MAIMOUNA YADE, UNE FÉMINISTE PIQUANTE
EXCLUSIF SENEPLUS - Elle réfute la relégation des femmes ou la confiscation de leurs droits au motif d’une inégalité physionomique. Argument pourtant souvent entendu au Sénégal des hommes qui se croient autorisés à parler des femmes ou de leurs droits
Comme chaque année, la campagne des 16 jours d’activisme bat son plein contre les violences faites aux femmes. Toutefois, il est des violences faites à certaines femmes qui passent (presque) inaperçues. Ce sont les violences des institutions nationales et internationales contre les féministes sénégalaises. L’entrisme dans les institutions qui refusent le progressisme, le copinage, les réflexions absurdes, les considérations et compliments non sollicités, les tentatives de corruption financières ou sexuelles, sans doute pour en délégitimer certaines, le flicage, la pratique du blacklistage, du male gaze qui veut que des anti-féministes demandent à des hommes de pouvoir de valider des féministe sénégalaise ou non ; voire de favoriser des personnes que les féministes ne reconnaissent pas comme tel pour des faits graves d’attaques contre des femmes réclamant leur liberté, des victimes de viol ou encore contre des féministes. Les féministes sénégalaises ne valident pas ce qu’il est commun d’appeler, chez nous, des « pick me women ». Celles qui tirent du regard masculin une valorisation de leur existence.
En cette fin des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, qui nous mènent à la journée des droits humains, le 10 décembre, il nous paraissait nécessaire de faire front commun contre ces pratiques patriarcales. Cela d’autant que le thème retenu cette année par ONU femmes est « Tous unis ! L’activisme pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles ». Notre unité féministe se restitue donc dans cette action collective de diffusion d’une partie de notre Hall of fame féministe. L’une des premières leçons à retenir du féminisme est que dans la culture féministe, la seule et unique reconnaissance qui nous importe est celle de nos consœurs toutes obédiences confondues. Nous n’avons besoin ni de la reconnaissance patriarcale, individuelle et masculine, ni de celle plus structurée des institutions. Ainsi, voici une série de portraits, dont le projet est validé par une féministe, Pr Fatou Sow, écrits par une féministe, Khaïra Thiam, corrigés par une autre féministe, Fatima Diallo, et autorisés par toutes celles qui y figurent. Elles ont la reconnaissance et la gratitude de chacune d’entre nous et elles œuvrent au quotidien pour la libération de chacune d’entre nous des fers du patriarcat sénégalais. Et cela bien malgré nos divergences d’opinions, de positionnement, de stratégies ou de modes de lutte.
Ainsi donc pour paraphraser un slogan féministe des années 70 : « Ne nous croquez pas, on s’en charge ! »
Maimouna Yade, une féministe piquante
Dans le milieu, on l’appelle Maya et comme son homonyme, l’abeille : qui s’y frotte s’y pique. Maya aime la confrontation et le débat d’idées et sans contredit, sa voix porte.
Pourtant dans ses débuts, malgré une inclination naturelle à défendre les droits des femmes et des filles, elle ne se réclamait pas féministe. C’était un mot pour elle dénué de sens, que certains devant ses propos lui collaient comme étiquette. Au fil du temps, de ses recherches et de ses accointances féministes, le mot « féministe », elle le porte, aujourd’hui, comme une seconde peau. Dans ses pérégrinations féministes à travers le monde, Maimouna Astou Yade a pu faire groupe avec d’autres et découvrir des féministes d’horizons divers. Dès lors elle a su se forger sa propre tendance dans ce courant idéologique et s’allier à d’autres autour d’un objet commun.
Féministe au faîte de son engagement, elle reste impressionnée par les pionnières et leur travail. Elle se nourrit de leur courage qui a porté haut le combat du féminisme sénégalais. Parmi elles, Marie Angélique Savané et Fatou Sow, dont elle lit les écrits, lui donnent matière à penser dans ses propres batailles pour l’égalité et l’équilibre social. Elle réfute la relégation des femmes ou la confiscation de leurs droits au motif d’une inégalité physionomique. Argument pourtant souvent entendu au Sénégal de la bouches d’hommes qui se croient autorisés à parler des femmes ou de leurs droits.
En reine des abeilles, elle s’active dans l’organisation féministe qu’elle dirige. En effet, c’est à travers diverses actions et programmes auprès de bénéficiaires qu’elle essaime sa philosophie et ses valeurs féministes. Mais là où elle est le plus efficace c’est avec son projet « les pupilles féministes » qui lui permet de préparer la relève. Elle vise par là à prévenir un éventuel essoufflement du mouvement comme on a pu le connaitre à d’autres moments de l’histoire du féminisme sénégalais.
C’est avec tout cet investissement personnel et professionnel que Maimouna Astou Yade espère rendre le mouvement féministe encore plus puissant et durable. Elle appelle de ses vœux les filles et les femmes féministes à acquérir des compétences intellectuelles et pratiques nécessaires au transfert de nos savoirs et savoir-faire aux plus jeunes.