CE PANAFRICANISME-LÀ… NON, MERCI !
EXCLUSIF SENEPLUS - Nous ne devrons pas être des «tirailleurs de BBC», ce comparse de la dernière heure - Pour autant, devrons-nous être les complices de cette reconquête silencieuse et sournoise aux forts relents néo-colonialistes ?
C’est avec beaucoup de perplexité (pour dire le moins) que nous avons pris connaissance de l’article que notre camarade, ami et frère Momar Samb, Secrétaire Général du parti de la Mouvance présidentielle, le RTAS, a publié ces derniers temps dans la presse, sous le titre : «Non, je refuse d’être un « tirailleur» de BBC !»
Sans le citer, Momar prend le parti de défendre M. Aliou Sall (et son clan) dans l’affaire qui défraie la chronique. Cela relève naturellement de son droit d’opinion et d’expression. Son argumentation repose pour l’essentiel sur le principe du «panafricanisme» puisque, note-t-il sur un ton indigné «… L’affaire est annoncée (par BBC) le vendredi et dès le lendemain la machine est mise en branle pour mobiliser les africains contre un autre africain, sans douter le moins du monde, sans mettre en branle notre réflexe panafricaniste. C’est tout de même curieux !... »
Tout d’abord, au plan factuel, il est sidérant de constater que Momar Samb ignore ou méconnait toutes les alertes, toutes les indignations, toutes les investigations, toutes les analyses qui se sont faites jour depuis…. sept longues années, maintenant, lorsque le journaliste Baba Aïdara a levé un coin du voile sur les nébuleux contrats, conventions et autres décrets signés ou pris dans des conditions tout à fait irrégulières.
Momar, penses-tu sincèrement que… c’est ce fameux «vendredi» que tout a commencé ? Les gens n’ont quand même pas attendu la vidéo de BBC pour «mobiliser des Africains contre d’autres Africains» ? Même s’il est vrai que les tenants du régime n’ont senti le sol se dérober sous leurs pieds quand ils ont jusque-là ignoré les «vociférations» d’une opposition «en mal d’audience».
La conférence de presse du président Wade, les remontrances de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, les alertes et autres prises de position des nombreux journalistes, syndicalistes et membres de la Société civile (Birahim Seck et compagnie), les interrogations, dénonciations et études d’Ousmane Sonko qui a consacré tout un livre à la question, les innombrables « QuesTekki » de Mamadou Lamine Diallo, les très nombreux exposés médiatisés et fort documentés du sulfureux et controversé lanceur d’alerte Clédor Sène, les persistants et pathétiques aveux-dénégations-autocritiques de l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, les révélations-confirmations du ministre Thierno Alassane Sall, malgré ses réticences et scrupules du début… Tout cela compte-t-il donc pour rien ? Nous ne pouvons manquer de mentionner ici le professeur Abdoulaye Elimane Kane qui, face à un journaliste de la Radio d’Etat, la RTS, ce dimanche 16 juin, faisant une fois de plus preuve d’une pertinence et d’une indépendance d’esprit remarquables. Honorant ainsi son statut d’intellectuel.
Momar, lui, fait fi de tout cela et ne voit que la vidéo de BBC d’où tout serait parti. Il est vrai que la plupart des intervenants, s’ils ne sont pas de la Société civile (ces «encagoulés»), sont membres de partis de l’opposition. Mais cela leur enlèverait-il leur qualité de citoyens sénégalais ayant voix au chapitre ? Ou alors auraient-ils perdu leur «africanité», chemin faisant, pour cause de lèse-Majesté ?
Au vu de toutes ces prises de position antérieures (rappelons le, durant toutes ces sept années de magistère du président Macky Sall), à quoi peut bien rimer cette tragique et pathétique mise en garde aux accents guerriers : « Africains, soyons prudents, vigilants et regardons, vérifions, enquêtons nous-mêmes ! » ?
Si nous comprenons bien cette façon de voir les choses de Momar (excuses moi de te le dire : tu nous avais habitués à mieux que cela !), les Africains en direction de qui les «panafricanistes» devraient marquer toute leur solidarité, ce sont : lui-même, nous-mêmes, vous le lecteur, le président Macky Sall, son frère Aliou… nous tous habitants de ce vieux continent, berceau de l’humanité, et peut-être de surcroît, nous à la peau noire… Voilà le rempart qui serait notre bouclier, nous mettant tous dans le même… panier !
Une telle conception serait pain béni pour un Omar El Béchir du Soudan, s’il s’avérait, comme tout semble l’indiquer, que ce tyran déchu par son peuple affamé, est aussi le plus grand détourneur de derniers publics et le plus corrompu du siècle.
Pour notre part, nous optons pour le panafricanisme de Nkrumah, pas pour celui de Senghor, chantre d’une « Négritude » hypocrite et ambiguë ; pour le panafricanisme de Cheikh Anta Diop, pas pour celui de Mobutu, théoricien de l’« Authenticité » ; pour le panafricanisme de Lumumba, Ben Bella, Cabral, Nasser, Nyéréré, Sankara, Mandela… pas pour celui de Tschombé, Idy Amin Dada, Bokassa, Moubarak, Omar El Béchir, Paul Biya, Sassou Nguesso …
Pour revenir plus précisément à notre sujet, nous nous contentons de poser ces questions toutes simples : y’a-t-il ou non scandale sur le pétrole présentement dans notre pays ? Tout au moins, y’a-t-il ou non des raisons de s’inquiéter à ce propos ? Ou tout simplement encore : y’a-t-il, oui ou non, de quoi se poser des questions ? Admettons que Momar nous ait indiqué la bonne voie : «Enquêtons par nous-mêmes !» Mais n’est-ce pas ce qu’ont bien fait les éminentes personnalités ci-dessus listées, et bien d’autres encore ?
Après tout cela, chacun peut se faire sa religion sur la question… ou continuer d’enquêter ! Mais pourquoi nous demander de manifester une solidarité «panafricaniste»… automatique ? Ce serait, hélas, pour notre part, au-dessus de notre force. Nous adorons le nationalisme de Mamadou Dia et abhorrons celui de Marine Le Pen.
C’est vrai que beaucoup de nos compatriotes ont fermé les yeux sur la précipitation dont a fait montre notre président de la République qui, dès le lendemain de sa première élection est allé solliciter des subsides à l’Elysée pour pouvoir «payer les salaires des fonctionnaires», n’oubliant pas du même mouvement, d’annuler les accords militaires qui aspiraient à nous rendre un peu de notre souveraineté. On aurait espéré la même promptitude s’agissant de l’accord signé entre l’ancien régime libéral et Pétro-Tim. Il est vrai aussi que bon nombre de nos concitoyens ferment les yeux sur le retour en force de Ecotrans et de Bolloré au port de Dakar, sur le renforcement de Senac et compagnie sur nos routes, autoroutes et stations d’essence, sur l’entrée en force de Auchan, U, Casino et Carrefour dans nos étals de la Médina, de la Gueule Tapée et de nos quartiers de la banlieue, si ce n’est sur l’ensemble du territoire national.
Mais comme tout cela est l’œuvre d’un Africain, alors tous les «panafricanistes» devraient tout simplement se mettre au garde-à-vous et chanter ses louanges. Circulez !... Rien à signaler. N’est-ce pas bizarre, cela, tout de même ?
Tu as raison, camarade, nous ne devrons pas être des «Tirailleurs de BBC», ce comparse de la dernière heure. Pour autant, devrons-nous être les complices de cette reconquête silencieuse et sournoise aux forts relents néo-colonialistes ? Nous faire les porte-voix d’un nationalisme de mauvais aloi ? Nous inviterais-tu, au nom d’un certain «panafricanisme», à fermer les yeux sur la confiscation de notre souveraineté nationale et sur le bradage des ressources naturelles de notre pays ?
Non, merci : en ce qui nous concerne, nous ne voulons pas de ce panafricanisme-là qui permet aux multinationales, quelles qu’elles soient, de faire main basse sur nos richesses nationales au profit d’un clan et aux au détriments du peuple.
Ku béréey daan !