UNE HISTOIRE INOUÏE
Mamadou Lamine Diallo, secrétaire général des sports des sourds et muets, est parvenu à mener de brillantes études. Il est aujourd’hui un jeune accompli qui a contribué à la formidable épopée de l’Équipe nationale à la coupe du monde des sourds et muets
Apprécier une belle mélodie, être bercé par la voix d’un être cher, participer à des conversations enrichissantes, écouter religieusement une histoire passionnante… Ce sont là quelques petits plaisirs qu’on prend pour acquis et dont on pourrait pourtant difficilement se passer. Voilà près de vingt ans que Mamadou Lamine Diallo est privé de son ouïe mais pas de sa combativité. Par sa détermination et son intelligence, il est parvenu à mener de brillantes études. Il est aujourd’hui un jeune accompli qui a contribué à la formidable épopée de l’Équipe nationale des sourds et muets à la coupe du monde.
Mamadou Lamine Diallo a vécu les premières années de sa vie avec l’anxiété de perdre un jour son ouïe. Son père et plusieurs membres de la fratrie étant malentendants, il se savait exposé. Il s’accrochait à l’espoir d’y échapper tout en se préparant à la triste éventualité de vivre avec la surdité. Malheureusement, les premiers signes ont commencé à apparaitre à l’école primaire. D’abord, il lui était devenu plus difficile d’entendre les faibles sons ou à discerner certaines paroles. Ensuite, il a commencé à avoir des sensations d’oreilles bouchées et à ne percevoir que les sons d’un certain volume. Enfin, le silence l’a emporté. A ce moment-là, sa plus grande peur était de devoir abandonner les études. Comment étudier sans entendre les explications et directives du Professeur ? Comment réviser avec les camarades dont les paroles se perdent dans le silence ? C’est alors qu’il entame un long et admirable parcours du combattant. Pour les besoins de cette interview, nous avons communiqué avec M. Diallo par écrit.
«Parfois, je me suis senti exclu lors des explications en classe»
Privé de son ouïe, il s’est forgé sa propre méthode d’apprentissage. Il recopiait tout ce qui était inscrit au tableau pour plus tard réviser par lui-même. «J’ai appris à être mon propre Professeur, Je me posais des questions auxquelles j’essayais de répondre par moi-même». En outre, il prêtait attention à la gestuelle de l’enseignant et essayait de lire sur les lèvres. «Parfois, je me suis senti exclu lors des explications en classe mais mon sens de l’observation ainsi que l’attention porté au tableau m’ont permis de suivre et comprendre mes cours», se souvient-il. Il révisait aussi avec des camarades de classe avec qui il communiquait par l’écrit et par le geste. Il pouvait enfin compter sur un précieux soutien familial : «Tous ces efforts auraient été vains sans l’aide de ma famille et surtout de mon père qui m’a beaucoup soutenu et qui m’a appris l’écriture, la lecture et le calcul», explique-t-il. Ce labeur assidu allié à une grande force de caractère a permis de générer des résultats scolaires exceptionnels : En CM2, il est classé 4ème à un essai départemental, en 3ème, il est récompensé aux Olympiades scientifiques et enfin, il décroche un Bac S2. Il réussit avec brio une licence en Mines Géologie à Esebat avant d’entamer une formation en Arts graphiques et numérique à l’UVS. Parallèlement, il mène une fructueuse activité professionnelle : Manager digitale de l’Institut des Algorithmes du Sénégal et Infographiste chez Les Elites Sénégalaises. Il a aussi contribué à la création du Projet Sama Bac, un site d’actualités éducatifs.
L’un des artisans du parcours des Lions au Mondial
Il est à présent le Secrétaire Général de l’Association des Sports des sourds du Sénégal. «Ce sont mes amis sourds qui ont proposé mon nom. A leurs yeux, mon parcours universitaire et mon handicap font de moi la personne la mieux placée pour les aider dans leurs activités administratives et de gestion», explique-t-il. A ce titre, il est responsable du Marketing et de la recherche de sponsors. Il a aussi été chargé de l’obtention de licences sportives, de la communication interne, de la coordination des événements sportifs et de la gestion de la correspondance officielle. Cette coupe du monde dans laquelle le Sénégal s’est illustré en décrochant la 3ème place est venu couronner cet engagement constant : «J’ai vécu le mondial avec une grande intensité. C’était un mélange d’excitation, de fierté et de détermination. Chaque moment sur le terrain était une occasion de montrer notre talent et notre dévouement envers notre pays», déclare-t-il avec fierté. Pour lui, ce fut un moment inoubliable qui, il l’espère, va contribuer à améliorer la condition les malentendants. «La surdité est souvent invisible mais elle nous expose à de nombreuses pressions et humiliations. Pour ma part, j’ai souvent caché ma colère face à ces circonstances», nous confie-t-il. A travers ses projets d’avenir, il souhaite continuer à apporter sa pierre à l’édifice : «Je suis déterminé à contribuer à la formation et au développement des personnes sourdes dans le domaine du numérique». Il ambitionne de créer des opportunités d’apprentissage et d’emplois pour cette communauté en mettant en avant l’importance de l’inclusion et de l’accessibilité dans le numérique. Il espère être accompagné dans la réalisation de ce projet salvateur.