VIDEOLA DOUANE MALIENNE A-T-ELLE DÉMANTELÉ UN TRAFIC D'OR EFFECTUÉ PAR DES MILITAIRES FRANÇAIS SUR LES ORDRES DE L'ÉLYSÉE ?
Une vidéo partagée des milliers de fois depuis dimanche accuse des militaires français de trafic d'or au Mali. Elle a été filmée au Ghana cet été et montre en réalité la vérification de la qualité du métal doré pour une transaction
Une vidéo postée sur les réseaux sociaux et partagée par des milliers de comptes depuis dimanche 8 septembre accuse des militaires français de trafic d’or au Mali. Voici la description qui accompagne cette vidéo : «La douane du Mali vient, en présence d’observateurs internationaux et de journalistes, de démanteler un trafic d’or effectué par des militaires français qui disaient qu’il transportant des armes (sic). Ces derniers ont déclaré qu’ils le faisaient sur ordre de l’Elysée.»
En cherchant ces mêmes images sur Internet, CheckNews a trouvé d’autres versions de cette même histoire, partagées dès le 19 août, qui accusent des dirigeants africains du Ghana, du Cameroun ou du Congo d’envoyer des caisses d’or africain dans des banques européennes ou occidentales.
Une vidéo filmée au Ghana cet été
CheckNews a analysé les images disponibles sur la vidéo pour en identifier l’origine. Il semblerait que la vidéo ait été tournée au Ghana puisqu’on trouve, dans la main de l’homme à la cravate rouge, un exemplaire du journal ghanéen Business & Financial Times, où il est noté en une : «Yaa Boateng for Cannes SIBI Festival of creativity». Cette information avait été mise en ligne par le journal le 10 juin. On peut donc supposer que la scène a été filmée cet été au Ghana.
Un homme filmé assure qu’il s’agit d’une vérification de marchandise
Nous avons également contacté par e-mail la société Far Trade donc le logo apparaît dans la vidéo. Un homme, qui n’a pas souhaité décliner son identité, nous a ensuite rappelés pour nous dire que «la société Far Trade n’a rien à voir avec cette vidéo», avant de nous décrire la situation. En se basant sur «une source»,dont il n’a pas voulu nous donner l’identité, il indique que la scène a été filmée à Accra, au Ghana, «au début du mois de juillet» et qu’elle montre une vérification de métaux par deux experts.
Il assure que cette vidéo n’a rien à voir avec le «n’importe quoi» qui a pu être raconté sur les réseaux sociaux au sujet des militaires français ou de l’or des dirigeants africains, et qu’il s’agit en réalité d’un contrôle de marchandise tout à fait commun, par deux personnes mandatées pour vérifier la qualité des métaux. A la fin de la vidéo, on peut voir que les deux hommes prennent cinq lingots avec eux pour les vérifier («to make the proof»).
Si notre interlocuteur de la société Far Trade n’a pas souhaité nous dévoiler son identité ou sa source, elle a indiqué un contact au compte Twitter Fake Investigation, qui publie une enquête conjointe avec nos confrères des Observateurs de France 24. Ce contact est René Verrecchia, un avocat italien présent sur la vidéo des lingots avec une cravate rouge.
Il confirme que la vidéo a été filmée au Ghana dans le cadre d’un contrôle de qualité de marchandises, puisqu’il représentait «de potentiels acquéreurs qui souhaitaient se positionner sur l’achat de métaux». Il explique à nos confrères que le logo de Far Trade, visible sur la vidéo, est le fruit du hasard : «Je cherchais un papier pour écrire les noms des intermédiaires, et c’est le premier papier dont je disposais à ce moment. A ma connaissance, l’opération n’a pas abouti. A l’issue de ce contrôle, j’avais conseillé à mes clients de ne pas se positionner, car les documents transmis sur la provenance de cet or ne me semblaient pas cohérents.»
Lors de nos recherches, nous avons découvert un article publié par un site ghanéen à la fin du mois d’août, selon lequel la vidéo correspondrait à «l’arrestation d’un Ghanéen arrêté à l’aéroport international de Kotoka pour avoir tenté de faire passer en contrebande plus de 2 400 kg de lingots d’or vers l’Europe». Le manque d’information précise nous a fait douter de la qualité de cet article. Contactés par CheckNews, ni les douanes, ni l’aéroport de Kotoka ne semblaient être au courant d’une telle saisie.