DE LA SPOLIATION A LA RESTITUTION
Les auteurs du rapport sur la restitution des œuvres africaines, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy ont débattu sur ce sujet avant-hier, jeudi 31 octobre, lors d’un panel organisé dans le cadre des Ateliers de la Pensée de Dakar.
Les auteurs du rapport sur la restitution des œuvres africaines, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy ont débattu sur ce sujet avant-hier, jeudi 31 octobre, lors d’un panel organisé dans le cadre des Ateliers de la Pensée de Dakar. L’historienne et l’universitaire sont revenus sur la dépossession patrimoniale mais aussi sur l’importance des œuvres d’art rapatriées.
L’historienne Bénédicte Savoy et l’universitaire Felwine Sarr sont les auteurs du rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Avant-hier, jeudi 31 octobre, ils sont revenus sur ce sujet de patrimoine africain spolié pendant la colonisation. C’était à l’occasion des Ateliers de la Pensée de Dakar. Bénédicte Savoy qui a axé sa communication sur «Attaques furtives et désarrois fatals, la restitution du patrimoine culturel comme pratique de dévulnérabilisation», a souligné que l’histoire des spoliations artistiques a trop longtemps été écrite par les vainqueurs.
Toutefois, selon elle, «ce n’est pas une fatalité que les vainqueurs écrivent l’histoire car depuis l’antiquité les victimes de spoliations artistiques ont donné des éléments de théorie de la dépossession patrimoniale». «La question difficile pour nous les historiens dans le cas africain et plus généralement dans ce cas de spoliation patrimoniale, c’est de trouver les sources, les traces, la voie des dépossédés mais, il faut faire un effort méthodologique important pour trouver la voie des vaincus», a expliqué Bénédicte Savoy. Elle trouve la raison dans le fait que ce sont ceux qui se sont appropriés les pièces qui ont écrit l’histoire. Dans ses arguments, l’historienne pense que la discussion sur la restitution du patrimoine africain ne doit pas être recommencée depuis le début. Pour cause, précise-telle, «on a des bases théoriques, solides, fortes du point de vue des dépossédés».
Bénédicte Savoy est d’avis que «si on parle de vulnérabilisation et qu’on connecte cette question à celle du patrimoine ou celle des restitutions patrimoniales, on peut dire que la fragilisation ayant été physique, politique et culturelle à l’échelle d’individus, de villes ou d’Etat, la dévulnérabilisation peut intervenir par la restitution parce qu’elle est totale de ses œuvres». Pour sa part, Felwine Sarr a débattu sur «l’Esthétique des traces». En ce sens, il est revenu sur l’importance des objets d’arts rapatriés aux africains. «Nous avons indiqué que ces objets étaient des mondes, des réservoirs d’énergie, des puissances de germination et que certains de ces objets étaient même des sujets animés. Les traces immatérielles sont un plus à l’abri du reste de spoliation. Mais pour autant, ces traces sont minables. Le retour des objets ou les traces immatérielles d’une culture peut dans certains cas restituer nos mondes.
Les autres objets vous proposent une autre fusion de l’univers et du répertoire que les cultures peuvent reféconder», a laissé entendre Felwine Sarr. Il renchérit : «il s’agit à travers la réappropriation des objets du patrimoine d’une entreprise de ressaisissement de soi mais plus que le recouvrement d’une capacité d’une entreprise de restimulation de sa créativité». Aussi ajoutera-t-il, «une vision artistique est nécessaire pour dégager au monde mis en relation des assises qui ne sont pas celles de la colonisation mais celles d’un nouveau degré de conscience planétaire articulé sur sa propre complexité».
Pour Felwine Sarr, «ce qui leur a sauvé, ce sont les traces qui n’ont pas pu être prélevées qu’on retrouve dans les langues, dans les musiques, dans les lieux non matériel et la non matérialité de ces traces a permis la transmission d’un patrimoine culturel».