LE FOOT SÉNÉGALAIS À DEUX VITESSES
Champions d'Afrique, les Lions de la Teranga trustent les trophées continentaux. Les clubs nationaux peinent pourtant sur la scène africaine. Comment expliquer ce paradoxe ? Reportage au sein de la célèbre académie Diambars
De Diamniadio à Saly, en passant par Dakar, le football sénégalais vit sous le signe du paradoxe. D'un côté, les Lions de la Teranga enchaînent les succès continentaux et trustent les trophées. De l'autre, les clubs peinent à sortir de l'ombre sur la scène africaine. Comment expliquer cette anomalie ? France 24 a tenté de comprendre les rouages de cette énigme made in Sénégal à travers un reportage au cœur du célèbre centre de formation de Diambars.
Une équipe nationale dévorée de succès
La sélection sénégalaise vient de remporter le Championnat d'Afrique des Nations (CHAN) début 2023, après avoir soulevé la Coupe d'Afrique des Nations l'été dernier. Les moins de 20 ans et moins de 17 ans ont également été sacrés cette année, amplifiant la domination des Lions de la Teranga sur le continent africain. Un succès phénoménal qui souligne la qualité de la formation sénégalaise, déjà mise en lumière par les précédents sacres à la CAN.
Mais cette réussite nationale trouve ses limites au niveau des clubs. Car sur la scène africaine, ces derniers peinent cruellement à exister. Seul Teungueth FC a réussi à s'extirper des éliminatoires de Ligue des Champions ces dernières années, sans jamais aller bien loin ensuite. Les raisons de ce décrochage interroge dans un pays qui forme tant de talents.
Une politique de formation assumée, au détriment des clubs
"Ce sont les académies qui ont fait la force de notre football", assure Pape Ibrahima Faye, entraîneur à Diambars. Créée en 2004, cette prestigieuse structure a formé Idrissa Gueye, Bamba Dieng ou encore Pathé Ciss, tous transférés à l'étranger après leur passage sur les bords de l'océan Atlantique. "La plupart des joueurs de l'équipe nationale ont été formés ici avant de partir", martèle PIF.
Une politique assumée de formation au service de la sélection avant tout, qui se fait au détriment des clubs locaux. "Les meilleurs talents quittent le pays très jeunes, pour l'Europe. Cela ne laisse pas le temps aux clubs de se structurer", analyse Cheikh Diop Ndiaye, journaliste pour E-Media. Résultat, ces derniers manquent cruellement de moyens financiers pour conserver leurs pépites. "On ne garde pas nos talents assez longtemps", regrette PIF.
Vers un rééquilibrage du modèle ?
Pourtant, le modèle reste enviable pour de nombreux pays du continent. "L'Égypte ou le Mazembe ont longtemps retenu leurs joueurs, ce qui a aidé leurs clubs", souligne Makane, de Diambars. Mais pour développer un football plus homogène, générant des ressources au niveau local, un rééquilibrage semble inévitable au Sénégal.
Les chances de victoire du Jaraaf ou du Casa Sports en Coupe de la CAF restent ainsi très minces, face à des clubs comme le Zamalek ou le TP Mazembe, dotés de budgets bien supérieurs. Pour espérer rivaliser, il faudrait selon les observateurs garder les talents nationaux plus longtemps, afin de muscler les clubs. L'exemple de la sélection au CHAN l'a prouvé: le potentiel est là. Mais la structure du football sénégalais reste à améliorer pour l'exprimer aussi en clubs.
Pour l'heure, le modèle sénégalais continue de briller avec ses Lions. Mais les acteurs du ballon rond planchent sur les ajustements à apporter afin de résoudre ce paradoxe national, en taillant enfin une place au soleil à leurs formations sur la scène continentale. Car le talent ne manque pas, il faut désormais apprendre à le cultiver au niveau local.