Dix ans de prison pour avoir commandité une agression à l'acide au lycée français de Lagos

AUXERRE, 13 sept 2013 (AFP) - Un enseignant a été condamné à dix ans de prison vendredi par la cour d'assises de l'Yonne, qui l'a jugé coupable d'avoir commandité l'agression à l'acide du proviseur du lycée français de Lagos (Nigeria) en 2010.
"C'est pas moi", s'est écrié en larmes Slimane Salhi, 41 ans, à l'énoncé de sa condamnation pour "complicité" de violences volontaires aggravées. "Vous avez monté ça contre moi. J'espère que vous êtes heureuse", a-t-il alors lancé à l'adresse de la victime et de son épouse.
La cour est allée au-delà des réquisitions de l'avocat général Grégory Leroy, qui avait réclamé une peine de huit ans de prison. L'accusé encourait 15 ans de réclusion criminelle. L'avocat de la défense, Me Franck Berton, qui avait plaidé l'acquittement, a laissé entendre qu'il pourrait faire appel.
"Aujourd'hui, on n'a pas la vérité mais on a une vérité judiciaire et mon client continue de crier son innocence", a-t-il poursuivi. "Ce procès complexe nous plonge dans la vie de ce lycée français à Lagos, dans ce huis clos suffocant", avait déclaré l'avocat général lors de ses réquisitions.
Originaire de Roubaix (Nord), Slimane Salhi, enseignait les lettres et la philosophie au lycée français Louis-Pasteur de Lagos. Le 19 novembre 2010, vers 16H45, un inconnu s'y présente et jette un verre d'acide au visage du proviseur avant de prendre la fuite.
Brûlé sur la moitié du visage, Pascal Meyer, originaire de l'Yonne, perd l'usage d'un oeil. "En 2009, à l'arrivée de M. Meyer à la tête de l'établissement, un homme intègre, droit, honnête, M. Salhi, qui est fourbe, sournois et déloyal, sent que le vent va tourner.
Deux mois après, il est convoqué pour mettre fin à ses activités commerciales dans le lycée et à ses prêts d'argent", a déclaré l'avocat général. Quelques mois plus tard, M. Salhi se voit retirer les plaques d'immatriculation diplomatiques avec lesquelles il roulait indûment. Le proviseur lui signifie qu'il émet un avis négatif à la reconduction de son contrat de professeur
. "Cela remet en cause sa position sociale, il y a une perte de revenus mais aussi une perte de considération et cela le ronge comme de l'acide", avait dit le magistrat. Agression commanditée L'agression aurait été commanditée, selon l'accusation, pour 50.000 nairas (soit environ 250 euros) par l'enseignant à un Nigérian.
Ce dernier n'a pas pu être identifié. M. Salhi, qui était à l'époque des faits en conflit avec une partie du personnel du lycée, a dit n'avoir "aucune animosité" envers la victime. L'avocat de la défense, Me Berton avait dénoncé dans sa plaidoirie une accusation dont la "pierre angulaire" est une confidence supposée de M. Salhi.
Une ancienne collègue et amie de l'accusé avait témoigné avoir reçu les aveux de M. Salhi, qui lui aurait confié fin novembre 2010 avoir fait "une connerie", et dit que l'acide devait toucher uniquement les jambes de la victime. L'enseignant a réfuté avoir tenu de tels propos.
Mais cette amie joue, selon Me Berton, un "double jeu" et "veut se sauver", étant elle-même impliquée avec M. Salhi dans un jet d'acide sur la voiture de la victime quelques jours avant les faits. L'accusé avait assuré qu'il s'agissait alors d'"une blague de potache".
De son côté, l'avocat de la partie civile, Me Stéphane Maître, avait exprimé sa "conviction qu'on a voulu faire tomber la stature du proviseur". "Pour cela, on le fait vitrioler", avait-il dit, soulignant que M. Meyer était un "homme de coeur", qui a mis en place une protection sociale pour le personnel nigérian du lycée de Lagos.
A l'issue du procès, M. Meyer s'est dit "sincèrement triste". "Le mercantilisme et la cupidité d'un homme ont gâché une partie de sa vie et une partie de la mienne", a ajouté l'homme, portant un large chapeau noir.