LA TRISTE VIE DES FEMMES HANDICAPEES
SOLITUDE, STIGMATISATION, PRECARITE, MISERE

Même si l’on achemine petit à petit vers la fin de la crise en Casamance, les graves conséquences de cette rébellion resteront toujours indélébiles dans l’esprit d’une certaine frange de la population dont leur vie a basculé à cause de ce conflit. il s’agit des femmes qui ont perdu l’usage de leurs pieds ou de leurs mains après avoir sauté sur des mines.
La journée du 8 mars est dédiée aux femmes du monde entier. Une occasion pour ces dernières de se remettre en cause et réfléchir sur les perspectives afin d’améliorer leurs conditions de vie et de combattre les inégalités dont elles sont victimes. Au moment où elles célèbrent cette journée, quelque part, il y a d’autres femmes qui souffrent dans leur coin de leur triste sort.
Dans la région de Ziguinchor, la crise a rendu la vie très difficile à certaines femmes, qui ont vu leur vie basculer brusquement. C’est le cas de Khady Diallo, qui a perdu l’usage de ses jambes après avoir sauté sur une mine. Assise sur une chaise roulante, elle explique son cauchemar. «Je suis allée à la recherche des noix d’acajou pour gagner un peu d’argent. C’est au retour que j’ai sauté sur une mine, et depuis lors, je ne parviens plus à marcher. Je suis sur une chaise roulante».
S’expliquant sur son triste sort, elle explique qu’elle ne bénéficie d’aucun soutien financier, et tout ce qu’elle mange, elle le gagne à la sueur de son front. « Après mon accident, mon mari m’a quittée un an après. Et jusqu’à présent, je ne l’ai plus revu. Je me débrouille seule pour nourrir mes deux enfants».
Trouvée chez elle, dans un quartier populeux de la ville de Ziguinchor, l’histoire de Joséphine Diatta, est non moins triste que celle de Khady. Cette dame, la quarantaine bien épanouie, a perdu ses deux jambes et ses pieds. A la question de savoir si elle connait le sens de la journée du 8 mars, elle déclare ignorer celle-ci, car, poursuit elle « depuis sept ans que j’ai fait cet accident, rien n’a changé dans mon quotidien. Je souffre dans mon for intérieur, depuis ce jour. Il y a beaucoup d’associations à Ziguinchor, mais je n’ai jamais reçu un appui financier de leur part. Je reste toujours croupie dans ma chambre avec ma souffrance. Personne ne vient me demander si je vais bien. Même dans mon proche entourage, les gens me regardent d’un autre oeil, comme si j’avais la peste », se désole Joséphine.
Et de poursuivre : «nous sommes stigmatisées et presque rejetées par notre propre famille». Selon elle, l’Etat du Sénégal «doit avoir un oeil attentif sur les femmes handicapées, surtout celles qui sont victimes de mines».
Trouvée devant la grande porte du marché Saint-Maur, assise sur sa chaise roulante, en train de tendre la main, Anna Djibalène vit mal son handicap. « Je n’ai pas de soutien, et je suis veuve et mère de quatre enfants, par conséquent, je suis obligée de tendre la main pour vivre. C’est difficile, mais je n’ai pas d’autres solutions», déclare-t-elle, et déplore l’attitude de certaines personnes. «Certains ne prêtent même pas attention à moi, c’est à peine qu’ils me regardent si je leur tends la main. Ils doivent comprendre que cette situation que je vis est du ressort divin, je ne l’ai pas souhaité», ajoute-t-elle. La dernière femme rencontrée s’appelle Catherine Diatta. En dépit de son handicap causé par une mine, elle n’entend pas tendre la main pour vivre. Assise derrière son comptoir, elle mène son petit commerce qui marche bien, selon ses dires.
Pour Catherine, les femmes souffrent énormément parce qu’elles manquent de moyens pour exercer des activités génératrices de revenus. D’où la nécessité de leur faciliter l’accès aux crédits afin de supporter dignement leurs souffrances.