LA TROUVAILLE DE MACKY POUR «MINIMISER» LES CONFLITS FONCIERS
Le président de la République, Macky Sall, a signé le 16 septembre 2020, le décret n°2020-1773 modifiant le décret n°72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national.
Le président de la République, Macky Sall, a signé le 16 septembre 2020, le décret n°2020-1773 modifiant le décret n°72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national. Désormais, le Conseil municipal n’a plus la prérogative d’affecter ou de désaffecter des terres sans l’approbation de l’autorité administrative locale. Une décision qui est fortement appréciée par les experts et autorités administratives qui estiment que cette mesure permettra de sécuriser le foncier, au regard de la récurrence des conflits qui interviennent dans le domaine de la gouvernance foncière ces derniers temps.
AFFECTATION ET DESAFFECTATION DES TERRES DE CULTURE : L’Etat donne la tête et retire la langue aux maires
Contrairement au anciennes Communautés rurales dont les délibérations du Conseils ruraux suffisaient, à un moment donné, pour disposer ou être dépossédé de terres dans le monde rural, pour les municipalités, les décisions des Conseils municipaux affectant ou désaffectant des terres à des tiers sont désormais soumises à l’approbation de l’autorité administrative locale (sous-préfet, préfet ou gouverneur, selon la superficie). Le président de la République, Macky Sall, en a décidé ainsi, à travers un décret signé le 16 septembre dernier. Histoire de couper court aux conflits fonciers récurrents, plusieurs mois après avoir rangé dans les tiroirs le rapport et les recommandations de la Commission sur la réforme foncière qu’il a lui-même commandités. Le décret n°2020-1773 modifiant le décret n°72-1288 su 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national, dispose : «Article premier : Les dispositions de l’article 2 du décret n°72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national comprises dans les communes sont modifiées ainsi qu’il suit : ‘’Article 2 : Les terres de culture et de défrichement sont affectées par délibération du Conseil municipal. Cette délibération n’est exécutoire qu’après avoir été approuvée soit par le sous-préfet, soit par le préfet de département territorialement compétent lorsque la superficie objet d’une délibération ne dépasse dix (10) hectares.
Toutefois, dès que la superficie est comprise entre dix (10) et cinquante (50) hectares, seul le préfet du département dans lequel est géographiquement localisée l’assiette, approuve la délibération. Au-delà de cinquante (50) hectares, la délibération ne peut être approuvée que par le gouverneur de région territorialement compétent, par acte réglementaire enregistré au niveau du Secrétariat général du gouvernement’’.» Le texte, en son article 2, précise que «Le ministre de l’Intérieur, le ministre des Finances et du Budget et le ministre des Collectivités territoriales, du Développement et de l’Aménagement des territoires sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel».
ADAMA DIOUF, EXPERT EN DEVELOPPEMENT TERRITORIAL, GOUVERNANCE POLITIQUE ET FORMATION : «En segmentant les autorités… on peut minimiser les conflits dans la gouvernance foncière»
«Il faut remettre les choses dans leur contexte. La Collectivité territoriale est un démembrement de l’Etat. A ce titre, les compétences sont partagées en l’espèce. A cet égard, l’Etat a effectivement le droit et c’est pertinent de prendre un décret qui modifie l’objet de délibération d’un Conseil municipal. Ça c’est statutaire et c’est normal. Maintenant, il faut juste rappeler sur quoi porte la modification. L’article 2 du décret n°72-1288 du 27 octobre 1972 donnait pouvoir au préfet du département d’approuver les délibérations du Conseil rural. Parce qu’en 1972, c’était l’avènement des communautés rurales. Donc, l’actuel décret doit modifier conceptuellement cette notion de Conseil rural qui n’existe plus avec l’avènement de l’Acte 3 de la Décentralisation, toutes les collectivités sont devenues communes. Le premier élément de modification est que ce n’est plus le Conseil rural qui délibère mais c’est plutôt le Conseil municipal. En outre, en 1972, seul le préfet était compétent pour approuver les délibérations du Conseil rural. Maintenant, le décret n°2020- 1773 du 16 septembre 2020 apporte une nouveauté en segmentant l’autorité compétente dédiée à l’approbation pour des soucis de contrôle de proximité, de situation des responsabilités.
Le sous-préfet ne peut délibérer maintenant que sur des étendues ne dépassant pas 10 hectares. Et le gouverneur, pour des soucis d’envergure, une étendue de surface qui ne peut pas dépasser 50 hectares. Et c’est assujetti à une condition, si le gouverneur approuve, cette approbation est enregistrée au niveau du Secrétariat général du gouvernement. Et c’est très important, parce que les conflits fonciers sont devenus très récurrents et de diverses manières. Je pense, en segmentant les autorités qui interviennent dans ce schéma, on a toutes les chances de minimiser, pour ne pas dire d’anéantir, les conflits dans la gouvernance foncière», a relevé Adama Diouf, expert en Développement territorial et Formateur, sur les ondes de la Rfm. Et de renchérir : «on peut imaginer que cette modification est due aux conflits récurrents, multiformes qui interviennent ces derniers temps dans la gouvernance foncière. Et les responsabilités sont partagées. Parce qu’en réalité, si le Conseil municipal délibère une parcelle de terrain, les terres de culture, cette délibération est assujettie à des enquêtes préalables par les services dédiés de l’Etat.
Cette délibération va au niveau du représentant de l’Etat qui approuve. C’est pourquoi, je pense que le chef de l’Etat a le droit de siffler la fin de la récréation et mettre un décret qui, de mon point de vue, va cibler les responsables, dont l’avantage de sécuriser le foncier. Je dois ajouter juste que le titre foncier signifie la pleine propriété, c’est différent d’une allocation de courte durée dans les zones disposant d’un plan d’urbanisme. Je pense que le chef de l’Etat, en prenant ce décret, a un objectif très précis : c’est de sécuriser le foncier. L’article 2 du domaine national (loi n°) 64-17 dit bien que c’est l’Etat qui est détenteur de la terre. A cet effet, le chef de l’Etat a l’obligation de veiller à ce que le droit d’usage soit protégé».