VIDEOL'IMPÉRATIF D'UNE REFONDATION DE L'UNIVERSITÉ
La répression sur les campus ces dernières années révèle un malaise profond à l'université sénégalaise. Felwine Sarr et Ndeye Astou Ndiaye plaident pour une renaissance de ces lieux de savoir comme levier de transformation sociale et citoyenne
Deux voix majeures de l'université sénégalaise, l'universitaire et écrivain Felwine Sarr et Ndeye Astou Ndiaye, docteure en science politique, ont partagé leurs réflexions sur l'état actuel et les défis de refondation de cette institution cruciale dans l'épisode 4 de la série "Où va le Sénégal ?", animée par Florian Bobin.
La crise politique sans précédent traversée par le pays en 2023-2024, marquée notamment par la longue fermeture de l'Université de Dakar, a mis en lumière les failles du système universitaire. Au-delà des problèmes d'effectifs pléthoriques et de manque de moyens, c'est le rôle même de l'université au sein de la société sénégalaise qui est remise en cause. "C'était une attaque contre tout ce que représente l'université", a déclaré Felwine Sarr.
Face à ce constat alarmant, nles deux intervenants appellent à une véritable « refondation » de l'université sénégalaise. "Il faudrait repenser par domaine et créer une synergie avec des discussions interdisciplinaires", a plaidé Ndeye Astou Ndiaye.
Il s'agit d'abord de répenser en profondeur les cursus et programmes pour répondre aux besoins socio-économiques réels. Trop d'étudiants sortent des universités sans réelle employabilité ni compétences professionnelles selon elle.
Mais au-delà, c'est une « décolonisation » épistémologique qui est prônée par Felwine Sarr. Les universités perpétuent un savoir exogène déconnecté des réalités locales. "Il faut opérer une rupture transformationnelle en intégrant les savoirs, visions du monde et modes de connaissance propres aux sociétés africaines", a-t-il martelé.
L'université doit devenir cette "pluriversité" accueillant toutes les formes de savoirs, dans une approche transdisciplinaire innovante, comme l'a défendu Felwine Sarr. Loin d'un simple lieu de transmission, elle doit être un espace d'émancipation des regards et des imaginaires.
Ce vaste chantier exige d'associer étroitement universitaires, chercheurs et autorités publiques, un point mis en avant par Ndeye Astou Ndiaye : "Il faudrait une interconnexion entre chercheurs, enseignants et politiques".
L'enjeu, selon Felwine Sarr, est de refonder un pacte entre l'université et la société, dépassant les crises conjoncturelles pour inscrire l'institution dans un rôle de « veille intellectuelle » pérenne au service de l'intérêt général.