UNE CASTE INTOUCHABLE DE PRIVILÉGIÉS
Anciens chefs d'Etat et hauts dirigeants bénéficient de pensions et avantages flatteurs, aux frais des contribuables. Enquête sur le coût de ces privilèges "indécents" dans un pays encore considéré comme pauvre
La réduction du train de vie de l’Etat n’est pas partie, par certains de ses côtés, à être une œuvre aisée pour le nouveau régime en place. En témoigne cette lourde prise en charge des anciens chefs d’Etat au Sénégal. Des pensions qui renvoient à une retraite dorée des ex-présidents de la République et qui semblent gruger le contribuable sénégalais, ce pauvre gorgorgu englué dans une lutte sans merci contre la vie chère et l’amélioration minimale de sa qualité de vie. Sud Quotidien dresse l’état des lieux de ces pensions « frustrantes » dans un Sénégal encore dans le lot des pays pauvres très endettés (PPTT), qui semblent même bénéficier aux anciens présidents des grandes institutions du pays, comme pour ce qui concerne l’honorariat au CESE.
Les anciens chefs de l’État continuent de jouir d’avantages matériels et humains garantis à vie, et ce aux frais du contribuable sénégalais. Loyer, voiture de fonction, personnels, agents de sécurité, mobilier d’ameublement… ils sont bien couverts.
Au Sénégal, les ex chefs d’Etat peuvent en effet envisager leur prise en charge dans le confort et la sérénité. Le décret 2013-125 du 17 janvier 2013 pris par l’ancien président Macky Sall, quelques temps après sa prise de fonction en 2012, leur permet de bénéficier d’énormes avantages. « Un traitement mensuel de 5 millions francs CFA, en plus de l’octroi d’une assurance maladie étendue au conjoint, de deux véhicules, d’un téléphone fixe, d’un logement et du mobilier d’ameublement ». C’est ce que reçoit tout ancien président de la République du Sénégal. Tout de même, « en cas de renoncement au logement affecté, tout ancien président de la République perçoit une indemnité compensatrice d’un montant mensuel net de 4 millions 500 mille francs CFA ».
A ces avantages, le communiqué ajoute que «l’État du Sénégal prend en charge à hauteur de 40 millions francs CFA par an le coût des billets d’avion de chaque ancien président de la République et de son (ses) conjoint(s)», que « «tout ancien chef de l’État qui décide de s’établir hors du Sénégal peut s’attacher les services de quatre collaborateurs de son choix. Ces derniers sont rémunérés dans les mêmes conditions que les personnels affectés dans les postes diplomatiques et consulaires du Sénégal ».
Il y a également d’autres privilèges : « l’État fournit un aide de camp dont le grade n’est pas supérieur à celui de commandant et qui remplit sa mission exclusivement à l’intérieur du territoire national, des gendarmes pour assurer la protection du logement, deux agents de sécurité pour assurer la protection de sa personne, un agent du protocole, deux assistantes, un standardiste, un cuisinier, une lingère, un jardinier et deux chauffeurs».
Du coup, les anciens présidents de la République peuvent coûter aux contribuables sénégalais plus de 300 millions de FCFA par an. On est de fait bien loin des dispositions de la loi n° 81-01 du 29 janvier 1981 fixant la dotation des anciens Présidents de la République À la dotation annuelle, le législateur avait ajouté une indemnité égale à « l’indemnité la plus élevée allouée aux agents de l’État ».
Et l’indemnité la plus élevée se rapportait à l’indemnité de contrôle des Inspecteurs généraux d’État ou bien l’indemnité de judicature des magistrats fixée à la somme de huit cent mille francs CFA (800 000). Aujourd’hui, la prise en charge des anciens présidents par l’Etat du Sénégal, tient la dragée haute même face à celle des grands pays développés qui dirigent le monde, surtout occidentaux.
En effet, dans les pays européens, des avantages sont aussi accordés aux anciens présidents de la République. En France par exemple, selon une loi du 3 avril 1955, enrichie par des avantages détaillés le 8 janvier 1985 et revue en octobre 2016 par un décret émis sous François Hollande, les avantages des anciens présidents de la République comprennent donc à la fois des avantages « en nature » et des avantages financiers, selon le site ouestFrance. Il ajoute « qu’un ancien président touche une retraite équivalente à celle d’un conseiller d’État ordinaire, soit environ 6 220 € bruts mensuels (soit 4 millions de F Cfa). Sans oublier les éventuelles pensions et salaires auxquels il a droit au titre de ses autres activités professionnelles, leur mise à disposition de collaborateurs permanents, entre autres. Aux Etats-Unis, un ancien président a le droit à une pension à vie, à condition de ne pas avoir été destitué. Le montant de cette retraite s’élève à 226.300 dollars par an.
En Allemagne, les anciens chanceliers allemands ont droit à une pension d'un minimum de 4000 euros (près de 2 millions de francs), à condition que leur mandat ait duré au moins quatre ans. Mieux, le montant de cette retraite augmente en fonction du nombre d'années en poste. Il ressort par ailleurs dans tous ces pays, que la fixation des avantages des anciens Présidents de la République relève de la compétence du pouvoir législatif. Il revient plutôt au Parlement de légiférer sur les montants des avantages pécuniaires des anciens Présidents de la République. A défaut, le versement d’une quelconque indemnité sur le fondement d'un décret constituerait une entorse à la légalité.
Traitement princier, avantages indécents - l’ honorariat adoube le cese
Le Sénégal figure sur la liste peu enviable des pays pauvres très endettés (PPTE) selon les statistiques de la Banque mondiale (BM). Pour autant, il ne se gêne guère quand il s’agit d’octroyer un traitement dispendieux aux anciens présidents de ses institutions. Retour sur le décret N°2020- 964 «instituant un honorariat pour les anciens présidents du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ! Le jeudi 14 mai 2020, une vive polémique s’était emparée du Sénégal. Là également, c’était une affaire d’argent qui était au cœur de l’Etat. Il s’agissait de la signature, par le Président de la République, d’un décret «instituant un honorariat pour les anciens présidents du Conseil économique, social et environnemental (CESE)». La toile avait largué les amarres, à l’époque, pour répandre toutes voiles dehors, une information qui allait devenir virale. Les communicants du Palais qui avaient tenté de démentir le faux-vrai décret, ne s’en sortiront pas indemnes. En témoigne l’énumération des avantages liés à ce que l’usage consacre comme la jouissance d’une «qualité ou d’une dignité par une personne qui conserve son titre après avoir cessé d’exercer la fonction» : indemnité de représentation (4 millions et demi net par mois), un véhicule de fonction avec macaron (laisser-passer permanent), un chauffeur particulier, une dotation mensuelle de carburant de 500 litres et un agent de sécurité rapproché, égards protocolaires, en cas de participation à des cérémonies officielles. A noter que l’honorariat est courant chez les militaires, avocats, et dans les universités (honoris causa), sans toutefois entraîner des avantages et des privilèges autres que protocolaires, et … honorifiques.