VIDEOLES EX- DETENUS APPELLENT A LA RESISTANCE, A PARTICIPER AU RASSEMBLEMENT DE CE VENDREDI ET A ALLER EN CAMPAGNE ELECTORALE
Des militants de l’ex- parti Pastef, appelés ex détenus politiques, ont fait face à la presse pour raconter leur mésaventure en prison et les conditions dans lesquelles ils ont été interpellés le 16 mars dernier par les forces de l’ordre.
Des militants de l’ex- parti Pastef, appelés ex détenus politiques, ont fait face à la presse pour raconter leur mésaventure en prison et les conditions dans lesquelles ils ont été interpellés le 16 mars dernier par les forces de l’ordre. Giflés, forcés à signer des procès-verbaux avec des charges non reconnues, ils disent pourtant ignorer ce qu’ils ont fait comme délit pour se retrouver en prison des mois durant avant d’être relaxés, placés sous contrôle judiciaire ou mis sous bracelet électronique.
Récits poignants, tristes et glaçants d’ex détenus qui, bon nombre parmi eux, ont raté leurs voyages et perdu leur travail. Mais nullement découragés, ils continuent d’appeler à la résistance et invitent les gens à participer à la marche pacifique de ce vendredi et descendre sur le terrain pour la campagne électorale.
Le 16 mars 2023 reste une date inoubliable au Sénégal. Il l’est encore plus pour Mansour Mouhamad Fall de Toglou dans la commune de Diass. Ce jour-là, il a été arrêté par les forces de l’ordre et conduit à la Brigade de Ouakam alors qu’il s’apprêtait à rentrer aux Parcelles Assainies après une journée passée à son lieu de travail à la Cité Keur Gorgui où habite l’opposant Ousmane Sonko. Ce dernier est son leader de cœur jusqu’à se surnommer «Sonko Junior». C’est exactement au rond pont de ladite cité qu’il a été appréhendé. «Je voulais prendre la Ligne 42 pour rentrer aux Parcelles. Ils m’ont sommé de monter dans leur véhicule. J’ai suivi leur ordre par respect à la tenue. Je n’ai pas résisté et je n’ai pas dit un seul mot déplacé. Pourtant on m’a brutalisé et déposé à la brigade de Ouakam. J’ai fait six jours de retour de Parquet avant d’être déféré le 21 mars», a-t-il narré. Après sa garde vue qui a duré presque une semaine, on va enfin lui notifier son mandat de dépôt. Il sera emprisonné pour près de cinq mois avant d’être libéré à la veille de la Tabaski !
Mouhamed Tamba, lui aussi, a été interpelé, le même jour, aux Parcelles Assainies et dans des circonstances surprenantes. Cet étudiant de Diourbel travaillait à temps partiel. «Vu notre situation d’étudiant dans ce pays. On m’a interpelé me disant que je ne partais pas au travail, mais que j’ai participé à la manifestation. Ce qui n’était pas le cas. On m’a dit d’entrer dans leur véhicule. Ils ont interpelé d’autres, trois ou quatre personnes, avant de nous conduire à la brigade. En cours de route, les policiers nous ont dit que nous allons être libérés qu’en 2024. Dans leur PV (procès-verbal), ils écrivent ce qu’ils veulent comme motifs et te chargent de délits non reconnus. Ils m’ont demandé de signer, j’ai refusé. Mais sur leur insistance forcée, j’ai signé sans aucune question au préalable.
Arrêtés le jeudi 16 mars, c’est le 21 mars qu’on nous a notifiés notre mandat de dépôt après cinq jours de retour de parquet», a-t-il raconté. Lamine Niass de Mbour a été emprisonné durant 314 jours, du 16 mars au 29 janvier dernier. « Le 16mars dernier, quand Sonko devait aller répondre dans l’affaire l’opposant au ministre Mame Mbaye Niang, un gendarme est venu m’isoler. Avec Yarga Sy, on est venu de Mbour. En rentrant, accompagné de Khalil et Abdoulaye Guèye, on m’a interpelé ils m’ont dit que je ne pourrais jamais les échapper. Ils m’ont demandé de dire que je ne suis plus du camp de Sonko mais avec Macky tout en me filmant. J’ai rien dit. Un policier a mis du vinaigre sur ma tête en me rasant. Un autre entre dans mon compte tout en me reprochant de n’avoir pas fait un abonnement en retour à sa demande d’amitié» !
Dans sa narration, il souligne être encore en prison à ciel ouvert. «On m’a libéré, mais je suis toujours sous bracelet électronique. Je suis donc en prison», s’est-il indigné. Omar Kamara jure la main sur le cœur n’avoir rien fait et que sa présence dans la capitale se justifiait par un rendez-vous. «J’avais brandi le papier justificatif. Mais ils m’ont interpelé et conduit à la brigade. A toutes mes réponses à leurs questions, ils disaient que je mentais. Ils m’ont torturé dans leur véhicule avec des coups de pieds, ils m’ont frappé avec leurs ceintures... Leur procès-verbal, ils y écrivent ce qu’ils veulent. J’ai fait 8 mois en prison après une semaine de retour de parquet. J’ai fait 6 mois à Rebeuss et 2 mois au Cap manuel. Les gardes nous disaient qu’on allait être libérés qu’en 2024», a-t-il expliqué.
Complaintes identiques
Omar Kamara, Mouhamed Tamba, Lamine Niass et Mansour Mouhamad Fall reconnaissent avoir beaucoup perdu avec cette détention. Ce sont des voyages ratés, du travail perdu, un avenir compromis... malgré leur libération. Du moins pour certains qui ont été relaxés. D’autres ne bénéficient que d’une liberté provisoire ou sont sous contrôle judiciaire.
Dans son récit pour le moins révoltant, Omar Kamara dit avoir raté l’accouchement de sa femme qui, dit-il, était à 5 mois de grossesse. «Elle a accouché pendant que j’étais en prison»! C’est surtout sa rage au cœur dans cette arrestation survenue un jour de rendez-vous important pour un voyage à l’étranger. C’est aussi derrière les barreaux que Mansour Fall a perdu toutes ses économies avec la perte de 1500 poussins. «Je menais une activité parallèle dans le domaine de la volaille. En prison, j’ai perdu énormément de revenus. C’est Macky Sall qui a tué mes poussins pour avoir mis en prison leur propriétaire qui devait leur donner à manger. Il en est le seul responsable», a-t-il accusé à l’endroit du chef de l’Etat.
Alors que Mansour Fall «pleure» ses poussins, l’étudiant Mouhamed Tamba, lui, souffre d’avoir raté son examen l’année dernière. Ce, malgré les démarches de son école avec des papiers justificatifs présentés au juge. «J’ai perdu une année. L’année dernière, je devais faire un examen, l’école a présenté les documents justificatifs, mais le juge me l’a refusé. Je suis sous bracelet. Je ne peux pas sortir de Dakar. Je ne peux même pas aller à Thiès alors que je suis étudiant de Diourbel. Nos droits sont bafoués. Beaucoup d’étudiants sont à Rebeuss. Je ne peux pas aller reprendre les cours. Quand est ce qu’ils vont enlever ce bracelet afin que je puisse retourner étudier ? Je souffre mais je n’y peux rien. Je pouvais faire autre chose, mais je suis croyant et patriote. Je reste ici même si je pouvais prendre les pirogues», a-t-il dit les larmes presque aux yeux devant Lamine Niass qui s’en est sorti de ce séjour carcéral avec des douleurs dorsales. «C’est en prison où j’ai commencé à avoir des douleurs dorsales. Je ne peux plus rester assis pendant un moment à cause du paquetage vécu à la chambre 3». Justement, la chambre 3, dira-t-il «c’est cette chambre où l’on nous avait mis ensemble avec des meurtriers, des trafiquants de drogue et chanvre indien. De vrais influenceurs qui peuvent faire d’un innocent un vrai délinquant», s’est-il indigné.
Le calvaire de la prison
«En prison, on vit le calvaire. On n’était pas dans les conditions de prendre une bonne douche. Mes deux premiers jours, je n’ai pas fermé l’œil. Je me tenais debout. Les conditions sont terribles. C’est pourquoi, après notre libération, on ne pense qu’à un suivi médical. Mais sans appui financier avec le temps passé en prison, on ne peut pas le faire. On perd notre voyage, notre travail... On m’a relaxé purement et simplement sans aucune charge». Omar Kamara rumine encore cette colère d’être relaxé après 8 mois de détention en geôle sans aucun motif valable. Pour Lamine Niass, les gens du pouvoir sont dans leur logique d’emprisonner tout jeune tendant à défendre l’opposant Ousmane Sonko, lui aussi, en détention depuis des mois. « Loin de nous faire fléchir, ces brimades augmentent notre détermination», a-t-il soutenu demandant à l’Etat de laisser les jeunes exprimer leur opinion par rapport à la marche du pays.