EN AFRIQUE, LES LOIS DU PATRIARCAT EMPÊCHENT LES FEMMES DE VIVRE
Au Sénégal, le Code de la famille consacre la hiérarchie des sexes, l’infériorisation et l’asservissement des femmes. Les juges sénégalais choisissent d’ignorer les traités internationaux afin de ne pas créer de précédents qui pourraient léser les hommes
Le droit de nuire en premier aux femmes et aux enfants. C’est la description résumée la plus conforme aux diverses expériences vécues par les femmes qui réclament le secours de la loi. C’est ce droit dissimulé dans le droit que nous, juristes et militantes, affrontons quand nous accompagnons les requérantes. Pour les femmes et les enfants, le patriarcat est, de façon concrète, un ensemble de lois faites pour les empêcher de vivre et les priver du secours de la loi.
Si le patriarcat n’a pas commencé avec le droit, c’est pourtant le droit qui le consolide. Depuis 1972, nous vivons au Sénégal sous un Code de la famille plein de dispositions discriminatoires à l’encontre des femmes, voire, pour certaines, ségrégatives. Cela alors que ceux qui font les lois et ceux qui les appliquent savent non seulement que l’égalité est un fondement et un principe du droit, mais encore que la famille établit l’égalité femme-homme de façon solide et durable.
Donc le droit consacre ce que la famille cultive, à savoir la hiérarchie des sexes, l’infériorisation, la subordination et l’asservissement des femmes.
L’article 111 du Code de la famille fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans pour le garçon alors que la fille peut être mariée à 16 ans et même avant, si tel le décide le président du Tribunal de grande instance à qui la loi donne pleins pouvoirs à travers ce que le Code appelle «la dispense d’âge». La loi refuse de promettre à l’adolescente la même chance qu’au garçon, à la fois dans la vie et dans le ménage une fois mariée. D’ailleurs, la notion de «puissance maritale» qui figure dans l’article 152 du Code lève les doutes sur ce qui attend cette jeune fille. En effet, seul le mari a la qualité de chef de famille. Qu’est-ce donc qu’un pouvoir impossible à exercer?
Avoir voix au chapitre
En 2013, avec l’AJS (Association des juristes sénégalaises), nous avons accompagné une femme sur un différend de lieu de résidence. Le monsieur avait décidé d’aller vivre dans une autre ville du pays. La dame ne voulait pas déménager sur un coup de tête et risquer de bouleverser l’équilibre du foyer. Les enfants allaient à l’école à Dakar, ils y avaient leurs attaches, elle aussi, elle y avait un commerce. Elle n’arrivait pas à faire entendre raison à son époux et la discussion s’envenimait.
Comme, systématiquement, il lui opposait que son devoir d’épouse était de le suivre où qu’il veuille aller, elle est venue nous consulter. Cette femme en détresse venait chercher le secours de la loi pour avoir voix au chapitre, mais nous devions lui dire ce que nous révélons à toutes celles qui nous sollicitent pour des cas similaires, à savoir que la loi leur refuse justement son secours.