LA CLAUSE D’ETERNITE ET LES TENTATIVES DE DEVERROUILLAGE
Le Conseil constitutionnel était très attendu sur la réduction de la durée du mandat présidentiel que le candidat de l’Apr avait promis de ramener de 7 à 5 ans et de se l’appliquer.
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Le Conseil constitutionnel était très attendu sur la réduction de la durée du mandat présidentiel que le candidat de l’Apr avait promis de ramener de 7 à 5 ans et de se l’appliquer. L’institution estime cette mesure est contraire à la Constitution et le septennat est maintenu. Il faut attendre l’adoption par référendum de la révision constitutionnelle de 2016 pour un retour au quinquennat. Cette même révision porte de 5 à 7 le nombre de «sages» et apporte un changement de taille dans la Constitution : une clause d’éternité verrouille définitivement la durée (5 ans) et le nombre de mandats présidentiels permis (2). Cette clause sera au centre des débats lors de la période préélectorale 2023 -2024.
L’éternel débat avec les révisions constitutionnelles entreprises en cours de mandat, c’est de savoir si elles ont une incidence sur le mandat en cours. Cela a conduit à des divergences de vue sur la constitutionnalité d’une 3ème candidature ou d’un second quinquennat. Il y avait des arguments de part et d’autre et le Conseil constitutionnel allait sûrement être amené à les départager. Finalement, en juillet 2023, Macky Sall annonce qu’il ne sera pas candidat et on a alors pensé qu’en dehors de la validation des candidatures à la présidentielle, le CC ne sera pas amené à prendre des décisions majeures. On avait tort. Tout commence avec le discours annonçant le report de la présidentielle, suivi du vote à l’Assemblée nationale d’une loi constitutionnelle allant dans ce sens. Le CC est saisi. Si l’on se fie à ses décisions antérieures (jurisprudence), on remarque qu’il se déclare presque toujours incompétent à juger de la constitutionnalité des lois constitutionnelles. La loi constitutionnelle du report semblait donc à l’abri de l’intervention des Sages.
Aussi, on se souvient qu’en 2006, le CC ne s’était pas opposé au report des Législatives. Cependant, à la surprise générale, il prend une décision historique et rare qui désavoue aussi bien le Président que l’Assemblée nationale. La loi du report n’est pas conforme à la Constitution. La clause d’éternité rend illégale toute prolongation du mandat présidentiel. Cette décision est l’occasion d’émettre des réflexions sur la responsabilité des Sages en tant que gardiens de la Constitution
Le CC, acteur ou spectateur des révisions constitutionnelles ?
Le Conseil constitutionnel veille au respect de la Constitution mais n’a que très rarement les moyens de s’opposer à sa révision. Aussi impopulaire qu’un réaménagement constitutionnel puisse être, il sera validé si le président de la République et 3/5 des députés y sont favorables. Certes, il est plus facile et moins couteux de consulter les représentants élus des populations que d’organiser un référendum pour chaque projet de révision. Cependant, il y a toujours le risque que le choix des élus ne reflète pas la volonté des électeurs. Aussi, ces révisions peuvent servir à accommoder des intérêts personnels. C’est comme si, dans un match de foot, une équipe a le droit de fixer les règles du jeu de sorte qu’elle soit avantagée. Et que l’arbitre qui est le CC ne peut pas s’opposer à ces changements mais peut juste s’assurer que les deux équipes s’y conforment. Avec un CC qui intervient rarement dans le processus de révision, la Constitution est clairement vulnérable aux imperfections de la nature humaine. C’est dans ce sens que le Pr de Droit public Babaly Sall recommande une intervention en amont du CC : «Un contrôle de constitutionnalité peut intervenir avant la promulgation de la loi pour purger celle-ci de tout vice de nature à infecter la Constitution.» L’autre moyen de protéger la Constitution est de verrouiller avec une clause d’éternité les acquis démocratiques sur lesquels on ne veut pas revenir. Sans cette clause, la décision d’annuler le report aurait été beaucoup plus incertaine. Cette décision est l’occasion pour le CC d’amorcer véritablement le virage de la sagesse pour une Constitution davantage protégée.
VALIDATION DES CANDIDATURES A LA PRESIDENTIELLE : POSSIBLE RETOUR A LA CASE DEPART ?
Le ministre de l’Intérieur a laissé entendre, jeudi dernier, que tout le processus électoral pourrait être repris. Le mandat de Macky Sall prend fin le 2 avril, or une date n’est toujours pas définitivement arrêtée pour tenir la présidentielle. Selon Sidiki Kaba, cela expose le Sénégal a deux scénarios. Soit un prolongement de mandat est accordé eu Président pour qu’il assure la transition le temps que son successeur soit élu. Ou bien, le Président quitte ses fonctions le 2 avril et est temporairement remplacé par le Président de l’Assemblée nationale, ce qui aurait pour effet d’annuler les candidatures déjà validées par le Conseil constitutionnel. Concrètement, qu’en dit la Constitution ?
L’article 39 invoqué par le ministre ne prévoit le remplacement du président de la République par le président de l’Assemblée nationale qu’en cas de : «démission, empêchement définitif, ou décès», ce qui ne correspond pas à la situation actuelle. Les textes sont muets quant à l’éventualité d’un mandat présidentiel qui s’achève sans qu’il y ait eu des élections. Cette situation inédite met en conflit deux articles de la Constitution : L’article 103 qui interdit au Président d’aller au-delà de son mandat et l’article 36 qui dit que le Président en exercice reste en place jusqu’à l’installation de son successeur. C’est au CC que revient la responsabilité de départager ces deux articles. Enfin, pour ce qui est de la reprise intégrale du processus, aucun article de la Constitution ne semble y faire mention. Dans tous les cas, ce sera au Conseil constitutionnel de démêler cet imbroglio inédit.