PROPOS SUR LE TERRORISME ET LES IDIOTS UTILES DE L’OPPRESSION
EXCLUSIF SENEPLUS - En érigeant le drame de Yarakh en équivalant des actions djihadistes ou terroristes, le pouvoir crée un contexte idéologique aux conséquences dramatiques pour les libertés publiques et le sort des militants et cadres du Pastef
L’attaque tragique au cocktail Molotov d’un bus du réseau de transport AFTU (deux morts et cinq blessés), le mardi 1er août 2023, à Yarakh, quartier de la commune Hann-Bel Air de Dakar a donné l’occasion au ministre de l’Intérieur Félix Antoine Diome d’appliquer la règle qu’il s’est fixée. Il a outrepassé ses fonctions et tenu en haleine les médias par un discours ampoulé. Après le F. Antoine Diome médecin légiste à Ngor, à Yarakh il est Procureur de la République de Dakar. Les xamb lebous n’y sont pour rien, c’est son style, sa personnalité qui font qu’il s’est autoproclamé maître des poursuites de la région de Dakar, et a parlé « d’attentat terroriste » alors qu’il n’y avait pas encore eu d’enquête et par conséquent pas de résultats de celle-ci ! L’affirmation de F. Antoine Diome était une manœuvre de basse politique politicienne de plus, s’inscrivant dans la stratégie gouvernementale qui remontent à fin du premier semestre 2021 et qui vise à criminaliser les actes d’opposition.
Les lois scélérates du 25 juin 2021
De nouveaux dispositifs législatifs sur le terrorisme ont été adoptés le 25 juin 2021. Le président de la République avait convoqué l’Assemblée nationale, dix jours avant, pour discuter et adopter en procédure d’urgence deux projets de loi modifiant le Code pénal et le Code de procédure pénale qui constituent la base l’arsenal juridique sur le thème.
Ces lois définissent les « actes terroristes » comme ceux susceptibles de « troubler gravement l’ordre public », « l’association de malfaiteurs » et « les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication », etc. La peine encourue en cas de condamnation peut aller jusqu’à la prison à vie. Comme on peut le constater, cette définition vague et tautologique est la voie ouverte à la criminalisation des activités politiques, la liberté d’association et de réunion. Selon ces lois, le fait « d’inciter à la commission d’un acte terroriste » est une infraction pénale. Bien évidemment, les lois ni aucun autre texte ne viennent définir la notion « d’incitation ». C’est sur la base de ces lois scélérates qu’Outhmane Diagne et Kara Mbodj ont été privés de liberté pendant plusieurs pour émoticônes. Ces dispositions liberticides et antidémocratiques font des dirigeants d’associations, de syndicats ou de partis politiques pénalement responsables des « délits commis » par leurs organisations ! Les textes donnent à l’appareil sécuritaire le droit d’effectuer la surveillance d’un « suspect de terrorisme » sans demander l’autorisation d’un juge.
Des dispositions de la loi donnent une grande marge de manœuvre au pouvoir à travers le parquet de qualifier d’acte terroriste la participation à un mouvement insurrectionnel, la destruction de biens, les violences ou les agressions commises contre des personnes lors de rassemblements.
Du terrorisme et du terrorisme au Sénégal
Même s’il est en « isme » comme le libéralisme, le communisme, etc., le mot terrorisme n’est pas une idéologie. Nul, y compris ceux qui l’utilisent comme instrument politique, ne veut instaurer un ordre terroriste. Si l’on s’en tient à l’étymologie, le mot vient du latin classique terror qui veut dire effroi, épouvante. Le Robert 2011, dix ans après le début de « la guerre contre le terrorisme », le définit comme « l’emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique. » En prenant en compte la longue histoire, on peut même dire que c’est une expression relativement nouvelle. C’est dans l’édition 1798 du dictionnaire de l’Académie française qu’on retrouve pour la première fois le mot. Il est aisé d’en déduire qu’il a un lien avec la Révolution française.
Pour s’en tenir aux faits, au constat de son acception médiatique, on peut définir le terrorisme comme un ensemble d’actions opérées par des organisations politiques, des groupuscules, des réseaux criminels en tant que moyens de perturber l’ordre politique établi ou d’asseoir une domination sur un territoire donné. Si l’on procède par cette approche, on peut affirmer que dans le passé notre pays a connu des actes terroristes. Au cours des trente dernières années, il y en a eu un certain nombre. En 1988-1989, des groupuscules issus de la jeunesse urbaine, dakaroise en particulier, avaient perpétré des attentats à la voiture piégée et essayée de s’attaquer au système d’approvisionnement en eau de la capitale. Ces groupes s’étaient formés à la suite de la victoire, usurpée à leurs yeux, du président Abdou Diouf à l’élection présidentielle de 1988. Le Mouvement démocratique des forces de Casamance (MFDC) au cours des années 1990 et 2000 en plus des actions de guérilla, a commis des attentats terroristes notamment au Cap Skirring en 1992, et contre des personnalités : un haut fonctionnaire à Oussouye, et dans le Bignona contre Omar Lamine Badji, président du Conseil régional de Ziguinchor au moment de son assassinat. L’attentat d’Oussouye avait été un traumatisme pour les populations, mais avait atteint également l’État. À la messe d’inhumation de ce haut fonctionnaire, il n’y avait aucun représentant de celui-ci.
L’armée de réserve de l’État policier et d’exception
Les affirmations à l’emporte-pièce du ministre de l’Intérieur ont précipité la sortie du bois de l’armée de réserve de la coalition des forces conservatrices, antipopulaires et soumises aux intérêts des puissances impérialistes et des multinationales. Celle qui contrôle le pouvoir et l’État. Par des raisonnements tortueux et des concessions ahurissantes à l’immoralité, leurs hérauts ont érigé le drame de Yarakh en équivalant des actions menées par les groupes insurgés djihadistes ou terroristes du Soum, du Liptako Gourma ou du Macina. Le procédé pour méprisable qu’il est ne peut être ignoré. Il crée un contexte idéologique aux conséquences dramatiques pour les libertés publiques et le sort des centaines de militants et cadres du Pastef. Il permet également de remettre en cause le suffrage universel, en privant les citoyens des édiles qu’ils se sont librement choisis. Ces derniers jours, les maires Maïmouna Diéye, Djamil Sané ont été embastillés sur les chefs d’inculpation « d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, organisation d’un mouvement insurrectionnel, actes ou manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à causer des troubles politiques graves, provocation directe d’un attroupement armé ». Tous ceux qui sont impliqués dans ces procédures savent, pour parler comme l’autre, que « jusqu’à l’extinction du soleil » aucune preuve ne sera apportée pour étayer ces lourdes charges. Rien ne sera fait pour cela, le but étant atteint avec la mise hors de leurs mairies de ces élus.
Que Macky Sall et son appareil répressif se le tiennent pour dit : les arguties juridiques et les manipulations subséquentes des institutions n’y pourront rien. Il trouvera sur son chemin des militants armés de l’éthique de conviction qui s’approprient les mots du philosophe et poète américain Henry David Thoreau (1817-1862) : « nous sommes des hommes avant d’être des sujets ».