UNITÉ AUTOUR D’UNE PLATEFORME POLITIQUE DE TRANSITION
Les combats pour une reprise du parrainage citoyen sont futiles. Il faut « dé-présidentialiser » notre système politique en adoptant un régime parlementaire, dans lequel, le Premier ministre élu par le Parlement détient la réalité du pouvoir
Le peuple sénégalais, dans sa majorité, s’attend à ce que, dans un mois, jour pour jour, le 26 février prochain, en milieu de matinée ou plus tôt, le président sortant donne un coup de fil de félicitations– certes contraint - à M. Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
Cela suffira-t-il pour mettre, fin à la gestion autocratique et bananière de l’État sénégalais, qui s’est aggravée, ces douze dernières années ? Autrement dit, allons-nous assister à une véritable alternative sociopolitique avec mise à terre du système néocolonial ou à une nouvelle alternance comme les deux premières, avec son lot de reniements et d’incertitudes ?
Un processus électoral chaotique
La publication de la liste tout à fait arbitraire des candidats définitivement retenus pour concourir, lors de la prochaine élection présidentielle n’a fait qu’enfoncer le clou dans la plaie du sinistre processus du parrainage citoyen, qui a raté son principal objectif, qui était de contribuer à la rationalisation du nombre de candidats.
En effet, il est passé de 14 en 2012, période d’avant-parrainage à 20, en cette année 2024, même si l’expérience a prouvé que c’est le président de la coalition au pouvoir, qui tire les ficelles dans les coulisses, selon qu’il souhaite avoir un électorat dispersé ou non. On se rappelle des 47 listes lors des législatives de 2017, dont la plupart avaient été parrainées par le président Macky Sall, phénomène, qui s’est reproduit pendant les locales de 2022, avec les exemples emblématiques de Kolda et Dakar.
Pour la présente présidentielle, où leur formation politique court le risque de ne pas figurer parmi les deux premiers concurrents, en termes de suffrages engrangés, les spin-doctors du Benno-APR semblent à nouveau miser sur la dispersion des voix et sur la mobilisation massive de toutes les forces terrifiées, non seulement par la perspective d’une véritable reddition des comptes, mais aussi par l’idée que notre pays puisse enfin sortir du giron de la Françafrique.
Outre cette défaillance du système de parrainage, quant à la réduction du nombre de candidats, qui constitue un aspect quantitatif, on a également pu observer une carence qualitative, car le filtre mal conçu a disqualifié plusieurs candidats reconnus dans l’arène politique, censés être représentatifs et en même temps confirmé des dilettantes en politique ayant le plein droit de participer à la gestion de la cité.
Il s’agit de certaines personnalités qui, malgré tout le respect, qui leur est dû, se sont surtout distingués dans des domaines aussi divers que variés (volaille, parasitologie, humanitaire) où il est vrai, ils font des prouesses…etc.
Nous en appelons solennellement à leur patriotisme et à leur esprit citoyen pour refuser de servir de faire-valoir au putsch électoral en cours et qui pourrait singer le scénario gabonais, c’est-à-dire la proclamation de résultats fantaisistes.
Au total, à l’ombre des tirages au sort et des mystères digitaux, évoquant, selon Abdourahmane Diouf, un putsch électronique, que même des initiés ont du mal à décrypter, les magistrats du Conseil constitutionnel, non avertis en la matière, s’appuyant sur des experts de l’ombre, ont scellé le sort de dizaines de citoyens aspirant à compétir pour la magistrature suprême.
Une élection dévoyée
Ainsi, on a assisté à l’éviction programmée, depuis belle lurette du candidat Ousmane Sonko, à l’encontre de qui, plusieurs procédures judiciaires, toutes aussi grotesques, les unes que les autres avaient été enclenchées (pseudo-viol, diffamation d’un présumé gangster à col blanc).
L’exclusion du patriote en chef, porteur de tant d’espoirs populaires, n’a pu avoir lieu, que parce que des magistrats « ripoux » se sont pliés en quatre pour satisfaire – en mode fast track – la commande politique du président de la Coalition Benno Bokk Yakaar, accélérant le temps de la Justice, si lent habituellement…
De la même manière, l’élimination de Karim Wade de la compétition électorale, même si elle peut se justifier légalement (pour parjure), n’est pas forcément pertinente (politiquement parlant) - d’autant qu’il a fini par renoncer à la nationalité française -, eu égard aux milliers d’électeurs « égarés », qui comptaient voter pour lui et au vu du rôle historique du PDS.
Avec une quarantaine de candidats spoliés, dont sept aux fichiers dits inexploitables, l’exclusion du PDS, l’ostracisme manifeste envers le leader du Pastef, maintenant reconnu comme le leader le plus représentatif de l’opposition sénégalaise, il est clair que le scrutin du 25 février prochain ne répond pas aux critères minimaux de validité. Il peut, quand même servir de rampe de lancement à une dynamique de transformation sociale.
C’est le lieu de saluer la clairvoyance du staff dirigeant du Pastef, qui a trouvé la parade, devant l’entêtement du président Macky Sall à vouloir écarter M. Ousmane Sonko du jeu politique, avec la complicité de certains magistrats, en le rendant inéligible. Ils ont contourné ce piège en optant pour une solution alternative (un ou plusieurs autres candidats), donnant ainsi une leçon de démocratie interne à plusieurs leaders politiques, sans programme ni projet, gérant leurs formations politiques comme un patrimoine personnel, pouvant même être hérité par leurs descendants fussent-ils incompétents et/ou maladroits.
Néanmoins, du fait des violations flagrantes des normes régissant le processus électoral, sans oublier un fichier piégé, avec surreprésentation des départements du Nord et un ostracisme marqué des primo-votants, on peut considérer que le vainqueur de cette mascarade électorale souffrira d’un déficit patent de légitimité. Il devra donc être considéré comme un intérimaire chargé de conduire une transition vers une nouvelle République à refonder de fond en comble.
Comme pour les pays de la sous-région ayant connu des coups d’Etat militaires, il faudra s’atteler à rétablir un ordre constitutionnel normal, après trois années de quasi-État d’exception depuis les émeutes de 2021 et un sabotage méthodique du processus électoral, s’apparentant à un putsch civil, reposant sur des manipulations électroniques et l’instrumentalisation des institutions (DGE, CENA, Cour suprême, Conseil constitutionnel).
Un gouvernement d’union nationale de transition
Notre conviction est que les combats pour une reprise du parrainage citoyen ou le report de l’élection présidentielle sont futiles et d’arrière-garde.
Il faut radicalement soigner la quasi-totalité de notre classe politique, qui souffre du syndrome d’hyper-présidentialisme caractérisé par une gestion autocratique de leurs partis (très souvent des coquilles vides) et cette obsession morbide à vouloir être candidat, même si on ne doit récolter que des scores lilliputiens avoisinant le zéro.
Il faut donc « dé-présidentialiser » notre système politique en adoptant carrément un régime parlementaire, dans lequel, le Premier ministre élu par le Parlement détient la réalité du pouvoir ou tout au moins rééquilibrer, en profondeur, les pouvoirs au sein et entre les différentes institutions.
C’est pourquoi, il faudra aller vers l’adoption d’un programme commun de refondation institutionnelle dans lequel pourraient se reconnaître la plupart des hommes politiques de notre pays.
En effet, la réalité montre clairement que le système hyper-présidentialiste, tel que mis en place par notre premier président après la crise de 1962, est antinomique avec un véritable pluralisme politique. Pire, il est synonyme de velléités hégémoniques, de clientélisme, de corruption, d’atteintes aux libertés et de fraudes électorales.
Dans le même ordre d’idées, le devenir des partis ou coalitions ayant exercé le pouvoir dans notre pays interroge. Ils peinent à survivre et à garder leur cohésion, quand ils perdent leur pouvoir. La plupart de leurs cadres transhument ou créent leurs propres organisations groupusculaires, contribuant ainsi à aggraver la pléthore de partis que connaît notre pays et à amplifier la cacophonie sur la scène politique.
Le parti socialiste disloqué, réduit à une peau de chagrin et le parti démocratique réduit à un clan familial doublé d’un fan’s club de Me Wade, en sont la meilleure illustration.
Les forces patriotiques devraient donc se regrouper autour d’une plateforme politique, embryon d’un futur gouvernement d’union nationale de transition, chargé d’organiser, dans les plus brefs délais, des élections législatives transparentes et inclusives ainsi qu’un référendum sur une nouvelle Constitution comme celle issue de la Commission nationale de réforme des Institutions.
Un programme de rupture sera discuté et adopté de manière consensuelle. Il sera en rapport, aussi bien avec la nécessité d’une refondation institutionnelle bien comprise, le respect des droits et libertés, qu’avec le parachèvement de nos souverainetés politique, économique, monétaire et culturelle.