UNE MOBILISATION COMMUNAUTAIRE POUR SAUVER LA BIODIVERSITE
La Casamance fait partie des zones où la biodiversité est encore importante. Du fait de la richesse de ses eaux marines et sa végétation luxuriante, elle fait l’objet de convoitises.
Du fait de sa végétation importante et ses richesses naturelles, la Casamance attire. Pour mieux protéger l’environnement déjà menacée, la Direction des Aires marines protégées (DAMP), soutient la demande des communautés relative à l’organisation de l’exploitation des ressources. Du repos biologique au développement d’activités génératrices de revenus moins nocives à l’environnement, la DAMP, à travers le projet Amp mangrove, appuie les initiatives locales.
La Casamance fait partie des zones où la biodiversité est encore importante. Du fait de la richesse de ses eaux marines et sa végétation luxuriante, elle fait l’objet de convoitises. Afin de lutter contre la dégradation de l’écosystème, les populations locales, appuyées par la Direction des Aires marines protégées (DAMP), s’organisent et mènent des activités de protection. Il en est ainsi de l’exemple de l’Aire marine protégée (AMP) d’Abéné.
Créée en 2004, l'Aire marine protégée d'Abéné a une superficie de 119 km2. Elle est à cheval entre la Gambie et le Sénégal. Selon Jean Valentin Samédy, le conservateur de l’Aire marine protégée d’Abéné, cette AMP polarise cinq villages que sont Kaffountine, Thiana, Abéné, Kabadio et Niaffrang. Cette partie de la Casamance regorge un potentiel halieutique, en attestent d’ailleurs les chiffres de la pêche (les captures) à Kaffoutine. Un des plus grands lieux de déparquement de la pêche artisanale au Sénégal, les prises mensuelles à Kaffoutine varie entre 3 et 7 millions, selon la période, informe l’adjoint au chef de poste du Service des pêches, Adrien Coly. Le village des pêcheurs de Kaffoutine est le point de convergence de plusieurs nationalités africaines qui s’activent dans la transformation et la commercialisation de produits halieutiques. Avec un parc piroguier estimé à plus de 700 embarcations, le repos biologique y est instauré pour garantir la survie des espèces. «Il est important de respecter le repos biologique. Au Sud, nous respectons cela ; c'est pourquoi on fait face à la pénurie. Les Aires marines protégées sont d'un grand apport pour faire face à la raréfaction des ressources», soutient Adrien Coly. Les débarquements de petits pélagiques constituent la part belle des captures de la pêche artisanale à Kaffoutine. Les nombreuses pirogues amarrées à la berge témoignent de l’intensité des activités. Des femmes, en attente de produite halieutiques, assises sur des sacs vides étalés à même le sol font parties du décor. Charges sur la tête, de jeunes hommes remplissent des caisses pour les camions frigorifiques en partance pour d’autres lieux. Les nombreux véhicules stationnés attestent l’importance des départs.
KAFFOUTINE : L’ATTRACTION, AVEC UNE FLOTTE DE PLUS DE 700 PIROGUES DE PECHE EN ACTIVITÉ
L’attraction au quai de pêche de Kaffoutine, ce sont les grandes pirogues, de nouvelles fabrications qui longent la plage. Les préparatifs de la campagne de pêche, prévue en décembre, en serait la raison, selon certains pêcheurs. Ce qui fait le bonheur des fabricants qui se frottent les mains. Mbaye Sène, président de l’Union nationale des charpentiers du Sénégal, est venu s’installer à Kaffoutine pour développer ses affaires. Le bois y est beaucoup plus accessible. Cette disponibilité de la matière première facilite ses activités qui montent en flèche. «Nous avons beaucoup de commandes. La grande campagne de pêche va démarrer bientôt. Les pêcheurs ont besoin d’embarcations de qualité. Par mois, nous fabriquons plus de 40 pirogues, sans distinction de la taille. Les grandes pirogues se vendent entre 8 et 10 et millions», explique-t-il.
Selon Adrien Coly, la flotte de pirogues en activité peut s’évaluer à plus de 700 embarcations. Un nombre en hausse lors des grandes campagnes de pêche. En dehors de la pêche, l’Aire marine protégée d’Abéné regorge, en son sein, d’une zone touristique. Afin de mieux conserver l’écosystème et permettre aux communautés de tirer profit de la ressource, les populations sont associées à la conservation. Mieux, elles sont demandeurs et mènent toute la procédure administrative pour l’érection d’une AMP. A en croire Jean Valentin Samédy, le conservateur de l’AMP d’Abéné, l’engagement des communautés aide à la préservation de l’écosystème. «Nous essayons d’impliquer les populations dans la gestion. Elles sont dans les organes de prise de décision notamment les réunions du comité de gestion».
Au niveau des activités génératrices de revenus, l’Aire marine protégée accompagne les femmes, afin qu’elles puissent développer d’autres activités plus respectueuses de l’environnement. L'AMP d'Abéné est principalement constituée d’une façade maritime, d’où l’urgence de renforcer la surveillance. «Il y a aujourd'hui un impact du fait qu'il y a beaucoup de pêcheurs qui viennent d'autres horizons ; ce qui accroît la capture. Du coup, il va falloir être beaucoup plus vigilant et mettre l'accent sur la surveillance, pas seulement avec les agents, mais faire participer le Conseil local de pêche artisanale (CLPA) et le Groupement d’intérêt économique (GIE) du quai de pêche et le Service des pêches, dans une surveillance commune, pour avoir un plus grand impact dans la gestion de ces ressources», dit Jean Valentin Samédy.
AMP KALOULAAL BLOUF-FOGNY, LA PÊCHE ILLICITE MOTIVE L’ACTION DES POPULATIONS
L’Aire marine protégée de Kaloulaal Blouf-Fogny fait partie des plus grandes AMP. Sa superficie est de 83 853 ha. Elle englobe 9 communes, Djibidione, Suelle, Djinaky, Kataba1, Diouloulou, Diégoune, Kartiack, Mlomp et Thionck-Essyl. Créée en 2020, elle a pour objectif de restaurer les ressources et réhabiliter les habitats, améliorer les conditions d’existences des populations et la gouvernance ainsi que valoriser les connaissances traditionnelles, pratiques endogènes et savoir-faire locaux. La création de cette AMP répond au besoin de protéger la zone de la pêche illicite. «Il y a des installations qui permettent aux étrangers, composés de Maliens, Guinéens, entre autres, de transformer le poisson par fumage. Ils l’exportent vers la Guinée. Et, cette activité ne rime pas avec la conservation de cet espace. C'est pourquoi nous avons entamé des démarches. Il s'agit de chercher par quels moyens ils sont installés ici. On sensibilise les populations par rapport à l'activité qu'ils mènent», fait remarquer capitane Augustin Sadio, conservateur de l'Aire marine protégée Kaloulaal Blouf-Fogny.
Les occupants de l’île de Kareghuel, une partie de l’Aire marine où l’implantation d’un mirador est demandée, ont commencé à quitter les lieux du fait de la pression locale. Une décision saluée par le conservateur Augustin Sadio. «Nous voulons protéger l'écosystème qui est très fragile. Il est question, à terme, de les déguerpir pas à pas car ils se sont installés depuis des années. Nous sommes à quelques encablures du fleuve Casamance et l’île est un point d'entrée des pêcheurs de Ziguinchor, Kaffountine», dit-il. Le président du Comité de gestion, Ousmane Coly, est d’avis que l’implication des communautés locales a aidé à la protection de cet espace. «Beaucoup a changé, depuis que la zone a été érigée en AMP. On peut se glorifier de cette création. Nous avons eu beaucoup de poissons ici. Nous allons œuvrer à ce que les gens respectent les règles. Ce n'est pas facile de gérer cette AMP car elle est grande. Les mauvaises pratiques ne sont plus permises. Chaque village est chargé de veiller au respect des règles», précise-t-il. L’Aire marine protégée polarise 47 villages. Les conservateurs de l’AMP ont pu visiter 32 villages. Les 15 autres restants ne sont pas accessibles, parce situés dans une zone rouge, à cause de la rébellion.
A AGNACK PETIT, LE PARTAGE D’UN PERIMETRE MARAICHER DISSIPE LES MESENTENTES NEES DU CONFLIT
Aux heures de la crise casamançaise, la vie à Agnack Petit était faite de méfiance. Aujourd’hui, avec l’appui de la Direction des Aires marines protégées et le projet AMP mangrove, un périmètre maraîcher a permis de regrouper les femmes et contribué à l’unification de la communauté. Plus de 350 femmes exploitent une superficie de 4 ha, pour des activités génératrices de revenus. Selon l’agent en charge du Génie rural à la Direction des Aires marines protégées, Assane Camara, l’entente communautaire a été rendu possible par ce projet. Au moment de la crise casamançaise, le village composé de plusieurs ethnies vivait dans une tension. L’absence d’occupation des femmes avait exacerbé la mésentente. Binta Diatta, première adjointe du maire d’Adéane en charge du Partenariat, se réjoui, quant à elle, de l’apport financier du périmètre maraîcher. «Les femmes partent moins en brousse et trouvent maintenant de quoi s’occuper de leurs enfants et régler leurs besoins», affirme-t-elle. Des ingénieurs forestiers et des agronomes ont été recrutés pour accompagner les femmes dans la formation. Agnack Petit est dans l’Aire marine protégée de Kassa-Balantacounda. Selon son conservateur, capitane Racine Junior Ballahira, «elle abrite d’importantes ressources halieutiques (poisson et fruits de mer) dont les filières peuvent profiter davantage aux populations locales et aux collectivités». Selon toujours le conservateur, l’AMP abrite d’importantes niches de recherches, comme la mangrove, qui peuvent être exploitées par les universitaires. Les recherches halieutiques sont aussi importantes. Le capitaine Racine Junior Ballahira soutient que 72 tonnes y sont pêchés par mois ; soit une valeur marchande de 108 millions/mois et plus d’un milliard l’année. «Un projet est en vue pour le repos biologique des produits halieutiques», informe-t-il. Toutefois, des mesures de conservations sont déjà édictées. «On insiste sur les mesures de gestion, sur les engins de pêche. Pour la crevette, il n'y a pas de repos, mais les types de mailles (des filets, nldr) sont réglementés. Seule la maille 13 est utilisée pour pêcher ces crevettes. D'autres mesures sont également appliquées dans cette AMP», rappellet-il. Le projet d’expansion de cette AMP est en cours. A terme, elle devra s’étendre jusqu’à la région de Sédhiou, pour intéresser 13181 habitants.
LUTTE CONTRE L’ENSABLEMENT DES RIZIÈRES ET DE LA MANGROVES : Des digues filtrantes érigées par la population
ABoulindin, dans la commune de Coubalan, les populations, aidées par les Aires marines protégées, ont érigé des digues filtrantes. L’objectif est de lutter contre l’ensablement des rizières et de la mangrove. Selon le Génie rural à la Direction des Aires marines protégées, Assane Camara, dix (10) digues sont prévues. Pour le moment, cinq (05) digues filtrantes sont déjà érigées. Dans cette zone également, l’éducation environnementale est inscrite au programme scolaire. Selon Malamine Tamba, Directeur de l’Ecole élémentaire de Diaguour, trois (03) modules sont déroulés. Mieux, des cours sur le palmier à huile sont dispensées pour faire comprendre aux enfants l’utilité de leur environnement. Dans ces deux localités qui se trouvent dans l’Aire marine protégée de Niamone-Kalounayes, des femmes exercent des techniques de fabrication d’huile de palme moins pénible. Ce qui permet, selon Ramatoulaye Diémé, présidente du GIE, un gain de temps et un chiffre d’affaire beaucoup plus important. A signaler que, sous la coordination de la Direction des Aires marines protégées, 682.435 ha protégées sont recensées à travers le pays.
LIEUTENANT-COLONEL MOMAR SOW, COORDONNATEUR DU PROJET AMP MANGROVES : «La Casamance est en passe de devenir presque le hub des aires protégées»
La création d’Aires marines protégées (AMP) au Sud du pays se multiplie. L’expansion de ces aires est en phase de faire de la Casamance la partie du Sénégal où il y a plus d’Aires marines protégées. Le lieutenant-colonel, Momar Sow, coordonnateur du projet AMP mangrove, salue l’engouement des communautés à l’origine de cette avancée.
«Nous avons 17 AMP dans tout le réseau, partant de Saint-Louis jusqu'au Cap-Skiring. La particularité de cette zone sud, c'est qu’en l'espace de cinq (05) ans, nous avons eu six (06) nouvelles créations. Ceci montre tout l'engouement de la communauté. La Casamance est en passe de devenir le hub des Aires protégées. Quand vous avez une approche communautaire, les communautés adhérentes à votre politique. Dans chaque aire, il y a le conservateur et le président de Comité de gestion qui représente la communauté. Dans l'histoire, il est arrivé des moments où les bérets verts étaient les seules Forces de défense qui étaient en profondeur. Cela témoigne que la confiance mutuelle qu'on a entre ses Forces et les autorités de cette Direction. Là où ça influence, c'est parce que c'est parfois carrément des problèmes de sécurité qu'ils ont dans l'intervention, pour avoir des zones qui sont minées. C'est des zones où on ne prend pas la responsabilité d'amener des intervenants. Mais, partout où il y a un retour constaté pour la paix, c'est les communautés elles-mêmes qui demandent et qui insistent pour des interventions. On appui les activités génératrices de revenus. C'est une orientation majeure du projet parce qu'en réalité c'est des couches vulnérables. Lorsque la pauvreté attaque, c'est souvent les femmes qui en pâtissent le plus. Le fait de les favoriser dans cette approche des activités génératrices de revenus, permet d'atteindre deux objectifs : le premier, c'est d'assister les couches vulnérables ; mais, le deuxième et non moins important, c'est de diminuer la pression sur la ressource. La perspective, c'est que les Comités de gestion devront être plus dynamiques, pour assister les GIE bénéficiaires. La problématique de la question foncière et l’approche par les exploitations familiales commencent à émerger. Ce sont les défis des trois 03 prochaines années.»