LE PIRE EVITE DE JUSTESSE CE VENDREDI
Des pneus brûlés sur la chaussée, un promoteur immobilier qui l’a échappé belle à bord de son véhicule suite à une course-poursuite digne d’un film hollywoodien
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Des pneus brûlés sur la chaussée, un promoteur immobilier qui l’a échappé belle à bord de son véhicule suite à une course-poursuite digne d’un film hollywoodien, des affrontements qui ont éclaté entre les employés du projet agricole Qualité Végétale Sénégal (Qvs) et les vigiles de la même exploitation agricole au service de la partie antagoniste, la Société Nouvelle Ville (Snv).
Il s’en est vraiment fallu de très peu hier pour que l’irréparable ne se produise dans la commune de Keur Mousseu, située dans le département de Thiès, où le feu couve depuis un certain temps du fait d’un litige foncier opposant un promoteur immobilier à la tête de la Société Nouvelle Ville (Snv) et un agro-businessman, gérant du projet agricole Qualité Végétale Sénégal (Qvs). Les deux hommes d’affaires se disputent des hectares de terres dans cette zone devenue un foyer de tension avec des risques d’affrontements chaque jour.
Hier, les populations des communes de Keur Mousseu et Diass, ainsi que des villages environnants, qui se trouvent être les travailleurs de Qvs, sont sorties en masse, en colère, pour aller barrer, un instant, l’autoroute à péage, à hauteur de Kirène. Le nœud du problème résiderait dans le fait que le promoteur immobilier, qui détient dans la zone quelque 65 ha, cherche à étendre ses biens à 110 ha. Une extension qui, malheureusement, risque d’empiéter sur les 185 ha de Qualité Végétale Sénégal (Qvs) qui avait, par un protocole du ministère de l’Environnement, acquis ce périmètre.
Qvs exploite depuis près de 5 ans, 110 ha de terres agricoles, dans la commune de Keur Mousseu, précisément dans le village de Thiambokh. Qvs s’est donc installée dans ce qui est aujourd’hui une ferme agricole, qui emploie plus de 1000 personnes et qui contribue à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire, après avoir obéi à toutes les normes administratives. C’est sur la base d’un protocole d’accord en date du 7 juin 2019, avec la Direction des eaux, forêts, chasses et de la conservation des sols (Defccs), pour la mise en valeur agroforestière d’une partie de la forêt classée de Thiès et valable pour une durée de 5 ans renouvelable. «Ce délai nous a permis d’aller chercher des partenaires pour pouvoir mener à bien l’exploitation de ces terres en termes d’agriculture. C’est ainsi qu’un investissement de plus de 4, 8 milliards de F Cfa a été consenti pour la construction de forages, de bassins de rétention pour permettre l’irrigation», a indiqué Mbaye Seck, Directeur technique du projet.
Mais un conflit foncier entre Qvs et la Société Nouvelle Ville (Snv) risque de tout remettre en question. Et pour cause, la Snv réclame, sur la base d’un décret d’attribution qui date de 2022, la paternité de 90 ha sur les 110 exploités par Qvs, pour y ériger des logements sociaux, alors que la zone est classée non aedificandi par une étude technique. Mbaye Seck signale que ledit décret ne contient aucune coordonnée quant à l’appartenance administrative du site en question, et c’est sur cette base qu’elle a paradoxalement obtenu une autorisation de lotir.
Il s’y ajoute que selon le décret, le site est logé dans le département de Mbour, alors qu’il se situe en réalité dans la commune de Keur Mousseu, département de Thiès, et précisément dans la zone du village de Thiambokh. Il renseigne que c’est d’ailleurs l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (Anat) qui a établi la carte de localisation du site et a ainsi confirmé qu’il se trouve effectivement dans la commune de Keur Mousseu, ce qui a été attesté par le schéma cadastral, avec le numéro d’identification cadastrale 0722030312300001
Il renseigne que la Snv a déjà usé d’un forcing, avec l’assistance des Forces de l’ordre, pour accaparer 45 des 90 ha en question, alors que les semis avaient commencé, et une pépinière a même été détruite lors de cette opération. Et la superficie déjà prise s’est traduite par une répercussion négative sur le rendement de cette année et une diminution drastique du personnel ; ce qui veut dire en clair qu’il y a eu d’énormes pertes d’emplois. Et si la Snv met à exécution sa menace de prendre 45 autres ha, se désole-t-il, cela se traduira par la perte d’environ un millier d’emplois. «Il appartient maintenant à l’Etat d’arbitrer pour qu’une solution pérenne soit trouvée, d’autant plus que c’est l’Etat lui-même qui a, en toute transparence, mis ces terres à la disposition de Qvs, pour une durée de 25 ans. Et s’il donne les mêmes terres à un autre, cela veut dire que c’est lui qui doit arbitrer. Nous avions lancé un appel à l’endroit du président de la République sortant, pour qu’il contribue à la clarification de cette situation. En ce qui nous concerne, nous sommes disposés à la négociation, à nous retrouver autour d’une table pour trouver une solution définitive», a ajouté M. Seck. Selon lui, ce dossier semble dégager un parfum de corruption, mais fort heureusement, le tout nouveau président de la République fait de la lutte contre la corruption une de ses priorités. Il reste en tout cas convaincu qu’avec la nouvelle équipe gouvernementale, la loi du plus fort n’aura plus cours dans ce pays.
Forte mobilisation des populations riveraines pour dire «non» à la disparition de la ferme
«Nous lançons un appel solennel à l’endroit du président de la République Bassirou Diomaye Faye, sur qui nous comptons beaucoup. Nous avons de l’espoir en tant que jeunes, conscients du fait que seul le retour vers l’agriculture permettra d’atteindre au moins l’autosuffisance alimentaire», ont souligné les populations riveraines, lesquelles, en tout cas, se sont mobilisées pour dire non à la disparition de la ferme, qui constitue leur gagne-pain au quotidien. Pour Malick Ciss, chef de village de Thiambokh, Conseiller municipal à Keur Moussa et président de la Commission agriculture et élevage, cette situation est en parfaite contradiction avec l’ambition affichée par l’Etat de donner des emplois aux jeunes, à travers le programme «Xëyu ndaw ñi». «Si vraiment cette ambition est sincère, il ne faut pas laisser toutes ces terres entre les mains d’un promoteur qui travaille pour ses propres intérêts. Personne ne peut comprendre la mise en œuvre, au vu et au su de l’Etat, d’une initiative qui va mettre en péril des milliers d’emplois», a-t-il ajouté. Ce qui est aussi à ses yeux, de nature à encourager les jeunes, pourtant disposés et déterminés à gagner leur vie dans leur terroir, à emprunter les chemins chaotiques de l’émigration clandestine. «Nous n’avons que l’agriculture pour vivre, et c’est d’ailleurs pourquoi nous voulons que ce périmètre soit pérennisé. Nous n’accepterons jamais qu’un individu vienne s’approprier tout ce patrimoine commun. Nous refuserons jusqu’à la dernière énergie», ont déclaré en chœur les populations.