LE KASSA, TERRE DES ROYAUMES DE KAROUHAYE
Il est courant d’entendre parler du roi d’Oussouye, faisant allusion à la cour du roi Sibulumbaï Diédhiou établie juste à l’entrée de la commune
Il est courant d’entendre parler du roi d’Oussouye, faisant allusion à la cour du roi Sibulumbaï Diédhiou établie juste à l’entrée de la commune. En réalité, le Kassa est composé de plusieurs cours royales toutes indépendantes des unes des autres. Elles ont des pratiques culturelles différentes, même si elles prennent leurs sources en Guinée Bissau.
Il est difficile de fixer, de manière précise, le nombre de royaumes dans le Kassa, autrement dit, du pont de Niambalang jusqu’à Cabrousse, Diembering. Certains trônes ont cessé d’exister. D’autres n’ont plus de roi et sont dans le processus de choisir. Mais « pour simplifier, il faut dire qu’il y a une quinzaine de village fonctionnels dans le sens des traditions diolas qui date de 3e, 4e, 5e voire 6e siècles », admet l’anthropologue Abdou Ndukur Kacc Ndaw.
Par village fonctionnel, il faut comprendre un royaume qui intronise un roi appelé « Maan » dans le Kassa. « Les ‘’Maans’’ sont de grands prêtres chargés de protéger le royaume et qui ont des fonctions sociales, spirituelles très importantes », ajoute M. Ndaw.
Partout dans les royaumes du Kassa, la mission du ‘’Maan’’ repose sur deux piliers. D’abord social, car « les ‘’ Maans’’ sont sollicités tout le temps par le royaume pour assurer la sécurité alimentaire des gens. Et l’autre pilier mystique ou spirituel, parce que ce sont les rois qui supervisent le ‘’Kahat’’, une importante forme d’initiation différente, le ‘’Bukut’’, le ‘’Kahantene’’, le ‘’Ekayis’’, le ‘’Ewang’’ qui sont aussi d’autres formes d’initiation », précise l’anthropologue, qui boucle déjà dix années dans le Kassa.
Émanation et processus d’intronisation
« Karouhaye » qui veut dire en diola l’ancien trône, est le berceau des civilisations des fétiches de « Bùbajum Àyyi » (nom des cours royaux dans le Kassa) d’Oussouye et d’Essaoute. Les royaumes du Kassa puisent leurs sources dans ce vieux royaume : « Karouhaye », qui vient tout juste, selon le chercheur, d’introniser son roi. Toutefois, les royaumes du Kassa ne dépendent pas hiérarchiquement de Karouhaye. « Il y a juste une sorte de respect symbolique dû à ce vieux royaume de Guinée Bissau », dit-il. Les rois du Kassa fréquentent Karouhaye dans certains rituels, comme celui de Karouhaye vient parfois dans le Kassa pour des visites de courtoisie. Cette diplomatie culturelle est une tradition que les royautés du Kassa et de Karouhaye essayent de maintenir.
La royauté diola est une institution difficile et complexe en même temps. C’est un sacerdoce. « Beaucoup de gens n’ont pas envie de convoiter ces trônes, comme on a souvent cette envie de solliciter des suffrages pour devenir Président de la République », souligne M. Ndaw. Il explique que : lorsqu’un pouvoir royal est vacant, il est de la responsabilité des sages, du pouvoir royal et des fétiches de déterminer le prochain successeur. Le processus peut aller vite, comme il peut durer pendant des années. En général, si le choix est tardif, « c’est parce qu’on a identifié quelqu’un, mais malheureusement, ce dernier, sentant qu’il va être intronisé roi, quitte la localité », précise M. Ndaw. Aussi d’autres facteurs comme la crise en Casamance font qu’on n’a pas souvent le temps d’introniser en raison d’un contexte sécuritaire fragile.
Ainsi, dès l’instant que la personne est identifiée, « il y a une commission restreinte qui va aller ‘’l’attraper’’ ». Ce dernier peut être « attrapé » n’importe où. Et à partir de ce moment, il n’a plus le droit de refuser, car les gens vont mettre des menaces mystiques sur sa tête, mais aussi sur sa famille. Ici, « dès qu’on ‘’attrape’’ quelqu’un comme roi, il est très rare qu’il refuse », remarque le chercheur de l’Ifan.
Du moment qu’il est « attrapé », il faut six jours à la communauté pour procéder à son intronisation et le septième jour pour sa présentation. Cette étape qui se produit dans les cours royales ou dans les bois sacrés est très mystique et secrète, difficile donc de savoir ce qui s’y passe.
Dans le Kassa, les rois intronisés sont rois à vie ; il en est de même pour la reine. À sa disparition, des cérémonies initiatiques sont organisées, comme celle de « Ñikul », l’interrogation du défunt pour savoir les raisons de sa mort, suivies d’un cérémonial et d’un enterrement exceptionnel loin des yeux des non-initiés. Par contre, le titre de roi ou reine, on l’attribue à certains dont la fonction est de prendre en charge « le Bakin », un fétiche en diola.
Globalement, pour comprendre la complexité de ces cours, il faut aussi toujours se demander de quel royaume l’on parle. Dans le « Bùbajum Àyyi » d’Oussouye, il y a un certain nombre de rites qui sont différents de ceux du royaume de Kalabone et de Mlomp. Les rites et les pratiques initiatiques sont différents, même si les modes de succession sont quasiment identiques. Toutefois, des mutations sont opérées de plus en plus. Il y a un certain nombre de pratiques qui étaient identiques, mais qui ont changé, car ce sont les hommes qui introduisent des innovations. À Oussouye (commune) le « Bùbajum Àyyi » fait le « Kahat », alors que du côté de Mlomp (commune), il y a du « Bukut ». C’est une évolution des sociétés diola.