filles mariées. Et 49% des cas de grossesses sont l’œuvre des élèves. Les étudiants arrivent en seconde position parmi les auteurs de grossesses avec un pourcentage de 11,12%.
Les jeunes des villages sont également cités parmi les principaux auteurs de grossesses d’élèves avec 8,60%. Ainsi, les élèves, les étudiants et les jeunes du village constituent 70,95% des auteurs de grossesses. Dans beaucoup de localités, les conducteurs de moto Jakarta, les chauffeurs de taxi sont cités aussi parmi les auteurs de grossesses. Les enseignants représentent 2,02% des auteurs présumés de grossesse.
Toutefois, des enseignants sont régulièrement cités dans des cas de pression à caractère sexuel sur les jeunes filles élèves dans l’enquête sur les grossesses précoces en milieu scolaire de 2014. Et cela, même si ça ne traduit pas toujours par une grossesse.
54,43% des filles tombées enceintes abandonnent leur scolarité
Toujours est-il que ce phénomène n'est pas sans conséquence. Car les grossesses précoces ont des conséquences sur les performances scolaires des élèves filles. En effet, 54,43% des filles tombées enceintes abandonnent leur scolarité. 39,39% redoublent leurs classes, tandis que 15,16% parviennent à reprendre leurs études. Les filles qui réussissent à reprendre les études restent en moyenne deux années successives avant de pouvoir le faire. Les taux d’abandon et de redoublement sont plus élevés chez les filles qui sont dans les liens du mariage, que celles qui sont célibataires. En réalité, les filles-mères mariées ne bénéficient pas toujours du soutien de l’entourage familial pour réintégrer le système scolaire après l’accouchement.
Entre 2013-2014, on a constaté une diminution du taux d’abandon et une augmentation du nombre de filles-mères qui reprennent les études après l’accouchement. Il arrive, en effet, que des initiatives soient développées au niveau de certaines écoles pour soutenir les filles qui tombent en état de grossesse pour les amener à poursuivre les études après l’accouchement. D’ailleurs, certaines parmi ces filles qui ne sont pas en union ont envie de se racheter après une grossesse qu’elles considèrent comme une erreur de jeunesse.
De plus, il y a lieu de remarquer que des progrès ont été constatés dans l’accompagnement scolaire des élèves tombées enceintes en relation avec la prise en compte d’une plus grande équité dans l’éducation. La circulaire n°004379/Me/Sg/Demsg/Dajld du 1er octobre 2007 qui offre la possibilité aux filles tombées enceintes de reprendre leurs études après l’accouchement est appliquée dans la plupart de établissements.
Comment rendre les filles moins vulnérables
Dans le cadre de cette étude sur les grossesses précoces, certaines recommandations ont été formulées, notamment à l’endroit du ministère de l’Education nationale. Au-delà des questions de santé sexuelle et reproductive, la grande leçon apprise de l’étude est que la santé des élèves doit être inscrite comme une priorité dans la définition des politiques publiques éducatives. Ainsi, il apparaît nécessaire de préconiser des mesures qui articulent l’action de la santé scolaire aux activités pédagogiques d’information et d’accompagnement des jeunes scolarisés. Cela, afin de les rendre moins vulnérables et aptes à amoindrir la pression des pairs.
Ces recommandations s’inscrivent dans trois rubriques : la collecte des données, la prévention et l'accompagnement des élèves. C'est dans ce cadre que l'Association des journalistes en santé, population et développement (Aspj), déroule un projet dénommé «Voix pour la santé» financée par une Ong Planned Prenthood Global, qui a pour ambition de mener un plaidoyer pour l'accès des adolescents et des jeunes aux Services de santé de la reproduction des adolescents et des jeunes (Sraj).
Pilotées par Ndèye Fatou Wade, des antennes décentralisées ont été menées au niveau national pour développer une opinion publique positive sur cet accès aux services Sraj afin de prévenir les grossesses précoces, sources de discorde familiale et de maladies sexuelles qui freinent l'avenir des jeunes, mais aussi le développement du pays.