LES LIBERTÉS BAFOUÉES À L'APPROCHE DE LA PRÉSIDENTIELLE
Refus de la liberté provisoire, accusations fantaisistes, conditions carcérales inhumaines: dans son rapport, HRW étrille la répression politique du régime et met en garde contre le risque d'un scrutin non libre ni équitable
A moins d'un mois de la présidentielle du 25 février, la tension monte au Sénégal où les autorités sont accusées d'intensifier la répression contre l'opposition, réduisant drastiquement l'espace démocratique, selon un rapport publié lundi par l'ONG Human Rights Watch (HRW).
Suite à des mois d'enquête dans le pays, HRW dresse un sombre tableau de la situation des droits humains, pointant du doigt une "vague d'arrestations" qui vise opposants politiques, journalistes et activistes. "Près de 1.000 membres et militants de l'opposition ont été arrêtés depuis mars 2021", affirme l'organisation.
Parmi les cibles privilégiées figure l'opposant Ousmane Sonko, leader du parti Pastef récemment dissous. "Plus récemment arrêté en juillet, il est accusé d'incitation à l'insurrection et atteinte à la sûreté de l'Etat", rapporte HRW. Son bras droit Bassirou Diomaye Faye croupit en prison depuis avril pour des motifs similaires.
Selon les avocats interrogés par HRW, les accusations sont souvent "inventées de toutes pièces" et visent uniquement à écarter les opposants politiques. Ils dénoncent également le recours "abusif" à la détention provisoire, le refus systématique de la liberté provisoire et le manque d'accès à un avocat pendant les interrogatoires.
Les conditions carcérales sont elles-mêmes décrites comme "inhumaines", du fait de la surpopulation régnant dans les lieux de détention surpeuplés comme la prison de Rebeuss à Dakar. Plus de 3.000 détenus s'entassent dans cet établissement aujourd'hui saturé, dont 700 personnes incarcérées pour des raisons politiques selon HRW.
Au-delà des arrestations individuelles, c'est la restriction généralisée des libertés démocratiques qui inquiète. "Depuis 2021, les autorités rejettent presque toutes les demandes de manifestation des partis politiques et de la société civile", déplore Moundiaye Cissé de l'ONG 3D.
Dans ce contexte pré-électoral tendu, HRW exhorte le pouvoir sénégalais à enquêter sur les violences policières, libérer les prisonniers d'opinion et garantir la liberté d'expression à l'approche du scrutin. Mais pour de nombreux observateurs, le trouble semé depuis des mois fait planer l'ombre du doute sur la transparence du processus électoral. La communauté internationale surveillera de près la tenue du vote dans ce pays ouest-africain réputé pour sa stabilité démocratique.