YAYE SOUADOU FALL, L’INVENTRICE DES CARREAUX ET DES REVÊTEMENTS À BASE DE PNEUS USÉS

La jeune sénégalaise primée à la Cop 21, via son projet E-cover, vient de recevoir la distinction de la meilleure entrepreneuse africaine de l’année 2016. Yaye Souadou Fall a donné une utilité aux pneus usés qui servent désormais de pavage et de revêtement des rues, des routes, des vérandas, des jardins et des terrains de sport.
Yaye Souadou Fall était au centre de tous les regards le jour du Falling walls lab de Dakar. Une plateforme d’exposition de la diversité des inventions des jeunes sénégalais. L’étudiante au visage rond et avenant est donnée en exemple aux startupers en lice pour le Falling walls lab de Dakar, édition 2016. On ne peut pas parler, pour le moment, de self made women. Mais cette Sénégalaise se fait déjà remarquer. Yaye Souadou Fall, une jeune étudiante de 21 ans à l’Ism Dakar, allie entrepreneuriat et étude.
« Je suis la co-fondatrice et présidente du Gie E-cover, startup œuvrant dans la revalorisation des déchets en carreaux et revêtements de sol en caoutchouc », se présente-t-elle. Elle marque déjà son empreinte dans le recyclage. Lors de la Cop 21, à Paris, son projet E-cover a été distingué. C’est le signe de l’originalité.
Elle redonne une nouvelle utilité aux pneus usés. E-cover, explique-t-elle, est une startup œuvrant dans la revalorisation des déchets avec comme gamme phare les RE-tires, c’est-à-dire des produits issus des pneus. Dans son atelier, les pneus abandonnés dans les rues, au niveau des ronds-points et dans les dépôts sauvages, sont coupés, retaillés et remodelés en carreaux et en revêtements pour les rues, les routes ainsi que les aires de sport. Au bout de la chaîne, l’étudiante et son équipe fabriquent des produits sur mesure.
« Nous produisons des semelles de chaussures, des carreaux, des revêtements de sol, appelés E-tiles et qui seront adaptés pour les surfaces planes, telles que les aires de jeux, les terrains de sport, les terrasses, les trottoirs, les vérandas, les cours, les balcons, les patios, les hangars et même les routes. Ces produits antidérapants, flexibles, amortissants, personnalisables et étanches ont pour avantage d’offrir au client l’option d’une installation définitive ou amovible », vante-t-elle.
Comme toute personne porteuse, surréaliste, Souadou était considérée comme une rêveuse. Peu de confidents croyaient à la matérialisation d’une telle idée. Mais son équipe en avait fait un cheval de bataille. « Mon équipe et moi avions fait le constat qu’il était difficile, à Dakar, de passer d’une rue à une autre sans tomber sur des déchets. L’alerte a été donnée concernant la menace du réchauffement planétaire. Dès lors, nous nous sommes sentis concernés par la question des déchets et avons décidé d’apporter notre contribution à la sauvegarde de l’environnement en ayant la vision de revaloriser tous les déchets qui soient avec comme point de départ le recyclage des pneus en carreaux et revêtements de sol », raconte la startuper.
Elle avait juste 20 ans. Yaye Souadou a très tôt compris qu’il ne faut pas tout attendre du ciel surtout lorsqu’on n’est pas née avec une cuillère en or dans la bouche. C’est avec abnégation qu’elle continue à se battre pour assoir les bases solides de son entreprise. Elle vante le projet au grès des fora et des rencontres internationales.
Elle et ses camarades lancent des « fund raising » (recherche de fonds) à travers les réseaux sociaux. « Avoir une idée « folle » et convaincre ses proches n’est pas du tout chose facile. A mes débuts, je pouvais compter du bout des doigts les personnes qui croyaient à mon projet. On nous prenait pour des « fous » ou des « rêveurs ». Nous voulions tout simplement ramener un procédé industriel à un niveau manuel pour prouver que nous étions capables d’y parvenir, parce que nous croyons en nous-mêmes et en nos capacités », se souvient-elle.
Jeune entrepreneuse africaine de l’année
Aujourd’hui, aussi bien au Sénégal, lors du Falling walls lab de Dakar en 2015, qu’à la Conférence de Paris sur le climat en décembre 2015, le recyclage des pneus est admis comme une solution à la préservation de l’environnement. A Paris, elle a reçu la 3ème place du prix African rethink. Elle a aussi remporté l’Award superwoman entrepreneurship organisé par l’association Jeader et l’ambassade des Etats-Unis. En 2016, elle est lauréate du prix Hub jeune entrepreneur de l’année au Maroc.
L’incinération ou la calcination des pneus participe un tant soit peu aux rejets des gaz nocifs dans l’atmosphère. S’y ajoute que les pneus dégradent le cadre de vie. D’autres coupes servent d’amortisseurs pour les parties des routes qui sont glissantes. Vêtue d’un veston bleu de nuit, la jeune sénégalaise parle de son expérience avec assurance.
Depuis quelques années, elle a cru à ce projet qui commence à convaincre des Sénégalais et des organismes à travers le monde. Au Maroc, elle a reçu la distinction de la jeune entrepreneuse de l’année. La directrice de la Fondation Friedrich Naumann, Inge Herbert, ne tarit pas d’éloges sur l’étudiante qui a montré qu’il est possible de se surpasser, de concrétiser ses idées.
Le projet pourrait déclencher la course vers la réutilisation des pneus usés si les villes optent de recourir à cette technologie moins coûteuse et avec une matière première très accessible. Souadou incarne la confiance en soi. Mais elle n’est pas dans la démesure. Face aux candidats pour le Falling walls lab de 2016, elle parle de son expérience dans un français maîtrisé, avec une voix posée et claire.