VIRUS MARBURG EN GUINÉE ÉQUATORIALE ET EN TANZANIE, L’OMS PRETE A TESTER DES CANDIDATS VACCINS
La situation dans les deux pays qui ont vu l’émergence de la fièvre, cousine d’Ebola, depuis février est scrutée de près par l’agence onusienne et les autorités nationales.
La situation dans les deux pays qui ont vu l’émergence de la fièvre, cousine d’Ebola, depuis février est scrutée de près par l’agence onusienne et les autorités nationales.
Ce ne sont pour l’instant que deux petits foyers, mais ils sont scrutés de près. En Guinée équatoriale comme en Tanzanie, 9 et 8 cas de fièvres à virus Marburg (MARV) ont été officiellement déclarés depuis février et font l’objet d’une surveillance de tous les instants de la part des autorités sanitaires nationales et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Outre le pouvoir destructeur d’un virus à fièvre hémorragique, cousin d’Ebola, l’émergence de potentielles flambées épidémiques constituent un premier test en conditions réelles pour l’élaboration d’une riposte quasiment en temps réel.
C’est forte des leçons tirées de l’épidémie de fièvre Ebola (2013-2016) et de la pandémie de Covid-19, que l’OMS a lancé, aussitôt passée l’épidémie de Marburg en août 2022 au Ghana le consortium MARVAC. Créée en septembre et pilotée par programme R&D Blueprint de l’agence onusienne, cette nouvelle entité a pour but d’accélérer les recherches en cours sur un vaccin contre le MARV et rassemble tous les acteurs du domaine : scientifiques, industriels, ONG et autorités de santé nationales comme continentales.
Le consortium, qui s’est réuni deux fois depuis la mi-février, travaille à la mise en place la plus rapide possible d’essais cliniques de terrain. L’OMS a indiqué, mercredi 29 mars, que les experts avaient d’ores et déjà pu valider des protocoles d’essais cliniques pour évaluer quatre candidats vaccins.
Terrain
Car les recherches sur la maladie, bien que commencées dès sa découverte en 1967, n’ont pas encore débouché sur l’homologation d’un sérum ni même sur un traitement curatif spécifique. A l’heure actuelle, 28 candidats vaccins sont dans le « pipeline », précisent les membres du MARVAC dans une publication récente de la revue PLOS Pathogens, exploitant toutes « les approches possibles : vaccins multidoses, à dose unique, à action rapide, à vecteur viral vivant atténué, non réplicatif et réplicatif ». Mais aucun de ces produits n’en est au stade du développement industriel et seuls quelques candidats ont passé avec succès les essais de stade 1 testant leur innocuité. L’OMS a précisé lors de son point de presse du 29 mars que le MARVAC tenait à disposition des gouvernements du continent des doses pour des évaluations cliniques de terrain.
« La Guinée équatoriale et la Tanzanie, a expliqué au Monde Afrique l’OMS, envisagent actuellement d’introduire ces phases de recherche dans leur riposte et nous nous préparons à soutenir les autorités nationales pour faciliter le processus si nécessaire. »
L’agence onusienne, qui sait que le sujet de la vaccination et des essais cliniques est sensible sur le continent, particulièrement après la pandémie de Covid où une véritable défiance s’était exprimée, a tenu à préciser que ces activités « s’inscrivent dans une approche collaborative qui place les ministères de la santé et les chercheurs nationaux au cœur de tous les efforts de recherche ». Son patron, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a même tenu à rappeler fin mars qu’« aucun pays ne cédera sa souveraineté à l’OMS », dénonçant les nombreuses « fake news qui circulent sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les médias traditionnels » au sujet de l’accord en cours d’élaboration pour améliorer la capacité de riposte des Etats aux épidémies futures.
« Il faut comprendre que les flambées épidémiques sont des occasions uniques pour permettre l’avancée des recherches sur les vaccins et les traitements qui visent ces fièvres hémorragiques, explique Sylvain Baize, responsable de l’Unité de biologie des infections virales émergentes, spécialiste de la fièvre hémorragique de Lassa. C’est par exemple grâce à l’épidémie de maladie à virus Ebola qui avait frappé l’Afrique de l’Ouest que le vaccin VSV-Ebola avait été homologué en 2015. Les premières publications sur ce vaccin dataient de 2005 et, en 2014, il n’y avait eu que quelques essais cliniques de phase 1. »
Or pour réaliser les essais cliniques de phase 3, qui évaluent l’efficacité des vaccins indispensable à leur homologation avant mise sur le marché, il est nécessaire de recruter des patients volontaires infectés par le virus ciblé. « Nous travaillons actuellement sur un vaccin contre la fièvre de Lassa, illustre Sylvain Baize, dont les résultats de phase 1 qui viennent d’être publiés sont prometteurs. Pour un essai de phase 3 en dehors d’une poussée épidémique qui débouche sur des données statistiquement significatives, il faut recruter 30 000 à 40 000 personnes. »
Défiance sur le continent
En l’absence d’une épidémie d’envergure, un essai clinique de cette taille serait donc très long, très coûteux et même « infaisable », insiste M. Blaize. Or les fièvres hémorragiques ne sont pas des priorités pour les fabricants. « C’est un vrai problème quand il s’agit de passer à l’échelle de production industrielle », souligne-t-il, saluant l’intérêt de consortiums tels que le MARVAC. « La fièvre de Lassa fait aussi l’objet d’efforts pour le développement accéléré de vaccins grâce au soutien de la Coalition for Epidemic Preparedness and Innovations (CEPI). C’est aussi quelque chose que nous devons à l’expérience Ebola. Proposer des protocoles d’évaluation standardisés permet de comparer efficacement les produits en développement et ce sont vraiment les avis d’experts indépendants qui guident le choix du ou des produits dont le développement est soutenu en priorité. »
L’OMS a déclaré mercredi « attendre impatiemment de travailler avec les gouvernements des deux pays concernés » par le virus Marburg « pour démarrer ces essais » si les conditions étaient réunies. Il n’est en effet pas certain que des études cliniques puissent être réalisées dans les prochains jours alors que les deux foyers émergents semblent être circonscrits.
Mais les efforts produits au sein du MARVAC depuis mi-février ne sont pas vains. Ils permettront aux acteurs impliqués d’être très réactifs si des flambées devaient survenir dans les semaines à venir. D’autant plus que le MARV peut atteindre un taux de mortalité de 88 % et conduire à la mort en moins de dix jours. Dans un document récent, le consortium affichait donc un objectif ambitieux : être capable de lancer un protocole d’évaluation en quinze jours après la déclaration officielle d’un début d’épidémie.