NIGER-CÔTE D'IVOIRE, LE BRAS DE FER PAR PROCURATION
Certains opposants, à l'image de Guillaume Soro, "savent identifier les dirigeants hostiles aux leurs, pour se voir offrir de quoi les mettre dans l’embarras". C'est sans doute le but recherché par le général Tiani en recevant l'opposant ivoirien
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L'ancien Premier ministre ivoirien Guillaume Soro, en disgrâce auprès du président Alassane Ouattara depuis 2019, multiplie les déplacements à l'étranger ces derniers mois. Selon Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI, "Guillaume Soro semble en vouloir tout particulièrement à l'actuel chef de l'État ivoirien, dont il se dit « le bienfaiteur », sans pour autant préciser en quoi ont effectivement consisté lesdits bienfaits".
Plus récemment, c'est au Niger que l'opposant ivoirien s'est rendu, accueilli par le chef de la junte au pouvoir, le général Mohamed Ouhoumoudou. "Pourquoi le général Tiani, chef de la junte nigérienne, qui a déjà tant de mal à se faire accepter par les autres États, reçoit-il de la sorte un opposant en délicatesse avec le pouvoir ivoirien ?" s'interroge Jean-Baptiste Placca.
En effet, comme le souligne l'éditorialiste, "en Afrique, nombre de chefs d’État affectionnent régler les inimitiés avec leurs pairs par un soutien perfide à leurs opposants respectifs. Accueil, facilités financières et, à l’occasion, de quoi déstabiliser franchement un régime". Certains opposants, à l'image de Guillaume Soro, "savent identifier les dirigeants hostiles aux leurs, pour se voir offrir de quoi les mettre dans l’embarras". C'est sans doute le but recherché par le général Tiani en recevant l'opposant ivoirien.
Cependant, une telle manœuvre n'est pas sans risque. Jean-Baptiste Placca prend l'exemple de "Salif Diallo, homme d’État burkinabè, en rupture ouverte avec Blaise Compaoré, accueilli à Niamey, discrètement, mais à bras ouverts, par l’ancien président Mahamadou Issoufou. Sachant la capacité de nuisance du président du Faso, son homologue nigérien avait pris soin de le prévenir. Blaise Compaoré feignit de comprendre. Mais, se préparait aussitôt à déstabiliser le Niger, notamment en soutenant son principal opposant".
Selon l'éditorialiste, "la pratique était-elle aussi répandue que cela ? Répandue à un point que vous ne pouvez imaginer". Il cite notamment les exemples des opposants guinéens accueillis en Côte d'Ivoire ou des opposants de Sao Tomé soutenus en Angola. Mais ces soutiens pouvaient aussi rapidement cesser si les chefs d’État concernés rétablissaient de bonnes relations.
En conclusion, Jean-Baptiste Placca estime qu'"il n’y a, finalement, rien d’anormal dans ce qui vient de se produire à Niamey. Rien à reprocher à Soro et Tiani". Mais il souligne que Guillaume Soro devra désormais "se contenter d’user de la seule arme qu’il lui reste : le verbe. En espérant que les Nigériens ne se lasseront pas trop vite de ses vociférations, et de ce besoin de rappeler sans cesse qu’il est « le bienfaiteur » d’Alassane Ouattara".