VIDEOSENGHOR, FAIRE D'UN POÈTE UN PRÉSIDENT
A l'occasion des 60 ans de l'indépendance du Sénégal ce 4 avril, le professeur de littérature et critique Boniface Mongo Mboussa retrace le parcours de son premier président : Léopold Sédar Senghor
A l'occasion des 60 ans de l'indépendance du #Sénégal ce 4 avril, le professeur de littérature et critique Boniface Mongo Mboussa retrace le parcours de son premier président : Léopold Sédar Senghor, entre poésie et politique.
Avec la voix de Christophe Paget. ---
1- Construire un intellectuel
Léopold Sédar Senghor naît le 9 octobre 1906, à Joal, au sud de Dakar, dans une famille sérère bourgeoise. Elève dans diverses congrégations, passionné de littérature, il obtient son bac et une bourse pour étudier en France, où il débarque en 1928. Agrégé de grammaire en 1935, il enseigne à Tours et Saint-Maur ; il fréquente les intellectuels parisiens. Avec le Martiniquais Aimé Césaire et le Guyanais Léon Gontran-Damas, il exprime le concept de négritude. Mobilisé en 1939, captif pendant 20 mois, Senghor s’inspire de cette expérience pour son premier recueil, « Hosties noires ». Son « Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache » est préfacée par Jean-Paul Sartre.
2 - Construire une œuvre
L’œuvre de Senghor est une ode à l’Afrique. Cet éloge valorise l’art nègre, célèbre la femme et la civilisation africaine. Senghor est un poète de la mémoire. Un homme travaillé par la fuite du temps. Le poète se veut Dyali (griot), avec une mission bien précise : glorifier son lignage, ses amis, ses morts, son pays et sa civilisation. "Chants d’Ombre", "Ethiopiques", "Liberté" sont quelques-uns de ses plus célèbres recueils.
3 - Entrer en politique…
et en sortir Senghor a toujours dit qu’il était tombé en politique. Il ne mentait pas. La politique l’a rattrapé au pays en 1945, alors qu’il était venu collecter la poésie orale sérère pour sa thèse. Sollicité avec insistance par son aîné Lamine Gueye de la SFIO, il devient député à l’Assemblée nationale française. Réélu en 1951, il sera notamment secrétaire d’Etat dans le gouvernement d’Edgar Faure. Le 5 septembre 1960, il est élu président du Sénégal naissant, dont il écrit l’hymne national. Il sera réélu à la tête du pays jusqu’à sa démission le 3 décembre 1980, au profit de son dauphin Abdou Diouf.
4- Présider pendant l’année, être poète l’été
Senghor a dirigé son pays en professeur, avec méthode et esprit d’organisation. Pendant la saison scolaire, il est président au Sénégal ; en été, il est poète en Normandie, patrie de sa seconde épouse, Colette Hubert. Pour Senghor, « interpréter poétiquement le monde » ne s’oppose pas à le « changer » politiquement. D’où ce beau titre, Poésie de l’action, qu’il donne à son autobiographie parue en 1980.
5- Défendre les mêmes valeurs
Dans sa poésie, Senghor célèbre sa terre natale, la fraternité, la mémoire, l’honneur, la bravoure. En politique, il prône un digne enracinement tout en s’ouvrant au monde, à la France. D’où la francophonie. On le lui a reproché. C’était oublier son sens de la fidélité. Il savait ce qu’il devait à la France, à ses professeurs de Louis-Le-Grand, à Paris. Dans le conflit qui l’oppose, en 1962, au président du Conseil Mamadou Dia, Senghor agit là aussi avec bravoure et sang-froid, saisissant l’opportunité pour écarter celui qui commençait à lui faire de l’ombre.
6- Devenir immortel !
Poète-président, Senghor ne fut pas l’un sans l’autre. Il a assumé avec rigueur et dignité ses deux fonctions. Mais dès 1979, à la question : « S'il fallait choisir, que voudriez-vous sauver de votre triple vie d'homme politique, de professeur et de poète ? », Senghor répond : « Mes poèmes, c'est là l'essentiel. » Son élection à l’Académie française, en 1983, lui donnera raison.