Fifa: Sexwale, de la lutte anti-apartheid à la course à la présidence, un parcours atypique
Ancien compagnon de prison de Nelson Mandela, ex-animateur de télévision devenu richissime homme d'affaires, le Sud-Africain Tokyo Sexwale rêve de devenir le premier président africain à la tête de la Fifa mais cette mission semble quasi impossible après une campagne terne.
Ambitieux et charismatique, le candidat de 62 ans s'est longtemps présenté comme l'homme du changement, lui qui n'a jamais occupé le moindre poste dans l'exécutif de l'instance mondiale du football.
Davantage connu pour son engagement politique et son sens des affaires, ses partisans estiment qu'il aurait le mérite d'apporter du sang neuf dans une Fifa rongée par un retentissant scandale de corruption.
Il connaît cependant bien cet organisme, puisqu'il y dirige depuis 2015 le comité de surveillance de l'instance pour Israël et la Palestine et y siège au comité des médias.
"A un moment se présentera l'opportunité d'élire un président venu de l'extérieur, du monde économique et politique", disait début octobre Franz Beckenbauer, ancien membre du comité exécutif de la Fifa mais toujours très influent.
"C'est pourquoi je me réfère à Tokyo, parce que c'est quelqu'un de différent, qui a un passé politique, mais qui connaît aussi bien le monde du sport", avait résumé le champion du monde 1974, avant que Tokyo Sexwale n'annonce officiellement sa candidature, en octobre 2015.
- Tokyo, pour le karaté -
Depuis son entrée en lice, sa campagne n'a pourtant jamais vraiment décollé. Et début février la Confédération africaine de football (CAF) a publiquement annoncé qu'elle soutiendrait le Cheikh Salman pour l'élection de vendredi, à Zurich.
Selon une source interne, même la Fédération sud-africaine de football (Safa) pourrait choisir un autre candidat que Tokyo Sexwale!
Sans le soutien de son propre continent, la candidature de Mosima Gabriel Sexwale, surnommé Tokyo dans sa jeunesse pour sa passion pour le karaté, est devenue presque anecdotique et le candidat se dirige vers un cuisant échec.
Mais ce revers programmé ne devrait pas trop affecter cet ancien militant anti-apartheid qui a vécu plusieurs vies et qui a connu la prison sur l'île de Robben Island.
Combattant de la branche armée de l'ANC (Congrès national africain) durant la lutte contre l'apartheid, Tokyo Sexwale suit en 1975 un entraînement militaire en URSS, avant de revenir en Afrique du Sud une année plus tard.
Condamné pour terrorisme et complot en vue de renverser le gouvernement, il est envoyé en 1977 à Robben Island, où il retrouve son compagnon Nelson Mandela. Il est libéré en 1990, après avoir purgé 13 de ses 18 ans de prison.
Pendant les années sombres sur l'île-prison, battue par les vents glaciaux en hiver et écrasée par un soleil de plomb en été, il participe à la gestion de "Makana", le club de football des prisonniers politiques. En 2007, le club décroche le statut de membre honorifique de la Fifa.
Au début des années 1990, alors que les lois de l'apartheid sont progressivement abolies, Tokyo Sexwale joue un rôle capital pour tenter de calmer les violences qui embrasent les townships de Johannesburg.
- 'The Apprentice', comme Trump -
A l'avènement de la démocratie en 1994, il décroche, avec le soutien du président Nelson Mandela, le poste de Premier ministre de la plus riche province du pays, le Gauteng, qui englobe Johannesburg et Pretoria.
Longtemps pressenti comme candidat à la présidentielle, il quitte finalement la fonction publique au bout de quatre ans, pour créer un empire des mines et communications, Mvelaphanda, et bâtir l'une des plus grandes fortunes du pays.
Sa réussite lui vaut d'animer un temps la version sud-africaine de l'émission de télé-réalité The Apprentice, présentée un temps aux Etats-Unis par Donald Trump, l'un des candidats républicains à la succession de Barack Obama.
Il s'engage officiellement dans le ballon rond au moment de la candidature de son pays pour le Mondial-2010, en faisant partie du comité de candidature puis de l'organisation de l'événement. Un rôle qui lui a valu de comparaître en décembre devant un grand jury aux Etats-Unis, sur fond d'accusations de corruption active de la part de la candidature sud-africaine.
Son travail lui vaut en tout cas d'être nommé au comité anti-racisme et anti-discrimination de la Fifa, un poste qui lui permet de se faire un nom au sein de l'organisation.
Pendant sa timide campagne il a sans cesse rappelé qu'il avait "toujours lutté contre le racisme", ce "monstre qui essaie de s'infiltrer sur les terrains de sport", appelant à élire "une personne de couleur", à la tête de la Fifa.