LES CALCULS POLITICIENS FRAGILISENT LE CLIMAT DES AFFAIRES
Le report de la présidentielle jette le trouble. Nombre de patrons redoutent les conséquences d'un nouvel embrasement sur leur activité. Car au Sénégal, les petits métiers du secteur informel représentent 97% des emplois
Derrière son bureau de la banlieue de Dakar, Racine Sarr supervise avec inquiétude ses équipes. Le report de l'élection présidentielle sénégalaise, annoncé par le chef de l'Etat Macky Sall, jette le trouble sur les activités de cet entrepreneur et sur l'ensemble de l'économie du pays.
"C'est un énorme gâchis d'argent", déplore le patron de la plateforme d'import-export Shopmeaway, interrogé par France 24. A l'instar d'Ousmane Diallo, qui évoque déjà "20 000 euros de pertes" après l'annulation d'un contrat avec un candidat, de nombreux acteurs économiques dénoncent les répercussions immédiates de cette décision sur leur business.
Mais au-delà des impacts financiers à court terme, c'est surtout l'incertitude sur la durée de cette crise politique que redoutent les chefs d'entreprise sénégalais. Car en tant que deuxième économie ouest-africaine, la stabilité du Sénégal est un atout majeur pour rassurer les investisseurs internationaux.
"Notre rôle est d'être un vecteur de confiance. Celle-ci est bien sûr liée à la stabilité politique du pays", souligne Racine Sarr. Or, selon l'économiste Thierno Thioune, "sur le moyen-long terme, [les troubles] affectent la confiance et donc les partenariats et les investissements internationaux".
Un constat avéré par le passé récent. Lors des émeutes de 2021 et 2023 déclenchées par l'affaire Ousmane Sonko, des entreprises comme Auchan avaient été la cible de manifestants. Et ces perturbations avaient alors eu "un impact immédiat sur le business sénégalais", note M. Thioune.
Dans les bureaux de Racine Sarr, situés non loin du quartier de l'opposant emprisonné, les affrontements avaient même mis en péril le travail des équipes. "Le gaz lacrymogène entrait dans nos bureaux", se remémore l'entrepreneur.
Comme lui, nombre de patrons redoutent les conséquences d'un nouvel embrasement sur leur activité. Car au Sénégal, ce sont aussi les petits métiers du secteur informel, représentant 97% des emplois selon la Banque mondiale, qui sont les premiers touchés par les perturbations.
Or le climat social s'annonce tendu jusqu'aux prochaines élections, repoussées au 15 décembre. De quoi susciter l'inquiétude des entrepreneurs, à l'image de Racine Sarr qui déplore que "des calculs politiciens mettent en péril les intérêts de tous". Face aux incertitudes, le poumon économique ouest-africain retient son souffle.