CES DAMES AU «FOUR PROFESSIONNEL» ET AU «MOULIN DOMESTIQUE»
En ce mois de ramadan, les femmes sont tiraillées entre leurs devoirs professionnels et leurs obligations familiales - Une double responsabilité qui réduit leur temps de repos dans des familles où les membres se considèrent le plus souvent comme des convi
Une double responsabilité qui réduit leur temps de sommeil et de repos dans des familles où les membres, - à quelques exceptions près-, se considèrent le plus souvent comme des convives. « Le Témoin » a fait 24 tours d’horloge avec des femmes actives…
L’aiguille du réveil, réglée à 4 heures 30 du matin, vient de sonner. Des yeux toujours fermés, Codou Dieng appuie sur un bouton et arrête l’alarme. Les deux mains collées au-dessus de la tête, elle soupire entre deux « thip ». La fatigue de la journée de la veille ne l’a pas encore quittée. Mais elle doit s’armer encore de courage pour se tirer du lit. Il reste encore une semaine à tenir, et bien tenir, pour « retrouver sa vie normale ». « J’appelle la vie normale, les autres mois de ramadan où je dors plus et me repose normal. Et où je fais 9 heures de sommeil par jour », a-t-elle dit alors qu’elle venait à peine d’ouvrir ses yeux et mettre ses pieds à terre. C’est à cette heure très matinale de la journée que démarrent depuis le début du mois de ramadan les journées de la jeune femme. Des journées longues, dures, pénibles, stressantes, angoissantes et encombrantes chez cette jeune femme active qui est sur tous les fronts. Cadre dans une banque, Mme Tall est toujours tiraillée entre ses devoirs professionnels et ses tâches ménagères. Le temps de jeûne impose à cette dernière une course contre la montre. « Chaque jour, est un jour de combat pour moi. Je suis vraiment épuisée.
En temps normal, c’est déjà difficile d’être performante au travail, de s’occuper des enfants et gérer les tâches ménagères, même si j’ai une domestique qui m’aide dans certains travaux. C’est donc plus difficile durant le ramadan où le temps de repos est presque minime », fait-elle savoir. Cela fait en effet un mois qu’elle se lève tous les jours à 4 heures du matin pour aller au lit vers les coups de minuit. Juste 4 heures de sommeil là où elle devait faire 9 heures comme le recommandent les spécialistes de la santé. Que ce soit sur le plan physique comme moral, le mois de ramadan, de l’avis de cette femme, suscite plus de complications chez elle qu’on ne l’imagine. Car, dit-elle, on va devoir remettre à la fois mille choses en ordre.
De 7 heures le matin à 16 heures dans l’après-midi, -donc après 8 heures passées au bureau-, la femme au teint café au lait se rend aussitôt au marché d’à côté pour faire ses courses avant de prendre la route pour arriver à son domicile un peu plus de 20 minutes, « s’il n’y a pas de trafic sur la route », a-t-elle souligné. « Certes je suis une femme active qui a une domestique, mais en pure sénégalaise, je veille personnellement sur ce que mon mari prend comme alimentation. Déjà, il est diabétique et il a un régime personnel à suivre. C’est pourquoi la cuisine prend fin à quelques minutes de la rupture du jeûne ». Cette dame dont les principales activités du mois béni se résument entre le « four professionnel » et le « moulin ménager », subit une pression supplémentaire en cette période durant laquelle elle investit beaucoup plus de temps et d’efforts que d’habitude.
Pressions supplémentaires
Ces dures journées de Codou, c’est le quotidien de presque toutes les femmes en ce mois de dévotion, de partage, d’abstinence et de solidarité. Mois pendant lequel la femme est toujours la première à se lever pour l’entretien de la maison et de la famille et la dernière à se coucher pour un « petit temps de repos ». De la famille qui constitue pourtant un groupe social avec des membres, seule la femme porte le fardeau. Presque tous les autres membres se considèrent comme des convives au sein de cette même famille. « Je n’ai même pas une minute pour prendre soin de moi. Au Sénégal, quand on est mariée, notre statut est réduit à une simple ménagère même si on est femme active. C’est pourquoi du matin au soir, les tâches ménagères ne finissent jamais. On essaie juste et tant bien que mal de gérer mieux notre temps de travail », a expliqué la dame Anita Mbaye qui dit avoir beaucoup de mal à assumer cette double responsabilité pendant le mois de ramadan.
Pour cette femme au foyer et en même temps active, on ne fait donc que retrousser les manches et s’armer davantage de courage dans des familles où le plus souvent la solidarité fait défaut. Tout de même, elle se sent aujourd’hui « soulagée », quand, ditelle, « je pense que seulement quelques jours, pour ne pas dire une semaine, nous séparent de la fête de la Korité, même si je ne peux pas me réjouir du fait que le mois ramadan tire à sa fin ». Bintou Coulibaly semble avoir plus de chance que la dame Codou Dieng. Elle n’a pas engagé une domestique, mais elle a, à côté, « quelqu’un » qui la soutient dans les travaux. Celui- ci se trouve être son époux. Un homme compréhensible qui trouve même ce plaisir à aider sa femme à la maison pendant le mois de ramadan. « Elle n’est pas une femme au foyer. Elle veut aussi garder son autonomie. Nous nous mettons toujours à travailler à deux.
Rien qu’en pensant à mes dures journées passées au bureau, je me dis que cela ne doit être facile pour elle. Je me dis que c’est inélégant de les laisser aussi toutes seules face aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants », a suggéré Pape Kane qui pense qu’il revient à l’homme d’installer un climat d’épanouissement et de bonheur pour le bien-être de sa famille. Seulement toutes les femmes activent n’ont pas cette chance d’avoir à leur côté un homme aussi compréhensible. Certaines, face aux exigences de l’heure, vont devoir supporter un homme compliqué et très exigeant. Enseignante dans une école privée de la place, Mariama Faty, taille svelte, fait toujours appel à son ingéniosité pour une bonne organisation du « Ndogou ». Sinon, « bonjour les dégâts ». Car « il (son mari) s’emporte vite.
Pour un rien, il lève la voix en te grondant devant les enfants voire des invités », se désole cette mère de quatre enfants, tous des garçons. « Dieu ne m’a pas encore gratifié d’une fille. Et pour certaines tâches ménagères, je ne veux pas les confier à des garçons. Sinon cela peut répercuter sur leur avenir. Je me rappelle encore de la production théâtrale intitulée ‘’Azou le Beau’’. Une scène dans laquelle la femme a complètement anéanti la vie de cet enfant qui, pourtant, est issu d’une famille respectueuse et honorable. Donc je fais de mon mieux pour assurer les tâches dans la maison tout en leur inculquant les bonnes valeurs », a tenté de se justifier Mme Faty qui trouve un ruse pour ne pas s’emporter ou se prendre la tête à cause de ce dur labeur. Elles associent donc le courage et les efforts pour répondre aux exigences de la famille durant un mois béni, mais qui n’est pas de tout repos pour les femmes, notamment, celles qui ont des activités professionnelles et souvent très chargées au sein de leur entreprise.