LE SÉNÉGAL DANS L'IMPASSE APRÈS LE REPORT DE LA PRÉSIDENTIELLE
Le report sine die de l'élection fait l'effet d'une bombe. Une décision sans précédent qui plonge le pays dans la crise. L'opposition crie au coup d'État. Et même les constitutionnalistes dénoncent l'absence de base légale
Le président sénégalais Macky Sall a créé la surprise en annonçant samedi le report sine die de l'élection présidentielle prévue le 25 février. Une décision exceptionnelle dans l'histoire du pays qui risque d'aggraver la crise politique. Pour Babacar Gueye, professeur de droit constitutionnel, cette annonce "ne repose sur aucune base juridique valable".
Interrogé par RFI, M. Gueye souligne que "nous ne sommes pas en crise institutionnelle" et que "les institutions de la République fonctionnent correctement". Selon lui, "il n’y avait pas lieu de prendre une décision visant à reporter une élection". Il analyse ce report comme étant motivé par "la volonté d'éviter que des élections ne se tiennent à date échue, peut-être parce que le candidat du pouvoir n’était pas en bonne posture".
L'opposition a vivement réagi à cette annonce "inacceptable". Ousmane Sonko, candidat déclaré du parti Pastef, a appelé à faire campagne "comme si de rien n'était". Khalifa Sall, ancien maire de Dakar emprisonné, a demandé aux Sénégalais de "se lever contre cette décision". Pour M. Gueye, ces réponses politiques traduisent "la frustration" des candidats face à l'annulation de leur investissement de plusieurs mois.
Macky Sall a évoqué l'ouverture d'un dialogue politique mais, selon le constitutionnaliste, "si c'est un dialogue comme les précédents, je ne pense pas que l'opposition acceptera d'y aller". Il met en garde : tout dialogue devra se tenir "dans les limites du mandat du président", qui s'achève le 2 avril. Autrement, cela équivaudrait à "un coup d'État constitutionnel". Avec ce report inédit et controversé, le Sénégal semble donc plus que jamais engagé dans une impasse politique.