PARDONNEZ MONSIEUR LE PRÉSIDENT, PARDONNEZ ET PARTEZ PLUS GRAND ENCORE
Le seul territoire qui nous reste pour vivre ensemble et où Dieu vient prier, est celui du cœur. Du bon et soyeux cœur ! Tout le reste est dérisoire, vanité, roc et granite
Le seul territoire qui nous reste pour vivre ensemble et où Dieu vient prier, est celui du cœur. Du bon et soyeux cœur ! Tout le reste est dérisoire, vanité, roc et granite ! Monsieur le Président, sortez votre cœur du bouclier, montrez-le ! Moi, je l’ai rencontré. Il m’a ému. Nous savons que le pouvoir s’accommode peu du cœur, voire des sentiments. Même chez les poètes. Je pense à cet immense poète qui, homme, d’État inoubliable, fonda notre République. Il fut intraitable. Un État est une montagne. Elle exige magnificence, autorité, bravoure, vigilance et justice !
« C’est bien la lame qui fend les têtes plutôt que le fourreau ». Puisse mon Président, le Mecquois, devenir le fourreau et non la lame. C’est ma prière pour un Sénégal de paix et d’amour, malgré les épreuves, les ruses, les bravades, les empressements, les convoitises, les incompétences, les jalousies, les vilénies, les pactes avec le Diable. Monsieur le Président, soyez meilleur que nous tous ! Pardonnez ! Parce que vous êtes croyant, Médine et la tombe du prophète où vous vous êtes assis en prière tant de fois, vous le demandent. Vous avez déjà gagné. Maintenant, pardonnez ! Il y a un temps pour le pardon ! Révélez l’éclat de votre âme !
Je vous lis dans Jeune Afrique, le numéro du mois d’août 2023, où vous faites la une, sous la plume de Marwane Ben Yahmed qui vous demande pourquoi finalement ce choix de dire enfin que vous partez. Vous n’aviez pas pensé que « Quand un Président ne dit rien, on n’entend plus que lui ? » A Ben Yahmed, vous répondez ceci : « … je ne voulais pas être l’otage de petits politiciens qui ont fait « de mon 3ème mandat » leur fonds de commerce […] C’était ce qu’il y’avait de mieux à faire, pour le pays, pour sa stabilité et pour moi-même ». Bravo et quelle grandeur malgré ce que chacun est libre de penser ! Mais il reste encore à faire pour mieux finir cette fin de mandat. L’Histoire n’a pas encore fermé son livre sur Macky Sall. Une belle, très belle page reste à écrire et par vous seul, Monsieur le Président !
Au nom des vénérables, si regrettés, si chers et si bien-aimés Coumba Thimbo et Amadou Abdoul Sall pour lesquels des moineaux bleus chantent au Paradis, et au nom de ce que vous avez de plus beau, de plus précieux et de plus cher au monde que tout : vos enfants et leur maman, la Sénégalaise aux yeux de henné - Senghor parlait de sa Normande aux yeux perspardonnez ! Pardonnez à tous ! Libérez ceux que l’on nomme à tort ou à raison des prisonniers politiques ! Videz leur prison ! Laissez-le retrouver leur famille. Entrez dans l’histoire du cœur, les deux pieds joints ! Refondez une nouvelle humanité. Vous le pouvez !
Vous avez beaucoup travaillé. Beaucoup. Il ne vous reste pas à réaliser le plus difficile, mais le plus facile : pardonnez, s’élever au-dessus, bien au-dessus de tous les autres ! Vous le pouvez ! Faites-le sans plus tarder Lamtoro ! Cela ne vous coûtera que la surprise et l’étonnement de vos adversaires ! Quant à votre peuple, ce peuple qui, douze années durant a veillé sur vous, il n’oubliera pas votre geste de sublimation ! Libérez-les tous, qui qu’ils soient et d’où qu’ils viennent et laissez-les comme un collier rompu, ramasser les perles dans les yeux du peuple Sénégalais qui seul tient le fil qui redonne son nom au collier !
La République a démontré avec vous jusqu’où elle était sublimée, vêtue, protégée, grandie. D’autres diront qu’elle fut plutôt une femme séquestrée, abusée, asservie. C’est ce que l’on appelle la liberté d’être différent et de penser différemment ! La République, quant à elle, sait qui est son meilleur époux ! Chacune, chacun de nous, seul, chez soi la nuit, recroquevillé dans ses os, corps périssable dans un coin de lit, prête l’oreille à sa propre conscience et entend son cœur battre, coupable ou non coupable. On n’échappe pas la nuit, au lit, à sa propre vérité. Certains se lèvent le matin, légers et sans masque, d’autres remettent le masque et sortent affronter de nouveau le jour et son fardeau de mensonges et de ruses ! Que chacun s’assume !
Un nouveau soleil doit se lever sur le Sénégal ! Une lumière, Monsieurle Président, que l’on attend que vous allumiez avant de nous quitter, car il y a dans ce pays tant de lampes allumées et qui n’éclairent plus rien. Cette lumière attendue est votre pardon, un pardon qui réconcilie tout un peuple, un pardon qui unit tous les cœurs d’un peuple qui mérite le vivre-ensemble, minaret et cloche entonnant le même chant de paix et d’amour ! Le pardon est une prière d’avance exaucée par Allah et récompensant le croyant ! Le pardon est une élévation divine. Ne pardonne pas qui veut ! Un cœur de moineau peut se cacher derrière un cœur de roc qu’une tige de mil et d’eau trahit toujours et il est des cœurs de roc qu’un moineau vient combler de brindilles pour faire son nid ! Et tout devient soyeux ! L’amour seul a puissance de métamorphose !
Monsieur le Président, pardonnez, ouvrez les portes et les fenêtres, aérez ce pays, gonflez les poitrines de votre peuple, faites-le de nouveau rêver, danser, travailler! Pardonnez mon humble mais ardente prière, mais je la veux comme « la blessure la plus proche du soleil ».
Par Amadou LAMINE SALL
Poète
Lauréat des Grands Prix de l’Académie française.
Lauréat 2023 du Grand Prix de Poésie Africaine