DÉCÈS D'AL FARUQ, UN JEUNE SLAMEUR QUI A MARQUÉ LES ESPRITS
Une flopée d’hommages a maquillé les réseaux sociaux, mardi, à l’annonce du brusque décès d'Abdourahmane Dabo. Le jeune artiste slameur n’a pourtant eu que 4 années de carrière au cours desquelles il a étoffé un beau palmarès

Une flopée d’hommages a maquillé les réseaux sociaux, hier mardi, à l’annonce du brusque décès de Abdourahmane Dabo alias «Al Faruq». Le jeune artiste slameur n’a pourtant eu que 4 années de carrière au cours desquelles il a étoffé un beau palmarès, marqué les esprits et conquis les cœurs.
En novembre 2018, à travers un post sur son compte officiel Twitter, le chef de l’État publiait le sacre du Sénégal au tout premier championnat d’Afrique de slam poésie, organisé au Tchad. Le président de la République félicitait «la performance de Abdourahmane Dabo» et voyait en sa «belle victoire» une consécration des jeunes talents sénégalais. Macky Sall et ce triomphe continental venaient de marquer le nom moins réputé d’un jeune homme qui vêtait déjà la toison de coqueluche dans l’univers slam du Sénégal. C’est pourtant un an plus tôt seulement que Al Farùq, de son nom d’artiste, avait fait ses débuts, avec son premier spectacle à la Place du Souvenir africain à Dakar, avec le collectif «Parlons Poésie».
Mais comme pour le destin des belles fleurs, Al Farùq et sa carrière n’auront pas longue. C’est hier matin, mardi, que le slameur a rendu l’âme. La consternation a été la chose la mieux partagée dans le milieu artistique et chez ses amis, sonnés par la brutalité de la funeste nouvelle. Son trait ingénieux et son fonds spirituel avaient amené le champion sénégalais de slam (avril 2018) à choisir le surnom saisissant d’Al Faruq, nom arabe qui identifie celui qui discerne le vrai du faux. «Cela définit aussi ma démarche artistique qui revient à retranscrire en slam la vérité de mon cœur sans être sourd à celle des autres, celle de la nature», nous expliquait le jeune homme, la vingtaine, membre du prestigieux «Club des amis du livre». Cette intelligence sensible, celui qui se fait également appeler «Slamory Touré» l’a cultivée dès son enfance, en sa Casamance natale.
Ses premiers écrits sont d’abord faits de psittacisme, et souvent de douce révolte. Il a voulu au début écrire comme Senghor, Char et Césaire. Ensuite, il finit par se révolter, et par se récolter comme il le disait lui-même et de semer son premier recueil de poèmes, «Déluge de l’esprit», en 2015. Il n’était pas encore question de slam, surtout avec son caractère de garçon introverti et réservé. Mais son engagement dans les mouvements associatifs parascolaires au Lycée Ahoune Sané de Bignona et au Lycée Moderne de Rufisque va essentiellement forger sa personnalité de rhéteur. Il n’était d’ailleurs pas question de partager ses poèmes, jusqu’à ce qu’il découvre le slam.
Très ancré dans ses racines casamançaises, le cofondateur de «Parlons poésie» s’inspire principalement du patrimoine culturel de son patelin, convoque les images et adages des chansons initiatiques des circoncis et puise au répertoire oral mandingue. L’assistant en Business management visitait tous les thèmes et sujets qui pouvaient embrasser ses ressentis, son intérêt et sa curiosité. Abdourahmane Dabo avait écourté ses études de géographe ruraliste en Master, à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. C’est aussi dans cette ville qu’il a découvert le slam, à travers les itinérances «Poètes en vadrouille». Il dirigeait, récemment, une boîte qui offre des services de voix-off, de rédaction publicitaire, de cinéma et d’écriture plaisante.
En 2019, il collabore avec l’Uemoa en animant des ateliers d’écriture et pour monter un spectacle pour des enfants de huit pays venus partager leurs rêves pour l’Afrique. Il initiera également un atelier qu’on pourrait dire de rééducation pour les pupilles de la Nation, qui ont perdu leurs parents dans le naufrage du bateau «Le Joola». Cela a d’ailleurs fait l’objet d’un de ses dernières publications sur son profil Facebook. Al Faruq devait représenter le Sénégal à la Coupe du monde de slam, à Paris, du 18 au 24 mai dernier, un événement compromis par la pandémie.