TRAQUE AUX BIENS MAL BÂTIS
CONTRÔLE DES OCCUPATIONS IRRÉGULIÈRES À DAKAR
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La Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (Dscos) et l’Inspection générale des bâtiments (Igb) œuvrent pour le respect des normes de construction et d’occupation régulière. Les deux services mènent des opérations conjointes de contrôle des bâtiments en construction et luttent contre les occupations irrégulières. Des constructions ont été démolies et plusieurs chantiers arrêtés par défaut de détention d’un permis d’autorisation de construire.
C’est l’expectative sur le parking du stade Léopold Sédar Senghor, du côté de l’Unité 26 des Parcelles assainies. En ce jeudi 12 décembre, deux pick- up bondés de gendarmes s’immobilisent près d’un ouvrage appartenant apparemment à la Sénégalaise des eaux (Sde) ou à l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas). Garagistes, passants et vendeurs s’interrogent. Le commandant Ndiaye de la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (Dscos) demande à ses hommes de s’approcher. « Vous n’êtes pas en situation de guerre ni d’émeute. Ne répondez pas à la provocation. Nous allons faire ce pour quoi nous sommes là et repartir. C’est clair ? », leur dit-il d’un ton ferme.
Des gendarmes plus jeunes se précipitent. Le visage grave, ils enfilent des gilets noirs et embarquent dans les voitures. Direction : la dénivellation de Grand-Médine, un quartier qui fait face au pont du stade Léopold Sédar Senghor. Sur le trajet, le convoi retient les regards. En moins de 5 minutes, les gendarmes sautent des pick-up. Ils encerclent le bâtiment dont les murs s’élèvent jusqu’à 3 mètres. Les poutres devant annoncent, à travers leur emplacement, les contours de la future charpente. La pelle mécanique entre déjà en action. Elle fonce comme un éléphant, la trompe baissée, et d’un coup, le mur latéral s’écroule. Un nuage de poussière voile les lieux. Des gens accourent, attirés par la curiosité. Les gendarmes isolent le lieu avec un cordon. « Il faut quitter l’endroit », enjoint un gendarme à un homme, probablement un ouvrier qui travaillait dans ce chantier démoli. L’engin ronronne et tournoie. Un autre coup de pelle s’abat. Le second mur cède, faisant apparaître la ferraille qui le soutenait. Quelques mécaniciens se précipitent sur une vieille voiture pour l’isoler. « On leur avait pourtant dit qu’ils devaient tout dégager », crie un gendarme.
La pelle mécanique fait marche arrière et balaie le dernier mur. Tout s’effondre comme un château de cartes. L’investissement dont on ignore l’évaluation est réduit en un tas de gravas. L’opération est terminée à Grand Médine. La foule, de plus en plus compacte, est stupéfaite. Le commandant Ndiaye ne pouvait pas se retirer sans donner des explications. « Ce que nous sommes en train de faire, c’est pour l’intérêt des populations. Il est prévu un important projet de restructuration de Grand Médine avec des routes. C’est ici que seront relogées des familles de Grand Médine », informe-t-il. Une parcelle de la réserve foncière est sauvée. Elle pourra au moins accueillir une des familles de ce quartier. « Il faut vraiment une bonne préservation de ce qui reste comme espace dans cette zone. C’est essentiel pour la restructuration de Grand Médine », souligne Ousmane Mbodj, ingénieur maître d’ouvrage à la Fondation droit à la ville. Le convoi quitte les lieux, laissant les spectateurs aux supputations. A la corniche, sur les flancs de l’hôtel Radisson Blu, des pieux en ciment s’élèvent sur plusieurs mètres. Le propriétaire, bien qu’étant en règle, ne s’est pas conformé à la lettre au document graphique qui lui a été délivré. « Cette construction a été arrêtée, parce que le propriétaire n’a pas respecté les conformités du document graphique approuvé », clarifie le patron de la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (Dscos), Mamadou Diene.
Coup d’arrêt des constructions sur la corniche
Sur les pentes escarpées, un autre promoteur a coulé la superficie de son chantier. Les barres de fer devant servir au moulage des pieux sont fixées. Ici, les travaux sont également à l’arrêt. Des ouvriers se tournent les pouces sous un grand hangar. L’édifice n’a pas de plaque affichant l’autorisation de construction. « Pour ce chantier, ils affirment détenir une autorisation. Mais nous l’avons arrêté en attendant qu’ils nous la montrent », poursuit Mamadou Diene. « Oui, nous avons l’autorisation. Nous allons bientôt vous l’envoyer », rétorque un des responsables du chantier. « Il faut nous la montrer. Ainsi, vous pourrez reprendre vos travaux », indique le directeur sur un ton conciliant. Il n’y a pas de ciblage de telle ou telle personne. La preuve, non loin de là, des ouvriers au visage couvert de ciment affinent des adjonctions de l’hôtel Radisson Blu. Près du rivage, des engins dérivent des blocs de basalte. Nous remontons la pente et longeons la corniche. Des coups de frein ont été parfois donnés aux promoteurs immobiliers. Les uns, pour défaut d’autorisation, les autres, pour expiration du permis. « Vous voyez, c’est Water Fronter de Yérim Seck. Il a le permis. Mais il a expiré. Le permis a une durée de vie de 3 ans. Après, il faut le renouveler », renseigne Mamadou Diene.
Course à la construction sur le littoral
La voiture file. Des villas et des maisons en construction défilent devant nos yeux. Il est à craindre que, dans les années à venir, des immeubles de plusieurs étages ne privent aux Sénégalais, à partir de la corniche, la vue panoramique sur la mer. Une vraie course à la construction sur le littoral est enclenchée. Au rond point des phares, un imposant immeuble s’élève vers le ciel. Du premier au 3ème étage, des ouvriers affinent les rebords des murs. Au 3ème, le coulage se poursuit. Deux ouvriers hissent des sacs de ciment avec l’aide d’une poulie. Au pied du bâtiment, un panneau blanc affiche le permis de construction, la date de délivrance, le maître d’ouvrage. « Le propriétaire de ce bâtiment est en règle. Nous avons fait le contrôle des matériaux ; Les normes sont respectées. Il doit aller jusqu’au 5ème étage. S’il le dépasse, nous serons obligés de le stopper », avertit le directeur de la Surveillance et du contrôle Mamadou Diene.
Sur le flanc droit des Mamelles escarpées, une route éventre les enrochements. Elle descend vers le rivage. Au fur et à mesure que l’on descend, de gros blocs de basalte forment de nouveaux enrochements comme une coulée de lave après une éruption volcanique. Les grues des Caterpillars trouvés sur place reposent tranquillement sur le sol. Conducteurs comme ouvriers attendent l’autorisation pour poursuivre leur opération. Des constructions non conformes aux normes ont été arrêtées. Ces opérations sont menées sur instruction du ministre de l’Habitat, Khoudia Mbaye. « Nous avons reçu des instructions pour mener un contrôle généralisé sur toute l’étendue du pays. Nous avons commencé par la région de Dakar, plus précisément le département de Dakar. Nous avons démarré une opération dénommée « Une semaine, une commune d’arrondissement ». C’est une opération de contrôle généralisé sur toute l’étendue de cette commune d’arrondissement », informe Mamadou Diene. Ces opérations ont été déroulées dans la commune d’arrondissement de Ngor et Almadies entre le 18 et le 22 novembre. Mais il faudra aller plus loin. Sinon, un rideau d’immeubles et de villas verra le jour entre le continent et la mer.