LE SÉNÉGAL BIENTÔT ACTIONNAIRE DE TV5MONDE ?
Le Sénégal fait partie des sept pays africains pressentis pour entrer au capital de la chaîne publique francophone. La participation du Gabon, le Congo-Brazzaville, la RDC et du Cameroun connus pour leur répression de la liberté de la presse fait débat
(SenePlus) - TV5 Monde, la chaîne publique francophone, envisage d'ouvrir son capital à sept pays africains selon les informations de Télérama. Une démarche qui soulève de vives inquiétudes, quatre de ces pays - le Gabon, le Congo-Brazzaville, la RDC et le Cameroun - étant connus pour leur répression de la liberté de la presse.
Dans le cadre de son plan stratégique 2025-2028, le groupe audiovisuel public souhaite faire entrer sept pays africains au sein de son actionnariat selon Télérama. Parmi eux figurent la République démocratique du Congo, le Cameroun, le Gabon, le Congo-Brazzaville mais aussi la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Bénin.
« Cette chaîne ne peut pas rester celle de la francophonie du Nord qui s'adresse au monde et notamment aux pays du Sud. Il faut que dans les années qui viennent – j'espère le plus rapidement possible –, on puisse ouvrir notre gouvernance et "Notre financement à des États africains. C'est essentiel, politiquement et stratégiquement", a justifié Yves Bigot, président de TV5 Monde, cité par Les Échos en janvier.
Selon Télérama, ce projet baptisé "convergences francophones" a reçu l'aval de l'Élysée, qui y verrait "une main tendue de la France dans une période où le ressentiment envers le pays n'a jamais été aussi exacerbé".
Yves Bigot a d'ores et déjà rencontré certains chefs d'État concernés, comme Denis Sassou-Nguesso, président autoproclamé depuis plus de 40 ans du Congo-Brazzaville, ou encore Félix Tshisekedi, "élu" en 2018 président de la RDC lors de 'un examen qualifié de "putsch électoral" par l'opposition.
Cette ouverture du capital soulève cependant de vives critiques. " Solliciter une junte militaire (le Gabon) et deux pays (le Cameroun et le Congo) dirigés par les mêmes hommes depuis des décennies et dont l'actualité est régulièrement émaillée d'assassinats et de détentions arbitraires de journalistes soulève des inquiétudes légitimes quant au futur de l'information sur cette chaîne publique", a déclaré Arnaud Froger de Reporters sans frontières (RSF) cité par Télérama.
Dans les rédactions de TV5 également, l'inquiétude règne. "L'ouverture à la francophonie au Sud est une évidence, mais pas avec n'importe quel État et avec un minimum de transparence", résume un journaliste anonyme à Télérama. Les rédacteurs en chef Afrique ont intégré la direction dans une note sur "les éventuelles conséquences éditoriales" et la "cohérence avec la ligne éditoriale et les valeurs déontologiques" de la chaîne.
"Cette charte est une diversion, et je ne vois pas comment elle va empêcher une dictature d'être une dictature", avance un autre journaliste anonyme à Télérama, faisant référence à un renforcement de la charte déontologique proposée par la direction.
Le calendrier de cette décision laisse également perplexe selon Télérama, avec une annonce prévue dès le 5 octobre 2024, en marge du Sommet de la Francophonie à Villers-Cotterêts.
Rien ne semble pouvoir l'empêcher, alors que ces nouveaux actionnaires (à hauteur de 600 000 euros par pays selon Télérama) se verront offrir un accès aux programmes, des coproductions ainsi qu'une diffusion de leurs journaux télévisés nationaux.
Les partenaires historiques de TV5 comme la Belgique, la Suisse et le Canada, qui n'ont pas été consultés sur ce virage stratégique, pourraient toutefois avoir leur mot à dire lors du conseil d'administration du 30 avril qui s'annonce agité d'après Télérama.