POURQUOI LA GRANDE MOSQUÉE MOURIDE DE THIÈS SUSCITE-T-ELLE TANT DE CONVOITISES ?
Il a fallu l’intervention de la police à coups de grenades lacrymogènes pour éviter de justesse le pire ce dimanche 12 août à la Grande Mosquée mouride de Thiès où avait éclaté une vive tension

« Faut-il proposer à la communauté mouride de Thiès un autre guide du vivant du représentant du Khalife général des Mourides, Serigne Saliou Touré, aujourd’hui malade, vieux, très âgé et qui n’a plus la capacité de se déplacer pour régler les problèmes sociaux ? Faut-il le remplacer » ? Ce sont là les interrogations émanant de nombre de Thiessois suite aux violentes échauffourées survenues à la mosquée mouride de Thiès (lire notre édition d’hier). Des échauffourées nées de la tentative d’installation d’un certain Fallou Ndiaye comme « consul » chargé de gérer les affaires courantes de la communauté mouride à Thiès et imam de la grande Mosquée Mouride communément appelée Diakay Mouride. Ce en lieu et place de Serigne Saliou Touré dont l’âge très avancé ne lui permet plus d’exercer cette charge. Un problème qui n’est pas près de connaitre son épilogue.
Il a fallu l’intervention de la police à coups de grenades lacrymogènes pour éviter de justesse le pire ce dimanche 12 août à la Grande Mosquée mouride de Thiès où avait éclaté une vive tension. La pomme de discorde résulterait de l’imamat de la mosquée, question qui avait même suscité une altercation le jour de la Korité entre les fils du représentant du Khalife général des Mourides, Serigne Saliou Touré. Au point de nécessiter l’intervention du préfet pour calmer le jeu. Et c’est pour éviter un conflit aux conséquences dramatiques, nous dit-on, que des « sages » sont allés saisir de la question le Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, à Touba. Après cette sollicitation, le Khalife a dépêché ce week-end un émissaire, Serigne Moustapha Abdou Lakrame, pour signifier aux talibés l’installation de Serigne Fallou Ndiaye (celui-là même qui avait dirigé la délégation des « sages » qui avait fait le déplacement sur Touba) comme « consul » chargé de gérer les affaires courantes de la communauté mouride à Thiès mais aussi d’occuper les fonctions d’imam de la grande Mosquée Mouride communément appelée Diakay Mouride. Ce en lieu et place de Serigne Saliou Touré dont l’âge très avancé ne lui permet plus d’exercer cette charge. Hélas, c’est l’annonce du nom de Fallou Ndiaye qui a mis le feu aux poudres dans la mosquée, si bien que la rencontre s’est terminée en queue de poisson, dans le tohu-bohu total. Outre des talibés qui tombaient en transes, il y a eu des jets de pierres, des échanges de coups de poings, des fidèles qui tombaient en transes etc. C’est grâce à l’intervention des policiers que l’émissaire de Touba a pu être exfiltré d’une foule déchainée, dans une colère noire. Dans la nuit, le domicile de Fallou Ndiaye, au quartier Médina Fall, aurait été saccagé, de même que celui d’un de ses compagnons, Pr Ibrahima Faye, sis au quartier Grand-Thiès en même temps que le domicile du chargé de la commission d’organisation des journées de«Khassida»de Thiès, KhadimFall, au quartier Nguinth, où la police s’était déployée pour barrer la route aux talibés assaillants qui étaient armés de gourdins et de pierres.
LA GRANDE MOSQUÉE MOURIDE : UN « FONDS DE COMMERCE » JUTEUX
Au lendemain de ces actes de violence, la question qui se pose est celle de savoir pourquoi la Grande mosquée mouride de Thiès fait-elle l’objet de tant de convoitises ? Les Thiessois évoquent d’abord la personnalité de Serigne SaliouTouré, son détachement des choses matérielles de la vie. De ce point de vue, l’homme de Dieu force le respect et l’admiration de tous les Thiessois, autant pour son intégrité, sa piété, son équidistance par rapport à toutes les confréries et même, au-delà, par rapport à toutes les religions. Cela dit, nos interlocuteurs font remarquer que « la Grande Mosquée Mouride de Thiès fait aujourd’hui l’objet de convoitises par rapport surtout aux enjeux qui se profilent à l’horizon ». De ce point de vue, soutiennent-ils,«Thiès reste un bastion électoral à prendre». Et de développer leur thèse : « Après les récentes déclarations du président du parti Rewmi et du conseil départemental de Thiès, Idrissa Seck, et son rapprochement avec la communauté mouride, la Grande Mosquée mouride de Thiès reste un ‘’fonds de commerce politique incontournable’’ ». Et d’indiquer que « tous les politiciens aujourd’hui, de quelque bord qu’ils se situent, convergent vers ce haut lieu du Mouridisme pour s’attacher les bonnes grâces de la communauté mouride ». Sans compter les innombrables avantages matériels et d’influence liés à cette charge. Des interlocuteurs qui déplorent que la confrérie mouride, naguère connue pour son respect du‘’Ndiguel’’,sa discipline, le sérieux de ses talibés, puisse être l’objet de tant de remous, de bagarres
SERIGNE SALIOU TOURÉ : «MALADE, VIEUX, TRÈS ÂGÉ»
Le représentant du Khalife général des Mourides, Serigne Saliou Touré, étant malade et très âgé, n’ayant donc plus la capacité de se déplacer pour régler les problèmes sociaux, les Thiessois se posent la question de savoir : « est ce qu’il faut le remplacer » ? « Est-ce que Touba doit proposer à la communauté mouride de Thiès un autre représentant de son vivant » ? C’est autour des réponses à apporter à ces questions que s’est cristallisée la crise actuelle. Depuis les années 80, lorsqu‘il fut désigné par Serigne Abdou Lahat Mbacké, alors khalife général des Mourides, pour diriger la communauté mouride dans la région de Thiès, Serigne Saliou Touré n’a jamais ménagé son temps, encore moins ses biens ou sa personne à la cause de cette confrérie. Le représentant attitré du Khalife général des Mourides à Thiès n’arrête pas d’exhorter les Dahiras de la fédération des talibés mourides de Thiès au calme, à la discipline, au respect du «Ndiguel» (recommandations du marabout), au travail, à ne jamais répondre aux provocations etc. C’est un homme de Dieu qui n’a cessé de consentir des efforts incommensurables dans la voie du Mouridisme et en direction du « Ndiguel » de l’illustre fondateur du Mouridisme, Khadimoul Rassoul (Rta) qu’il applique à la lettre. Un homme qui, toujours, exhorte les fidèles musulmans à la crainte révérencielle du Créateur de l’Univers, à la lutte quotidienne contre les plaisirs matériels, à l’application des cinq piliers de l’Islam, seuls gages d’une vie future meilleure, à côté du Seigneur. Devenu vieux, malade, incapable d’assurer sa très lourde charge, doit-il continuer à être le représentant du khalife général des Mourides à Thiès ?Oui, répondent ses enfants pour qui cette question ne se pose même pas. Mais apparemment, d’autres fidèles mourides de la capitale du rail ne voient pas les choses de la même façon qu’eux…