CANCER, LE DEUIL INTERMINABLE DE PROCHES DE PERSONNES DECEDEES
Un octobre pas si rose - Ce sont des histoires fortes, mais aussi terribles, racontées par des proches de personnes décédées de cancer du sein ou du col de l’utérus
Ce sont des histoires fortes, mais aussi terribles, racontées par des proches de personnes décédées de cancer du sein ou du col de l’utérus. Des proches qui témoignent et surtout parlent de leur endurance, des successions d’évènements avec beaucoup de sensibilité et d’émotion sur la tumeur cancéreuse qui, quelquefois, serait, de leurs avis, un «tu meurs» quand le diagnostic est confirmé à un certain stade de la maladie. Après la mort, la douleur reste immense surtout chez les accompagnants.
Perdre un parent, c’est l’une des épreuves les plus douloureuses, les plus déchirantes de la vie. Oumou Kalsoum l’a vécue avec sa mère, morte d’un cancer. «C’est très dur. Elle était ma force. On était très fusionnelles. C’était la femme de ma vie. J’aimerais bien qu’elle soit toujours là. Elle est partie à jamais emportée par une tumeur cancéreuse. J’ai aujourd’hui compris que l’annonce d’une tumeur après un diagnostic posé et confirmé, c’est quelquefois un «tu meurs»! Ce n’est pas une simple plaie découverte. C’est aussi une fin de vie surtout quand la tumeur est béante «, confie notre interlocutrice. Qui a perdu sa «maman de cœur» emportée par une tumeur cancéreuse. Une tumeur qui, selon elle, signifie «tu meurs» quand elle est détectée et annoncée à un certain stade.
Trois années se sont écoulées depuis la mort de sa maman. Malgré ce temps, Oumou Kalsoum est incapable de parler de la disparition de cet être si cher, sa maman, sans que des larmes coulent sur ses joues. Elle pleure encore, et comme un enfant, sa maman qui avait un cancer métastasé incurable et était sous chimiothérapie durant la phase finale de la maladie. «Ma maman, elle est partie au moment où j’avais le plus besoin d’elle, de son soutien», déclare-t-elle en sanglots. Bien que se voulant courageuse dans son témoignage, ses larmes ont coulé toutes seules. Les mois, les années qui ont suivi le départ de sa maman ont été terribles. «Je n’arrive pas à faire le deuil. Je n’arrive pas à avancer dans la vie. J’ai failli perdre mon travail», ajoute-t-elle. Sa douleur est si immense, mais ne peut pas égaler celle vécue par sa mère sur son lit d’hôpital. «Elle a souffert terriblement avant de mourir, et la voir souffrir était trop difficile à supporter. Au début, elle marchait avec une canne. Mais très vite, elle est passée au fauteuil roulant parce qu’elle n’avait plus la force de tenir sur ses deux jambes». Selon toujours Oumou Kalsoum, « le cancer a été fulgurant en moins d’une année. J’ai su qu’elle allait partir d’un moment à l’autre. L’évidence était déjà là. Ce n’était pas facile. J’ai discuté avec elle. Je lui disais que je ne pouvais pas rester en vie sans elle. Elle avait du mal à parler. Elle est restée clouée au lit. C’était une question de jours et de semaines, et pas de mois. La nouvelle est tombée un dimanche vers 10 heures le matin. C’était le 16 octobre 2020 en pleine campagne de sensibilisation et de dépistage du cancer du sein. Un mois qu’on dit rose mais qui restera toujours noir pour moi. Depuis trois ans, octobre rose sonne dans ma tête comme l’anniversaire du naufrage du bateau Le Joola. Si je prends cette référence, c’est parce que j’avais perdu un oncle dans ce naufrage», confie encore Oumou.
Une douleur interminable
Trois ans se sont écoulés depuis qu’elle a perdu sa mère, mais la douleur reste encore vive. « Quand j’imagine les moments passés ensemble avec ma mère, j’ai le coeur lourd. Aujourd’hui, quand je tombe sur l’annonce d’une personne décédée de cancer, ça me fait penser à ma mère. Je l’ais urtout vécu avec la disparition de Momy Dany Guèye. Je me suis dit qu’elle a dû endurer et souffrir. Le cancer ne fait pas de cadeau. C’est des douleurs, des nuits blanches, des journées d’endurance, d’inquiétude, de stress, d’angoisse, de peur...», dit-elle sur la souffrance avec cette maladie, les successions d’évènements et de moments d’angoisse dans l’accompagnement des malades de cancer L’annonce du cancer est toujours un moment traumatisant suivi de douleurs intenables, de pleurs...Une sorte d’expression d’un sentiment de rupture avec la vie d’avant. L’annonce crée un grand bouleversement chez la personne. Une sorte d’éruption émotionnelle surgit. C’est des familles dévastées, tristes... face à l’hospitalisation dans la durée. Un véritable tsunami!
Chaque histoire est différente de l’autre, mais il y a toujours des sentiments un peu similaires qui reviennent dans les témoignages. C’est surtout le stress, l’angoisse, l’inquiétude, la colère... Des sentiments difficiles ou des pensées négatives à estomper. Face à un malade au stade terminal, il est difficile, presque impossible de garder le sourire. C’est une succession de traitements lourds une fois le diagnostic posé et confirmé. «On a beaucoup dépensé dans la maladie de ma sœur. Pour l’opération, on avait sollicité le soutien des bonnes volontés. Il y en a qui ont répondu, mais la somme nécessaire n’avait pas pu être rassemblée. On nous demandait 700 000 francs. Finalement, elle a succombé. Ça m’a fendu le cœur», raconte Fanta toute triste qui déclare que sa sœur est décédée le 23 février dernier, deux ans seulement après la découverte de son cancer. L’opération, c’est pourtant l’espoir pour beaucoup de malades et d’accompagnants pour ouvrir une nouvelle... page blanche. Malheureusement, l’argent reste le nerf.... de la guérison. C’est pourquoi, dit-elle, la nouvelle du décès de sa sœur est tombée comme un drame venant après un autre auquel la famille avait déjà été confrontée. C’est la deuxième fois qu’un de ses membres succombait à un cancer après leur maman. Selon Fanta, sa maman est morte d’un cancer du col de l’utérus tandis que sa grande soeur avait été emportée par un double cancer du sein et du col de l’utérus. « Le médecin nous a parlé de cancer génétique. Il nous disait qu’il y a des familles qui sont à risques. Moi-même j’ai peur d’hériter de ce gêne», s’inquiète-elle. Elle dit avoir eu un malaise vendredi dernier. «Ça m’a alertée. Je suis même allée faire le test, le dépistage. J’attends les résultats », dit-elle tout en croisant les doigts. «Je ne veux pas vivre la souffrance que la famille a endurée avec maman et, surtout, ma soeur. L’annonce était assez violente, difficile... C’était la tristesse, une vie gâchée. C’était assez difficile à encaisser surtout pour quelqu’un qui venait à peine de se marier. La famille est très vite entrée dans le combat, mais c’était très dur», confie-t-elle en ayant du mal à cacher son émotion.
Une fois le diagnostic annoncé et confirmé, c’est la vie de toute une famille qui est bouleversée. Dès lors, rien ne sera plus comme avant. La vie professionnelle des proches est bouleversée. Le cancer, une fois diagnostiqué, devient un handicap pour presque tous les membres de la famille qui sont au courant de la mauvaise nouvelle. Même si ce sont les malades qui portent la maladie et qui la vivent, mais avec tout ce que cela implique comme douleurs et certitude de n’en avoir plus pour longtemps, certaines familles endossent presque tout, de l’accompagnement psychologique au volet thérapeutique en passant par les lourdes dépenses. Dépisté tard, le cancer conduit à un brouhaha mental qui fait sortir toutes sortes d’angoisses et de désespoirs. Une situation traumatisante pour beaucoup de familles. L’émotion continue après, même avec la mort du proche atteint de la maladie car les images horribles de sa souffrance continuent encore de hanter tous les membres de sa famille.
Un journaliste raconte le cancer de sa défunte épouse
Il ne pensait jamais rouvrir cette page des trois années de souffrances et de douleurs intenses de sa défunte épouse. Ce journaliste, rédacteur en chef d’un grand quotidien, nous parle avec une grande émotion d’un combat acharné pendant trois années contre le cancer de sa défunte épouse. « Un mois de juillet 2013, alors que j’étais à la rédaction en train de boucler l’édition du lendemain, je reçois un coup de fil de mon épouse. Elle m’informe qu’elle est de plus en plus gênée par une boule sous son aisselle. J’ai essayé de calmer son inquiétude en lui demandant d’attendre le lendemain pour aller se faire consulter à l’hôpital Philipe Maguilen Senghor de Yoff. Elle a pu dormir tranquillement. Comme elle était ma première épouse, j’ai dormi cette nuit chez la deuxième. Mais je n’ai pas passé une nuit paisible car étant préoccupé par la situation de mon épouse. Le médecin qui l’avait consultée était une sœur. Elle opta pour une prudence en faisant un prélèvement sous l’aisselle qui a été envoyé ensuite à l’Institut Pasteur de Dakar. La nouvelle est tombée plus tard comme un couperet qui fend le cœur. Elle était sans appel. Mon épouse avait le cancer du sein. La nouvelle m’effondra. J’ai versé de chaudes larmes. Elle était plus forte puisqu’elle a tout mis sur le compte de Dieu » raconte notre confrère. Un nouveau combat à mener venait de commencer. Une bataille épique que notre confrère s’est évertué à mener aux côtés de sa défunte épouse. « De juillet 2013 à décembre 2016, ce fut une bataille de trois années contre le cancer. Le combat médical était mené entre les hôpitaux Le Dantec et de Pikine. Le protocole médical établi par les médecins traitant de mon épouse tournait autour de chimiothérapies interminables. Ma femme pris rapidement un coup de vieillesse. Une chute des cheveux, des ongles noircis. Lorsque nous étions ensemble, c’est comme si j’étais accompagné de ma mère. La chimiothérapie, un procédé technique médical fait de produits chimiques devait détruire les cellules cancérigènes. Les douleurs de mon épouse étaient interminables et indicibles. Les comprimés de morphine, une drogue pour calmer la douleur, ne faisaient plus leurs effets. Il m’arrivait même de tripler la dose pour arrêter ses douleurs. Elle ne dormait pas la nuit. Sa féminité avait disparu lorsqu’elle fut obligée de subir une ablation. La facture de ce traitement était très salée. Ma défunte épouse m’a dit un soir que, selon ses calculs, nous étions presque à 5 millions de frs dépensés pendant les trois années de traitement. Les ordonnances les moins salées tournaient autour de 150 à 200.000 frs tous les 15 jours lorsqu’elle devait subir la chimio. Voyant que je courais à gauche et à droite pour son traitement, elle me demanda une fois de la libérer. J’avais haussé le ton en lui demandant de ne plus prononcer le mot divorce. Je lui disais que j’allais me battre jusqu’à sa guérison. Son état de santé ne s’est pas amélioré. Je me résolus à l’hospitaliser au service de cancérologie de l’hôpital Le Dantec dirigé par le Professeur Mamadou Diop. Elle y a été internée dans une grande salle en compagnie d’autres femmes atteintes du cancer. Chaque jour, il y en a qui mouraient. Un soir de juin 2016, le professeur Mamadou Diop m’a fait venir dans son bureau pour m’annoncer la mauvaise nouvelle. On ne pouvait plus rien pour mon épouse qui n’avait droit qu’à des soins palliatifs en attendant la fin. Ce qui est dramatique, c’est que ma défunte épouse continuait à me demander si elle allait s’en sortir. Je lui mentais en disant oui, alors qu’elle était en phase terminale. De cette date où elle a été diagnostiquée cancéreuse — on était en juin 2013—à décembre 2016, j’ai traversé cette période en intégrant que chaque jour la mauvaise nouvelle pouvait tomber. Ma mère et sa grande-sœur passaient la nuit avec elle. Un vendredi matin, ma mère me tapota tranquillement pour dire me demander d’évoquer le bon Dieu. Le décret divin venait de tomber un vendredi de décembre 2016. Ma première épouse venait de décéder d’un cancer du sein. J’avais déjà fait mon deuil. Neuf années après, la douleur constitue encore comme une boule dans ma poitrine ».