QUAND LE FOOTBALL DÉTRÔNE LA FÊTE DE L’INDÉPENDANCE !
Le temps d’une finale Sénégal Algérie, le peuple sénégalais a réhabilité le patriotisme et la fierté nationale. Aux devantures des maisons comme dans les rues, partout s’agitait le drapeau vert-or-rouge
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Le temps d’une finale Sénégal Algérie, le peuple sénégalais a réhabilité le patriotisme et la fierté nationale. Aux devantures des maisons comme dans les rues, partout s’agitait le drapeau vert-or-rouge. Sans oublier les supporters qui s’étaient fait maquiller, habiller et tatouer aux couleurs nationales. Paradoxalement, même la célébration du 04 avril, date anniversaire de notre accession de la souveraineté nationale, n’a jamais connu un tel engouement patriotique. Qu’est ce justifie cet enthousiasme débordant et délirant autour des « Lions » de la Téranga ? Civisme, patriotisme, fanatisme, passion ? Le colonel Kisma Mamadou Sow, directeur du Service civique national, est sans doute le mieux placé pour répondre à nos questions et faire la part des choses.
A quoi rêvent les foules ? Dans le milieu du sport, le football, en particulier, la réponse est : aux victoires et aux coupes ! La finale opposant le Sénégal à l’Algérie lors de la Coupe d’Afrique des Nations (Can) confirme cela. Le temps d’une finale continentale, la fièvre tricolore (vert-jaune-rouge) s’était emparée du Sénégal tout entier. Dans les foyers comme dans les rues, dans les bureaux, les ateliers, sur les pare-brises où à travers des drapelets pendant sur les rétroviseurs, les couleurs nationales fleurissaient le décor et illuminaient les personnages.
A coups de maquillages, perruques, poudres scintillantes, crèmes de grimage, tatouages, maquillages, les jeunes supporters rivalisaient d’imagination et de créativité en barbouillant les couleurs nationales sur les pavés et bordures de trottoir. Voire sur les troncs d’arbres ou même les poubelles ! Bref, sur l’ensemble du territoire national, le parcours exceptionnel des « Lions » sur les bords du Nil a suscité un engouement populaire jamais vu auparavant. « Football mo bari dollé ! » comme le chantait Youssou Ndour. Cette effervescence permanente aux couleurs de la Nation procédait-elle d’un élan civique ? Le colonel kisma Mamadou Sow, directeur du Service civique national, tente de cerner le phénomène : « Non, ce n’était pas du civisme, mais plutôt de la passion ! Ou si vous voulez du patriotisme. Car, chaque sénégalais souhaiterait voir les Lions remporter le trophée continental » précise d’emblée l’officier supérieur. Et d’expliquer que « le civisme, c’est d’abord le respect que voue le citoyen à la République et à ses symboles dont le drapeau national. Donc, le civisme, on doit le vivre tous les jours.
Par contre, nous avons vu que le peuple sénégalais voire même certains étrangers abusaient positivement et spontanément de l’utilisation des couleurs nationales pour marquer à leur manière un soutien à l’équipe nationale de football, les Lions de la Téranga. On a assisté à un festival des couleurs du drapeau national, le vert le jaune et le rouge. Mais quoi qu’il en soit, les Sénégalais ont montré voire manifesté à travers le football leur élan patriotique dont le seul objectif, c’était la victoire du Sénégal » magnifie le directeur du Service civique national. Le colonel kisma Mamadou Sow profite de l’occasion pour inviter les Sénégalais, et particulièrement les jeunes, à plus de civisme en dehors du domaine du football. « Il est vrai qu’à travers cet engouement populaire autour du football, il y a des actes de civisme très forts que les populations ont posés dans leurs quartiers. Et il est souhaitable que ces actes servent dans tous les secteurs d’intérêt national pour sauvegarder le bien commun » estime le directeur du Service civique national.
La passion du sport ravit la flamme civique
Pavoisés de « vert-jaune-rouge », les quartiers, cités et villages de notre pays, tout en résonnant de cris et klaxons à chaque victoire des Lions, inspire le patriotisme et la fierté nationale. Ce qui laisse croire que, dans le sport, l’euphorie de la victoire ravive la flamme du civisme et du patriotisme en passe d’être éteinte dans nos vies de tous les jours. Pire, cette flamme à la fois patriotique et civique n’illumine plus la fête du 04 avril marquant notre accession à la souveraineté internationale. Jusque dans les années 70 et 80, les veilles de fêtes de l’Indépendance provoquaient un grand sentiment de fierté nationale chez les Sénégalais et particulièrement au niveau des Dakarois. Partout à Dakar, le drapeau sénégalais flottait au-dessus des édifices publics, s’ils n’ornaient pas les façades et balcons des immeubles. Sans oublier les grandes artères où les drapeaux ornaient les terrasses et les vitrines des boutiques, restaurants et autres grandes surfaces. De la zone industrielle et tout le long de la route de Rufisque, les drapeaux « vert-or-rouge » du Sénégal indépendant étaient partout plantés devant les sociétés ainsi que dans les jardins et parkings.
Derrière ces fleurons habillés aux couleurs de la Nation, les chefs d’entreprises manifestaient la fierté de l’industrie sénégalaise. On se souvient de la Sotiba-Simpafric qui se distinguait de par ses très nombreux drapeaux accrochés le long de ses bâtiments et hangars. Aujourd’hui, rien de tout cela ! Seul le football est capable de rhabiller la République pour ne pas dire la Nation en « vert-jaune-rouge ». Comme ce fut le cas lors de la dernière campagne footballistique en date des Lions de la Téranga. Un tel manquement semble pousser le colonel kisma Mamadou Sow à encourager le peuple sénégalais à perpétuer cet élan de civisme observé à l’occasion de la finale de la Can lors des grands rendez-vous du football et qui finalement englobe les sentiments de solidarité, de patriotisme, de citoyenneté, de civilité. « En tout cas, les Sénégalais ont démontré ces derniers jours ce dont ils étaient capables en matière de mobilisation. Restons sur cette lancée pour faire face à l’incivisme dans nos villes, sur les routes, l’occupation irrégulière des espaces, l’insalubrité » conseille le directeur du Service civique national.
Abondant dans le même sens, M. Sellé Diop, délégué du quartier Sud-Stade (Thiés) rappelle que le civisme réfère plutôt au comportement en société, c’est à dire comment l’individu va se respecter les règles collectives « Et ces règles ont pour noms la propreté de la cité, le respect des institutions publiques ou communautaires, le nettoyage des jardins publics etc. Et durant toute la Can au Caire, les Thiessois, à travers la passion de supporter les Lions, ont fait preuve de patriotisme.
Dans cet élan patriotique, les jeunes ont posé quelques actes du civisme en nettoyant et décorant leurs quartiers. C’est encourageant ! Et cela doit continuer en dehors du football » a invité Sellé Diop, chef d’un quartier de la capitale du Rail. Ce qu’il faut retenir en définitive des événements récents, c’est que, le temps d’une Coupe d’Afrique, les Sénégalais ont prouvé que seul le football peut faire réapparaitre leur sentiment patriotique mais aussi leur civisme. Et ce, contrairement aux célébrations du 04 avril ou fête de la souveraineté internationale qui se déroulent généralement de nos jours dans l’indifférence générale !