«LA FORCE ET LE CHARME DE LA CULTURE DU WALO RESIDENT DANS SA DIVERSITE»
Mustafa Naham, auteur-compositeur, est initiateur du «Dialawaly festival de Dagana» qui se tiendra les 23, 24 et 25 juillet de cette année à Dagana, sa ville natale, il a piqué le virus de la musique dès son plus jeune âge.
Mustafa Naham, chanteur et compositeur sénégalais basé en France depuis quelques années, compose la guitare en bandoulière. Initiateur du «Dialawaly festival de Dagana» qui se tiendra les 23, 24 et 25 juillet de cette année à Dagana, sa ville natale, il a piqué le virus de la musique dès son plus jeune âge. A 13 ans déjà, il écrivait des textes et chantait avec brio, était bercé par Ismaïla Lô, Baba Maal, Omar Pène, Youssou Ndour, Thione Seck, Les frères Guissé et inspiré par ses amis. Avec Le Quotidien, il nous plonge dans son royaume d’enfance, Dagana, où va se tenir cet évènement et qui se veut être le lieu de rassemblement de toutes les cultures du Walo. Des spectacles sont prévus pour cette 3ème édition afin de rendre visible la diversité culturelle dont regorge sa ville, en valorisant la culture du Walo et en montrant à la face du monde la spécificité de chacune d’elles.
C’est quoi «Dialawaly festival de Dagana» ?
Dialawaly, si on parle du nom, est lié à l’histoire de la localité de Dagana, le Walo. Tout le monde parle de Nder. Nder, ce sont des femmes qui se sont immolées parce qu’elles ne voulaient pas être des esclaves des Maures. Mais au fond Nder est une défaite, même si à la fin sont sorties des héroïnes dans l’histoire du Sénégal. Après, il y a eu l’histoire de Dialawaly. Qui est un lieu où il y a une victoire des Walo-Walo sur les Peuls. Donc naturellement mes amis et moi, avec l’association qui est devenue Dialawaly, avons eu l’idée. Et j’étais très trempé par ce nom très symbolique. Aussi l’équipe de football l’Asc Dagana, on l’appelait à l’époque Dialawaly. Donc, ça s’est marqué à l’esprit pour toujours. Et c’est naturellement que j’ai voulu que ce festival s’appelle «Dialawaly festival de Dagana». Un festival dont la spécificité est de montrer toutes les facettes des ethnies qui se partagent une même localité, Dagana (les Maures, les Peuls, les Wolofs, les Bambados). C’est aussi une journée pour le festival qui est dédiée à la musique traditionnelle et qui montre toute la particularité de Dagana. Il y a aussi les chanteurs de hiphop qui ont une journée spéciale dénommée Dialawaly hip-hop où slameurs, spécialistes du graffiti et rappeurs se retrouvent pendant toute la journée pour égayer la population. Et enfin, il y a une journée dédiée à la musique moderne.
Comment est né «Dialawaly festival de Dagana» ?
En tant qu’artiste hors du pays, j’ai la chance de faire des festivals. J’ai eu aussi l’opportunité d’organiser dans le cadre d’une structure qui s’appelle «Only french» et où on arrivait à organiser un festival qui se fait à Paris. Et avec l’apport de mon producteur, on l’a amené au Sénégal pendant plusieurs années. C’est avec l’expérience que je me suis dit qu’il était temps d’organiser quelque chose chez moi au Sénégal. Mais où exactement ? Chez moi à Dagana forcément. Ainsi est né le festival que je voulais petit en tant que festival. Mais on voit qu’il grandit, prend son envol et tout le monde l’attend dans la localité. Avec ce festival, j’ai eu la chance d’aider pas mal de mes amis artistes sénégalais à jouer, mais aussi pour qu’ils aient une date à Paris. Parce que quand ils jouent au Sénégal, l’artiste sénégalais ou les artistes retenus sont invités à faire le spectacle, l’édition suivante à Paris, dans une super belle salle.
Quelles sont les grandes lignes du programme de cet évènement ?
C’est surtout ces trois jours où il y aura une journée hiphop, la musique traditionnelle qui prend sa place et qui est la spécificité du festival, et enfin la musique moderne. Maintenant, la particularité de cette année est qu’on va initier une caravane où la reine Ndatté Yalla est sur sa calèche, le roi sur son cheval et toute la troupe royale derrière, avec les percussions et l’accoutrement qu’il faut pour faire le tour de la ville. On l’appelle cette année «caravane», mais à l’avenir, ça va être un vrai «carnaval». Et c’est cela le but, faire le tour de la ville en montrant le Walo d’il y a très longtemps, le Walo en tant que royaume parce que dans l’histoire on dit «tey la Walo wayé ay reew lawoon». Cela veut dire que le «Walo était un Etat ; comment ça fonctionnait, tout cela...» Mais l’avantage que l’on a pour que toute la ville en profite, c’est de faire un carnaval où l’on peut faire son tour pendant toute une journée. Et cela va être un programme spécial collé au festival, comme si c’était labélisé par le festival et géré par une entité dans le festival. Mais pour le moment, on a fait une caravane pour faire l’esquisse cette année. Et dans les réseaux sociaux, les gens verront que ça va être extraordinaire. Et je pense que c’est l’avenir du festival. Et puis, il y aura l’orchestre Gouneyi de Saint-Louis, de la localité et sans oublier Khalifa Mbodj, un jeune de Dagana, originaire de Saint-Louis et vivant à Dakar et moi-même, Mustafa Naham. D’ailleurs c’est une opportunité pour moi de jouer à Dagana pour que mes parents puissent découvrir ce que je fais.
Vous dites que le festival commence à prendre son envol. Alors, que peut-on attendre de cette 3ème édition ?
Oui, déjà la surprise c’est la caravane. Par exemple, elle ne faisait pas partie de nos projets. La surprise, c’est d’allier l’utile à l’agréable en parlant du reboisement, de l’investissement humain qui se fera parce qu’on ne va pas continuer éternellement à ne faire que jouer, chanter et égayer la population pour trois jours et ensuite partir. Il faut qu’on essaye de contribuer au rayonnement de la ville. Quand je vois l’avenue Bourguiba, il y avait de beaux arbres et je vois aujourd’hui que c’est démoli. Je me dis il y a un problème. Les gens ne comprennent pas, parce que si on est dans un pays désertique et surtout le Nord du Sénégal, si on ne fait pas de reboisement mais, mon Dieu, nous sommes condamnés à vivre l’enfer sur terre. Et c’est à nous humains de poser des actes, pas simplement de construire des bâtiments ou de faire des routes sans arrêt, mais créer de la verdure. La verdure ne viendra pas comme ça. C’est à l’humain de le faire et c’est possible. Et nous, c’est ce qu’on va faire. Notre idée est de primer tous ceux qui, pendant un an, ont pu préserver et entretenir l’arbre planté par le festival à hauteur de 50 mille francs Cfa par famille. Une façon naturelle de préserver l’arbre, sans pour autant qu’on fatigue qui que ce soit. C’est un projet à long terme et on va y arriver.
Vous parlez de valorisation de la culture Walo. Est-ce bien cela ?
Oui, déjà c’est la chance qu’ont les Walo-Walo. Tu vas me dire que c’est ce que nous sommes, les Sénégalais. Mais le Walo, moi en tant qu’artiste, je me rends compte que là où j’ai grandi il y a les Peuls qui ont leur propre culture et qui n’a rien à avoir avec celle des Wolofs. Les Maures aussi, c’est la même chose. Et toutes ces particularités font la force, le charme du festival. Et c’est cela également la force de la culture du Walo-Walo.
Pourquoi le choix de Woz Kali comme parrain de cette 3ème édition ?
La deuxième édition, c’était Yoro Ndiaye qui s’était déplacé avec son groupe et qui avait égayé toute la population de Dagana. Il a fait une carrière magnifique que tout le monde doit valoriser. Et je pense que Woz Kali, c’est pareil. En tant que Walo-Walo de Rosso, il a une part énorme dans le festival. Donc c’est l’occasion de l’amener à Dagana, la terre de ses origines. On a vécu ensemble en France. C’est un immense talent. C’est quelqu’un qui a fait une super belle carrière. Et c’est l’occasion de leur rendre hommage en leur disant venez jouer. C’est vrai, mais dans le festival on va faire comprendre aux gens que c’est vous qui êtes le parrain de cet édition. C’est pour vous rendre honneur. C’est juste rendre à césar ce qui lui appartient.
Qui avez-vous comme partenaires pour cette édition ?
Bon, concernant les partenaires je ne vais pas vous cacher. Les festivals au Sénégal ont souvent des soucis pour avoir un partenaire ou un sponsor. Dès le départ, on ne s’est pas basé sur des sponsors. Moi qui ai eu l’initiative, je ne me suis pas basé sur un sponsor. J’ai cherché par mes maigres moyens, en plus de mes amis en tant que mécène parce que ce sont eux qui font surtout les festivals. Le sponsor, s’il ne trouve pas son compte, ne vient pas. Mais le mécène, il croit au projet, il t’apporte son soutien financier et matériel. Et c’est comme cela qu’on a commencé le festival. C’est à partir de cette année qu’on a eu le contact avec l’Agence sénégalaise de promotion touristique (Aspt), la direction des Arts, entres autres. Mais jusqu’ici, c’est juste des contacts noués pour le futur parce qu’ils ont compris que le festival grandit. Et qu’un festival qui se développe ne doit pas éternellement se baser sur 2 ou 3 personnes financièrement. Jusqu’ici, c’est la mairie de Dagana qui nous apporte son soutien matériellement. Mais il y a les mécènes, mes amis, mon entourage et moi en tant qu’initiateur. Je les fatigue à longueur de journée pour qu’ils participent au rayonnement de ce projet.
Un message ?
Dire à mes frères et sœurs Walo-Walo que ce festival n’appartient pas à Mustafa Naham ou à un membre de l’Association Dialawaly, mais à toute la population du Walo. Que personne n’hésite à venir apporter son soutien, se joindre à nous et contribuer au rayonnement de ce festival parce que c’est pour le bien du Walo, de Dagana. Ce sont des étrangers qui viennent avec leurs moyens investir dans la localité. Dagana est une ville touristique. Et ce sont des gens qui découvrent la ville. Donc autant de choses qui me poussent à dire que ce festival a besoin du soutien de tout un chacun parce qu’il a déjà pris son envol et a juste besoin d’être épaulé pour être comme tous les autres festivals.