LE RIZ DE PLATEAU TRACE SON SILLON DANS LE BASSIN ARACHIDIER
Installer la culture du riz dans les mœurs agricoles dans une zone où l’arachide est encore roi. C’est l’ambition du gouvernement du Sénégal dans le cadre de son programme de souveraineté alimentaire

Installer la culture du riz dans les mœurs agricoles dans une zone où l’arachide est encore roi. C’est l’ambition du Gouvernement du Sénégal dans le cadre de son programme de souveraineté alimentaire. Dans la région de Kaffrine, des producteurs s’y essaient avec plus ou moins de bonheur.
Au bout d’un chemin vicinal ceint par de hautes herbes et des champs épanouis de maïs et de mil que surplombent des arbres géants par-ci, par-là, une petite exploitation rizicole d’une superficie d’un hectare et demi fleurit à côté d’un champ d’arachide. Pas de bas-fonds ni de terres inondées ; les touffes de feuilles étroites et dressées d’un vert clair poussent sur une terre moite. Les cultures, de la variété Nerica 8, sont au stade R1. Le propriétaire, Elhadji Babou Dieng, a procédé aux semis le 11 juillet dernier dans cette écologie de plateau située dans le village de Bouchra, à deux kilomètres de la commune de Ndiognick, département de Birkilane, région de Kaffrine.
Zone arachidière par excellence, le bassin arachidier, constitué des régions de Kaolack, de Kaffrine et de Fatick, renferme un potentiel rizicole très peu exploité jusque-là. Mais, avec les stratégies du Gouvernement appuyées, dans un passé récent, par ses partenaires, comme le Japon, dans le cadre du Projet d’appui à la production durable du riz pluvial dans le bassin arachidier (Prip) 2015-2019, la culture du riz est en train de se faire, petit à petit, une place à côté de l’arachide et du mil.
Cette diversification agricole vise à transformer le bassin arachidier en zone agricole conformément au souhait du Président de la République, selon le Ministre de l’Agriculture et de l’Équipement rural, Moussa Baldé, jeudi dernier, à l’issue de sa visite à Ndiognick. « Avec ce que nous avons vu ici, on peut dire que le Sine-Saloum n’est plus seulement un bassin arachidier, mais un bassin agricole pour toutes les spéculations. Ici, on peut sauter d’un champ de riz à un champ de maïs et d’un champ de mil à un champ de niébé. Cela prouve que la souveraineté alimentaire du Sénégal peut être très rapidement atteinte avec la région de Kaffrine puisque partout, on peut maintenant faire du riz, alterner avec l’arachide, du mil, du maïs, du niébé », s’est-il réjoui. Non sans féliciter les producteurs de la région pour leur engagement ainsi que l’administration territoriale, le Directeur régional du Développement rural et toute son équipe pour avoir fait en sorte que la mise en place des intrants soit optimale. Le Ministre est d’avis qu’avec les emblavures de cette année, la donne va changer et que la souveraineté alimentaire, une priorité pour le Gouvernement, pourra être une réalité au Sénégal.
Diversifier pour bien et mieux se nourrir
Les orientations étant claires, les efforts sur le terrain pour le développement de la culture du riz de plateau commencent à porter leurs fruits, selon les acteurs. Pour eux, l’enjeu est de diversifier les cultures pour ne plus être à la merci des caprices du ciel. Ainsi, il est devenu quasiment rare de voir, dans le Sine-Saloum, des périmètres où ne pousse qu’une seule spéculation. « Je cultive du riz sur un hectare et demi, l’arachide sur 10 hectares, le maïs sur six hectares, le mil sur quatre hectares et aussi du niébé fourrager », confirme Elhadji Babou Dieng. Selon lui, l’époque où l’on estimait que le riz ne pouvait pas pousser dans le Saloum à cause de la salinité des terres ou des pauses pluviométriques est révolue. « Les temps ont changé. Je l’expérimente depuis 2016. Nous avons juste besoin de matériels de récolte et de transformation pour s’y engager davantage », indique ce producteur. En effet, selon lui, l’absence de batteuse est un frein, car ici, les femmes n’ont pas l’habitude de la transformation manuelle du riz comme elles le font avec le mil, par exemple. « Parfois, il faut se rendre jusqu’en Gambie pour la transformation. Si nous avons l’équipement nécessaire, il n’y aucune raison que la culture du riz ne se développe dans le bassin arachidier. Les possibilités existent et on n’a pas besoin de beaucoup d’engrais. Par exemple, pour cette parcelle, je n’ai mis que deux sacs et demi d’urée, plus de l’engrais organique composé de résidus de coques d’arachide. Il n’y a aucun engrais chimique », explique Elhadji Babou Dieng.
Le maire de Ndiognick et nouvellement élu député pour le compte du département de Birkilane, Ndéry Loum, abonde dans le même sens. Il encourage les producteurs à diversifier les cultures parce que c’est la voie vers l’autosuffisance alimentaire.
Le Ministre Moussa Baldé promet le soutien de l’État aux producteurs de la zone en matière d’équipements de récolte et de transformation. Une aide qui serait la bienvenue, d’autant plus que, dans le cadre du programme Projet de valorisation des eaux pour le développement des chaines de valeur (Provale-Cv), 20 hectares de riz sont en cours d’exploitation dans la commune de Ndiognick et 18 hectares à Keur Birame. « On veut manger le riz qu’on cultive comme on mange notre propre mil et maïs. On veut qu’on retrouve, dans chaque famille, au minimum un demi hectare ou un hectare de riz », martèle Elhadji Babou Dieng. Assurément, dans le bassin arachidier, où le potentiel d’emblavure est non négligeable, les gens commencent à prendre conscience de l’importance de cultiver du riz à côté des spéculations traditionnelles. Les techniques de production de cette céréale ayant été assimilées par les producteurs qui s’y intéressent.