IL FAUT REVENIR AUX FONDAMENTAUX…
Et si les professionnels étaient indirectement responsables des dérives notées sur certaines télévisions ? C’est ce que semble dire des professionnels des médias.
« Je plaide pour une réappropriation de notre métier. Les professionnels doivent reprendre le métier parce qu’ils l’ont abandonné. Et la nature a horreur du vide. » Mamoudou Ibra Kane, journaliste et directeur général du groupe de presse Emedia invest, répond ainsi à la question de savoir si les professionnels sont indirectement responsables des dérives notées sur certaines télévisions ? De son point de vue, « quand on a une chaîne de télévision, il y a des fondamentaux à respecter ». Poursuivant, il soutient que si un sondage est fait aujourd’hui, « sur le ou la préférée des Sénégalais », on sera surpris des résultats. « C’est normal, il faut évoluer avec le temps. Mais, l’évolution du temps ne doit pas nous faire perdre ce qui constitue notre raison d’être », analyse M. Kane. Selon lui, il faut faire de sorte que celui qui intervient à l’antenne soit soumis à des règles très strictes. « Il ne doit pas parler de sujets qu’il ne maitrise pas. Il ne peut pas ignorer la sensibilité de certains sujets. Il y a une tenue, une retenue, des éléments de langage… », suggèret-il.
Mais, ces règles si elles sont appliquées ne ressemblent-elles pas à de la censure ? Pour notre confrère, le premier censeur pour un professionnel, c’est d’abord lui-même. « Mais, ce n’est pas évident de le faire comprendre à certains qui ont, à la limite, l’excuse de ne pas connaitre. Mais, à qui la faute ? Elle incombe avant tout à nous autres professionnels. Un outil médiatique, ce n’est pas rien. Il faut avoir des ressources humaines de qualité ; ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller dans une école de journalisme, il faut les encadrer rigoureusement, il faut qu’ils se documentent… », préconise-t-il.
Et de souligner : « même la meilleure des improvisations est préparée ; ce sont des efforts à faire ». Si dans le travail journalistique, les règles sont claires, on ne peut en dire autant pour les animateurs. Pour Mamoudou Ibra Kane, il faut de la rigueur. « Si dans une émission de divertissement, vous voulez aborder une question sérieuse, vous la confiez à un animateur qui n’a pas les prérequis, qui n’a pas la formation, vous l’exposez et vous exposez votre chaîne. Il est possible d’être professionnel et célèbre. Il ne faut pas penser qu’il faut faire le buzz pour être célèbre.
LE DIRECT DÉCALÉ ?
La célébrité la plus durable, c’est celle qu’on a eue en état professionnel. Le cas d’Oprah Winfrey, animatrice américaine, en est un exemple patent. Aujourd’hui, c’est l’animatrice préférée des Américains. Elle a reçu Mandela, Michelle Obama comme invités… elle n’est pas dans le buzz pourtant. Elle se contente d’être professionnelle », rappelle-t-il. Aujourd’hui que les chaînes de télévisions pullulent, le patron d’Emedia invest estime qu’il ne faudrait pas abuser de la politique de la demande. A son avis, même si les populations ont des préférences, il faudrait penser à la politique de l’offre en leur proposant des contenus de qualité qui vont leur apporter énormément de choses. « Le folklore fait partie de la vie, mais même dans le divertissement on peut éduquer. On parle alors de divertissement sain. Si on ne le fait pas, on risque d’être largué par la concurrence sous régionale », avertit-il. Le constat avec les dérives, c’est qu’elles se passent en direct. Ce qui a sans doute poussé certains à proposer l’obligation du direct décalé. « C’est une idée très charmante.
Pour certaines productions, il est préférable de les enregistrer, mais pas toutes. Mais, je suis d’accord pour certaines émissions qu’on utilise un système de retardement de quelques minutes. Cela permet d’éviter certains dérapages. Après, on a le recul nécessaire, le temps de nettoyer… parce que dans le feu du direct, on peut dire des choses qu’on ne devrait pas », déclare Mamoudou Ibra Kane. Pour Jean Meïssa Diop, le direct décalé n’est pas une mauvaise idée, dans la mesure où il peut permettre de censurer ce qui doit l’être, mais il peut tuer le charme de la télévision. Pour lui, ce qu’il faut, par contre, c’est plus de sérieux. « Il faut que les gens qui commentent les émissions soient outillés et responsables. N’importe qui ne peut pas interviewer n’importe qui. Tout journaliste qui monte à l’antenne doit être briefé.